Exposition Kimonos d’enfants – II –

Paris – Bibliothèque Forney

Exposition Kimonos d’enfants – autres articles : I | II

La collection de Nakano Kazuko contient aussi des kimonos d’enfants en coton ou en ramie qui se révèlent, par la technicité des teintures et des tissages, non moins intéressants ni dénués de sens artistique que les luxueux kimonos de soie

Kimonos pour garçon (à gauche) – Double ikat sur ramie – H. 86 cm – Époque Meiji
Kimono pour fille (à droite) – Teinture au pochoir à réserve sur coton teint à l’indigo – H.126 cm – Fin époque Edo

Un petit kimono en soie épaisse de couleur sobre a reçu des broderies très simples de bon augure, pin, bambous, grues et tortues, symboles de santé et de longue vie à une époque où les conditions de survie des tout-petits enfants étaient tellement précaires…

Kimono pour garçon – Broderie sur soie grise – H. 77 cm – Époque Meiji

… peut-être l’œuvre d’une mère ou d’une grand-mère attentionnée qui en fait un objet peut-être plus touchant encore que les kimonos somptueusement brodés des ateliers professionnels

Détail du kimono – Broderie de Tsuru-Kame (grues et tortues) et Semamori, fils cousus en haut du dos en guise de talisman

Les Hyakuhagi Dôgi, kimono aux cent pièces cousues, ou selon les régions, appelés aussi Hyakutoku Dôgi, kimono aux cent vertus, sont des vêtements constitués de nombreux petits morceaux de tissus de coton, en général pas moins de cent morceaux

Au moment de la naissance d’un enfant, les parents recevaient de leurs familles et connaissances de multiples petits morceaux de tissu avec lesquels la future mère confectionnait un kimono pour son bébé, ces tissus étant chargés de la vertu, de la renommée ou de la longévité des donateurs, le kimono ainsi chargé des vœux des parents ne pouvait manquer d’assurer au nouveau-né un bon début dans la vie

Kimono « aux cent vertus » – 197 pièces de cotons différents pour le kimono et sa doublure – H. 73 cm – Époque Meiji

La culture du coton commença à se répandre dans le sud du Japon à partir du XVIe siècle, mais dans le Tôhoku, région montagneuse aux hivers longs et rigoureux, dont est originaire Mme Nakano, les précieux tissus de coton n’arrivaient que sous forme de kimonos d’occasion, aussi gardait-on précieusement chaque petit morceau auquel on s’attachait à donner une seconde vie

Kimonos « aux cent vertus » pour bébé – H. 50 cm (à gauche) – Kimono pour bébé garçon – Teinture au pochoir à la réserve sur coton indigo – H. 57 cm (à droite) Époque Taishô

Détail du kimono pour garçon – Décor de roues au pochoir dans le style de teinture Shibori

La technique de teinture Shibori -ici-  varie beaucoup en technicité, ces deux petits kimonos sur fonds de tissu indigo et blanc aux décors très différents sont pourtant teints de la même manière, le kimono sur fond blanc, en raison de la taille du décor semble avoir été confectionné dans un vêtement d’adulte

Kimonos pour bébés – Teinture Shibori sur coton indigo – H. 55 et 57 cm – Époque Taishô

Le kimono qui habille la poupée est aussi obtenu avec la méthode de teinture shibori mais sur tissu de soie

Poupée traditionnelle – H. 47 cm – Époques Meiji à Shôwa

Quelques kimonos d’enfant de la collection ont été récupérés après qu’ils semblent avoir subi un usage intensif !

Une mode récente au Japon veut que certains collectionneurs fixent l’objet de leurs recherches sur des tissus les plus usés que possible, les Boro, ces étoffes en lambeaux qui se vendent et s’achètent à prix d’or, font l’objet d’expositions et de savantes publications, un engouement qui fait bien rire ma famille japonaise, elle qui nettoie les tatamis avec des chiffons moins usés que ceux-là !

