Paris – Exposition « Kimono » – Musée Guimet – I –

Mon blog ne suivant pas l’actualité, je fais une incursion dans le passé !

Exactement en avril 2017 lors d’une exposition au Musée Guimet

(Les éclairages sur les vitrines ne facilitant guère les clichés d’amateur, des reflets intempestifs apparaissent hélas sur mes photos)

Tagasode – Paravent à 6 feuilles illustrées de kimonos disposés sur des présentoirs de bois laqué
Première moitié du XIXe siècle

La collection de kimonos, accessoires et mobilier présentée dans l’exposition fut réunie à la fin des années 1930 par le grand magasin Matsuzakaya, célèbre établissement à avoir créé et commercialisé des kimonos depuis l’année 1611, au début de l’époque Edo (1603-1868)

Détail du paravent

Le nom Kimono (litt.chose portée, équivalant à vêtement) utilisé depuis le XVIe siècle et assez répandu pendant la période Edo, n’est devenu la norme qu’au milieu du XIXe siècle à l’époque Meiji

Bijinga – « Peinture de jolies femmes » devant le magasin Matsuzakaya
La scénographie de l’exposition mettait en lumière une estampe de Kikugawa Eizan datant de 1813

Le Kosode (litt.petites manches) désignait en fait un vêtement aux amples manches fermées étroitement aux poignets

Danseuse – Les manches sont resserrées aux poignets
Couleurs sur papier – XVIIe siècle

Ces manches toujours importantes varièrent d’ailleurs de longueur et de largeur selon les modes aux cours des temps

Les kimonos, au Japon, sont en général exposés sur le côté dos là où se développe amplement le décor en continu
L’exposition parisienne avait souvent fait le choix inverse de façon assez surprenante !

Le Kosode fut porté au début par l’aristocratie impériale (Kuge) comme habit de dessous sur lequel se superposaient d’autres tenues plus amples comme l’Ôsode (litt. manches larges)

Dôboku – Fragment d’un vêtement porté au-dessus du Kosode par les guerriers de haut rang
Teinture Shibori sur soie
Seconde moitié du XVIe siècle

Puis la classe nobiliaire des guerriers au pouvoir (Buke) s’en empara, et adepte des vêtements pratiques le porta seul au quotidien

Enfin le Kosode devint le vêtement usuel de la classe des marchands puis de toute la population

Détail des papillons en Shibori zome incarnant la vie éternelle en raison de son cycle de métamorphose
Motifs symboliques adoptés par les guerriers

Un kimono se compose uniquement de sept rectangles assemblés et pliés, découpés sans perte de tissu, dans un rouleau d’étoffe d’environ 12 mètres de long sur 36 cm de large

Les kimonos exposés étaient en majorité de l’époque Edo (1603-1868)

Le kimono, loin de la souplesse négligée d’une robe de chambre qu’on lui prête en Occident, est un vêtement qui, tout en dissimulant les courbes du corps, impose un strict maintien et oblige à une gestuelle codifiée

Kosode à motifs de camélias
Satin de soie blanche avec broderies
Première moitié du XVIIIe siècle
Détail du décor entièrement réalisé en broderies de fils de soie

La coupe et la forme du kimono sont semblables pour femmes et hommes, seuls les couleurs et les motifs permettent généralement de les différencier

Furisode à motifs d’érables rouges
Teinture à la réserve sur crêpe de soie Chirimen rose
Seconde moitié du XVIIIe siècle
Détail de l’impression rehaussée de broderies

La beauté du kimono ne vient donc pas de sa forme immuable en T restée inchangée depuis des siècles mais de son décor !

Kosode à motifs de cascades, de calligraphies et de coqs
Teinture à la réserve sur crêpe de soie Chirimen jaune
Première moitié du XVIIIe siècle
Détail des motifs d’un coq à longue queue en broderie de fils d’or

Étoffes tissées,teintes, peintes ou brodées d’une incroyable diversité, changeantes au cours des époques suivant l’évolution des techniques nouvelles et l’inventivité des artisans du textile

Kosode à motifs de cascade
Teinture à la réserve sur satin de soie Donsu damassé jaune
Première moitié du XVIIIe siècle
Détail – Fleurs teintes et rebrodées

L’exposition était centrée sur une collection de kimonos issue des presque trois siècles de l’époque Edo (1603-1868) période de l’histoire où le pays en paix et replié sur lui-même sans grand apport de l’étranger, connut un grand essor économique favorisant la classe urbaine des commerçants

Kosode à motifs de cerisiers et de calligraphies
Teinture à la réserve sur sur soie Rinzu damassée orange
Seconde moitié du XVIIIe siècle
Détail – Fleurs teintes en Shibori et broderies de fils d’or

Dans Edo, devenue la capitale du pays à la rapide urbanisation, ces Chônin, ces marchands aisés aux importants moyens financiers contribuèrent à une effervescence artistique nouvelle

Détail d’un Kosode à motifs d’ermitages et de mauves
Teinture Yûzen sur crêpe de soie Chirimen
Seconde moitié du XVIIIe siècle

Si les Kosode portés par les hommes de l’époque Edo, ne connurent pas d’évolutions de style ni suivirent leur personnalité ou leur goût, c’est que, évoluant dans le monde public, ils étaient tenus de respecter une stricte hiérarchie symbolisée par un ordre vestimentaire rigoureux

Détail d’un paravent illustrant la fête des petites filles : Ohina sama
Milieu du XIXe siècle

Les femmes, quant à elles, évoluant dans la sphère privée et selon leur pouvoir économique, avaient toute liberté de choisir les vêtements à leur goût à condition de respecter l’ordre social établi

Détail d’un paravent illustrant la fête des petites filles : Ohina sama
Application d’étoffes en relief sur un fond de soie

Les décors des kimonos se révèlent d’une grande liberté d’expression décorative, émanation esthétique de la civilisation japonaise

Détail d’un Kosode aux motifs artistiques d’instruments de musique, de jeux et de rouleaux de peinture
Teinture à la réserve sur crêpe de soie Chirimen bleu pâle
Première moitié du XIXe siècle
Détail rebrodé d’un Kakemono

Chaque année, étaient édités plusieurs sortes de catalogues de motifs auxquels de grands artistes peintres ne dédaignèrent pas de contribuer

Les clientes choisissaient par ce biais les tissus et les modèles de décors destinés à être réalisés par les tisserands et les teinturiers

Catalogue de décors pour Kosode – 1745

Le Kosode souligne, par le choix des tissus, des motifs et des techniques ornementales, les tendances artistiques propres à chaque époque

Uchikake, vêtement porté au-dessus du Kosode à motifs de papillons
Teinture Kanoko Shibori et broderies sur soie damassée Rinzu blanche
Première moitié du XIXe siècle
Détail d’un papillon teint en Shibori

Il révèle aussi la classe sociale et le statut des femmes ainsi que l’âge, le goût et le sens de l’esthétique de celles qui le portent

Katabira – Kosode pour l’été en ramie à motifs de prunier, chrysanthèmes et lespédèzes
Teinture Yûzen et pochoir sur ramie blanche
Première moitié du XVIIIe siècle
Détail du motif en arc typique des Kosode de la seconde moitié du XVIIe siècle

Deux procédés principaux d’une complexité étonnante se partagent l’univers du textile

Les étoffes tissées ou Orimono se partagent des techniques complexes et variées selon des armures différentes (entrecroisement des fils) comme le taffetas : Habutae, le satin : Shusu ou Saya, le damassé : Rinzu ou le crêpe : Chirimen

Détail d’un Furisode à motifs d’iris et d’hirondelles
Broderies sur crêpe de soie Chirimen
Première moitié du XIXe siècle

Les étoffes teintes ou Some se partagent plusieurs styles de décor comme la teinture à la réserve : Kasuri (Ikat), la teinture après tissage : Shibori zome ou encore applications de couleurs apparentée à la peinture : Yûzen zome