D’après le cartouche explicatif, les kimonos seraient peut-être d’ailleurs des reconstitutions…

Kimono et Haori – Cotons teints à l’indigo – H. 65 et 57 cm – Époque Shôwa

La collection de Nakano Kazuko comporte aussi des accessoires vestimentaires nécessaires aux petits enfants qui, bien que modernisés sont encore en usage chez les parents traditionalistes

Exposition Kimonos d'enfants

Hara ate – Pièce de tissu pour protéger le ventre – Coton teint à l’indigo – Époque Edo ou Meiji

…comme cette pièce de coton protégeant le ventre des bébés, bien pratique sous le kimono qui s’entrouvre trop facilement quand l’enfant gigote avec vigueur !

Exposition Kimonos d'enfants

Petit « baigneur » de 25 cm de haut portant la pièce d’estomac en crêpe de soie Chirimen

Les Okuromi, nids d’ange sont confectionnés dans les mêmes tissus ou chutes de soie que les kimonos

Nids d’ange pour bébé garçon (à gauche) et bébé fille (à droite) – Teinture Yuzen – H. 70 cm – Époque Shôwa

Les petits bérets en soie, confectionnés dans les chutes de kimonos, complétaient avec chic la tenue, maintenant remplacés par des bonnets de laine plus pratiques mais sûrement moins jolis !

Bérets pour bébés – Époque Taishô

La collection comporte également des petites Geta, sandales en bois peints mais plus curieusement des Fuka gutsu, des bottes en paille de riz originaires des contrées où la neige est abondante…

Petites bottes en paille de riz des pays de neige

… ainsi que des Waraji, sandales aussi en paille de riz qui se portent encore dans le nord du Japon et pas seulement en pleine campagne

Ce sont les sandales que l’on porte nécessairement pour les Matsuri, les fêtes de l’été avec des kimonos en coton

Sandales en paille de riz – Époque Shôwa

Les chutes de tissus de soie servaient et servent encore pour confectionner toutes sortes d’objets très pratiques …

Hakoseko – Porte-monnaie en soie – Epoque Edo à Meiji

…comme des porte-monnaie, des étuis pour les éventails, des pochettes de toutes sortes…

Nioi bukuro – Petit sac en soie pour contenir de la poudre parfumée – Époque Edo à Meiji

Quelques anciennes Temari, petites balles de tissu recouvertes de fils colorés, beaucoup moins magnifiques que les balles-objets d’art telles qu’on les trouve actuellement, conservent dans leur sobriété la fonction première de jouet d’enfant

Temari – Époque Meiji à Shôwa

D’autres photos de mes albums venant de la famille de mon époux

Kimono aux dessins fleuris porté sous un Hakama (pantalon) porté aussi par les filles, le bébé arbore un bavoir volanté de cérémonie fait de chutes de tissu de soie

La grand-mère de mon époux avec un de ses frères – Vers 1890-1900

Les kimonos et les accessoires « en situation » petit béret et kimono quotidien en tissu ikat

Un bébé très mignon de la famille muni d’un béret part en promenade

Enfin, plus actuelle bien que d’époque  Shôwa (1926-1989) une photo de ma fille aînée dans un kimono en étamine de laine cousu par sa grand-mère, une ceinture en soie rouge et un petit Haori (veste) rouge vif aux dessins populaires

Ma fille ainée, photo destinée aux grands-parents paternels !

Les kimonos de fête pour les enfants contemporains sont le plus souvent confectionnés en tissu synthétique imprimés de grands dessins très colorés, si des sujets restent indémodables comme les héros guerriers pour les garçons et les charrettes de fleurs pour les filles, les personnages de films d’animation américains et maintenant les modèles des manga japonais se partagent les faveurs des parents modernes, pour le grand plaisir de leurs enfants !
————————
Paris – Exposition Kimonos d’enfants – autres articles :
Bibliothèque Forney –  I –
Bibliothèque Forney – II –

Autre exposition en 2015 de kimonos d’enfants de la même collection

Autre exposition de kimonos à Paris

12 réflexions sur « Exposition Kimonos d’enfants – II – »

  1. Tres jolies photos ! J’adooooore les photos anciennes….
    Aomori vers 1900, oh la la…ca devait etre qqchose !;0))

    Bisous Marie-Claude !

    (ps: pas de photo d’Hiroshi BB ?)

    • Chère Flo, tu as compris que j’adorais aussi les photos anciennes, ma belle-mère me les a données car dans la famille, personne ne les voulait vraiment , j’en ai bien d’autres, au fur et à mesure de mes articles je les publierai…
      Je pense que tu en as aussi, non ? Les familles japonaises de cette époque ne sont pas très différentes des nôtres en France, exceptés les costumes, mêmes habits « du dimanche », mêmes mines sérieuses et dignes, on pose pour la postérité !
      Des vues d’Aomori au début du XXe siècle montrent une vie semi-paysanne mais pas très éloignée de ce que l’on peut voir ailleurs au Japon à la même époque, dans des régions plus tempérées
      J’aime, sous prétexte d’exposition, me replonger dans le passé, que veux-tu, je vieillis !

  2. alors vieillissez encore que nous puissions voir vos photos !
    votre reportage est beau Marie-Claude ! je ne manque jamais les expo à Forney mais là je suis en Bretagne jusqu’à mi -juin alors…encore merci

    • Ah ! Marie-Hélène, pour ce qui est de vieillir encore, il me semble que j’ai peu de chance d’y échapper, alors oui, je vais écrire des articles qui serviront de prétexte à montrer mes antiques photos !
      L’exposition se terminera le 28 juillet, peut-être auriez-vous le temps d’y aller, cela vaut vraiment la peine quand on s’intéresse aux textiles

  3. Je trouve très touchants ces vêtements du quotidien qui pour moi évoquent davantage un vécu que les habits d’apparat.Il est vrai que ces images nous rapprochent ,japonais et européens.Cela me fait penser aussi à un petit costume marin, en sergé de coton blanc à rayures rouges, qui fut porté par mon père vers 1914.Ce costume a traversé le temps-un siècle!- un peu par miracle, rescapé de tous les déménagements.Je me demande quelle sera sa destinée, lorsque je ne serai plus là pour recueillir pieusement les vestiges du passé familial…Mais sans doute ai-je tort de me soucier de ces détails !

    • J’aime bien que mes articles, de fil en aiguille, si j’ose dire ! amènent de la nostalgie chez mes lectrices ! Françoise, votre réflexion n’est pas anodine, nous toutes qui collectionnons les vestiges du passé avons la même préoccupation…Quand je pense que je continue de confectionner des quilts avec ardeur…qui embarrasseront bien mes enfants dans l’avenir !
      Quant aux kimonos d’apparat, j’en admire l’art, le savoir-faire et les techniques si élaborées qui ont tendance à disparaître aussi
      Dans mon esprit tout est mêlé, mon problème : j’ai trop d’admiration pour des tas de choses, ce n’est pas pour rien que je sois une souris de musées !

  4. C’est, entre autres, ce que j’aime chez vous Marie Claude : cette faculté à aimer ce qui est beau, ce qui honore l’humanité. Continuez, je vous en prie, à nous faire partager vos admirations, cela nous fait du bien, en ces temps sombres où la médiocrité tient si souvent le devant de la scène.

  5. Encore un beau voyage grâce à vous Marie-Claude. Merci de partager avec nous vos visites, vos connaissances et vos jolies photos familiales. Je suis arrivée à un âge où l’on a envie de replonger dans les archives familiales et votre article est tout à fait dans ce sens. L’année dernière ma mère m’a donné des photos de mes grands parents avec leurs enfants petits et ça a été pour moi un très beau cadeau.
    Amicalement
    Murielle

    • Merci Murielle, nostalgie quand tu nous tiens ! Même si selon la vieille antienne « c’était mieux avant » on a tendance à s’enfermer dans le passé, je ne regrette pas, quant à moi, d’être née au milieu du XXe siècle !
      Une nostalgie qui ne paralyse pas, qui ne nous empêche pas d’avancer, n’en est que plus délicieuse…

  6. Bonjour,
    merci pour cette deuxième partie.
    Mon kimono préféré est celui de la première photo, sur la droite. J’ai trouvé le travail de teinture époustouflant – j’avoue que je n’en ai pas vu beaucoup d’autres faits avec cette technique donc je manque sans doute d’éléments pour comparer …
    Beatrice.

    • Oui, vous avez raison, la technique au pochoir « katagami » est parfaitement maitrisée par les artisans japonais, ce kimono était l’un des plus anciens, d’une élégance dans la sobriété qui cache un savoir-faire remarquable
      Je suis contente que nos goûts se rejoignent !

Répondre à ella Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.