Kosode à motifs de jardins et de pavillons de thé
Teinture Yûzen sur crêpe de soie Chirimen blanc
Milieu du XVIIIe siècle
Détail des motifs teints semblables à la peinture

Des décors viennent s’ajouter, broderies aux fils d’argent ou d’or : Kinshi, des applications de fines feuilles de métal précieux ou encore des insertions de lamelles de papier doré : Kinran

Détail d’un Furisode (longues manches)
Teinture Shibori sur soie Rinzu damassée blanche avec broderies
XVIIIe siècle

L’audace des compositions visuelles se partagent entre naturalisme et abstraction, aux dispositions toujours asymétriques mais aussi références historiques, littéraires ou poétiques

Détail d’un Kosode à motifs de fleurs de cerisiers et de calligraphies en broderies de fils d’or
Teinture à la réserve sur soie Rinzu damassée orange
Seconde moitié du XVIIIe siècle

La nature sous toutes ses formes est naturellement présente dans l’univers décoratif des kimonos avec les évocations des changements des saisons accompagnées d’une grande variété de motifs de fleurs, de végétaux et d’animaux

Détail d’un Kosode aux motifs de rochers et de mauves
Teinture à la réserve sur soie Rinzu damassée jaune
Première moitié du XVIIIe siècle

Le choix du musée était très surprenant d’exposer ces précieux kimonos sur le devant, alors qu’il est habituel de déployer le dos afin de profiter pleinement du décor, de plus avec des kimonos froissés qui « tombaient » mal sur le sol, et des cols mal positionnés

Tout aussi surprenant les cartels mentionnant des étoffes de « lin » (inconnu au Japon à cette époque) au lieu et place de ramie ainsi que les mentions de « corsage » pour désigner le haut des kimonos !

D’autres kimonos encore dans le prochain article …A suivre…

4 réflexions sur « Paris – Exposition « Kimono » – Musée Guimet – I – »

  1. chère Madame

    Encore une fois je tiens à vous complimenter pour cet article sur les kimonos
    je suis entièrement d’accord avec vous pour la présentation des kimonos……c’est, je pense un manque de culture……..c’est vraiment dommage.
    Je me régale aussi avec les voyages au Japon! quelles merveilles
    je suis allée 3 fois au Japon et j’attends la 4ème fois…….
    Continuez à nous enchanter, personnellement je vous en remercie infiniment
    ( je fais aussi du patchwork, surtout avec des tissus japonais, bien sûr ! )
    patchement votre
    netjime Fournier

    • Merci pour l’intérêt que vous prenez à lire mes articles
      Nous avons donc bien des points communs en plus du Japon, la confection de quilts, les tissus japonais…J’en suis vraiment très heureuse !
      Puisque vous connaissez le Japon, vous comprenez mon agacement pour cette présentation saugrenue de si précieux kimonos prêtés avec la courtoisie que l’on connait venant de collectionneurs japonais et dans un musée spécialisé en art oriental quand même !
      Parmi toutes les aberrations rencontrées : l’utilisation de socles de barrières métalliques pour exposer les kimonos !
      J’ai eu la chance depuis des années de voir des expositions sur ce sujet mais c’est la première fois que je constate autant d’incurie !

  2. Bonjour, je suis ravie de lire chacun de vos articles. Cette exposition m’avait beaucoup plu mais je n’avais vu que la deuxième version puisqu’ils avaient dû la modifier étant donnée l’ancienneté des oeuvres, je crois. Merci de la retracer. Toujours intéressée par vos articles sur le Japon où j’ai eu la chance de me rendre en 2015 (pour trop peu de temps à mon goût). J’admire aussi vos magnifiques patchworks depuis de nombreuses années (je patche un peu et suis moins productive que vous) et vous remercie pour ce partage.

    • Merci Pascale de votre intérêt pour mes articles qui, j’espère, vous donneront envie de partir encore au Japon !
      Pour le patchwork, qu’importe la production ! L’essentiel c’est de faire ce que l’on aime à son rythme et d’y prendre du plaisir
      Bon courage pour continuer

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