Exposition « Sous l’empire des crinolines »

Paris – Musée Galliera 2009

Cette exposition s’est tenue au Musée Galliera de novembre 2008 à avril 2009

L’impératrice Eugénie entourée de ses dames d’honneur peinte par Wintherhalter – Le peintre, d’une parodie involontaire (?) en la représentant comme Diane, déesse de la chasteté, accompagnée de ses nymphes chasseresses, ferait-il allusion à la frigidité attesté de la femme …

Ce musée consacré à la mode et aux costumes n’expose ses trésors que par exposition thématique. J’essaie de ne manquer aucune de celles présentant les collections des époques qui me sont chères, les XVIIIe et XIXe siècles. La mode contemporaine ne m’intéressant que modérément, les expositions mémorables y sont assez rares

Je me souviens de mon émerveillement devant  » Modes et jardins » en 1997 et  » Le coton et la mode » en 2001 entre autres

La crinoline apparue au milieu du XIXe siècle, est une adaptation des robes à paniers du XVIIIe siècle, époque dont les styles décoratifs resteront les références de la culture française tout au long du siècle

Elle témoigne de la passion du temps pour le volume, le gonflement et la courbe, tant dans le décor intérieur que dans la mode où l’accumulation d’étoffes, d’ornements et d’objets, témoigne du goût pour l’ostentation de la bourgeoisie triomphante

Mais le volume n’empêche pas la souplesse et la légèreté, la crinoline remplace les nombreux et lourds jupons, et allège grâce aux fanons de baleine ou aux fines tiges d’acier souples la structure imposante de la « cage »

Robe de bal – Taffetas rayé gris argent, volants dentelle Chantilly main, pouf et ruché de dentelle mécanique – 1866

Plusieurs formes de crinolines se succèdent pendant un quart de siècle. La circonférence, jusqu’à 4 m, des grandes cages du début laisse place à la demi-crinoline dont le devant s’aplatit tandis que l’arrière continue à s’étendre, c’est la crinoline « projetée » puis la « tournure » ou demi-cage prend le relais en concentrant le volume sur les reins afin d’affiner la silhouette

Robe de bal – Crinoline projetée – Faille moirée rayée de satin noir, dentelle Chantilly mécanique – vers 1863

En général les crinolines sont grandes pour les toilettes d’apparat et plus petites pour les déplacements

Robe de bal « péplum » à traîne en mousseline de coton avec 9 volants, franges et pompons en soie, guirlande florale sur le décolleté

L’exposition commençait par la thématique du Bal et de la Cour impériale de Napoléon III avec des tenues extravagantes, jusqu’à 10 m de tissu sur des crinolines imposantes surchargées d’ornements, volants avec ruchés de dentelles, rubans, galons, franges, perles, fleurs sur le décolleté, les manches, le bas des robes

Les jupes faites de volants, abandonnés depuis la fin du XVIIe siècle font un retour en force grâce à leur fabrication vendus en « kit » prêts à être montés sur la crinoline

Robe de bal et mantelet de robe de mariée – volant plissé, garni de rubans, de galons, de franges et de chenilles en soie – vers 1856

Les corsages très ajustés, une dizaine de centimètres pour le corselet de bal, dénudent les belles épaules et le décolleté…

Corsage du soir – Taffetas rayé et biais de taffetas bleu – vers 1864

…Permettant ainsi d’arborer la parure…bijoux clinquants : diadème, collier, pendants d’oreille, bracelet…

Robe de bal – Faille façonnée crème avec bandes de soie rose, corsage garni de dentelle, franges de soie et tulle – 1850-1855

…Mais il faut bien afficher la réussite du mari dans la spéculation immobilière galopante permise par les travaux du baron Haussmann

Robe de bal à traîne – Gaze de soie beige rayée – vers 1866

Les cocottes et les demi-mondaines rivalisent de luxe tapageur avec les toutes fraîches comtesses dont les titres de noblesse sortent tout droit du lit de l’empereur

Les élégantes, qui fréquentent les bals de la Cour ou bien les actrices et les danseuses lancent les modes, s’affichent dans des toilettes excentriques qui sont reprises mais en plus sages par les journaux de mode

Robe à transformation – Robe de bal…

Les cocottes, les cocodettes, les crevettes, les sangsues ou bien encore les balayeuses qualificatifs usités pour désigner ces parvenues qui n’hésitant pas à exhiber leur train de vie étourdissant dans des toilettes, bijoux et équipages jouent le rôle de moteur du commerce de luxe

…Et corsage de jour – vers 1866

Leurs tenues de bal ressemblent souvent avec leur abondance de volants et de fanfreluches à d’énormes pièces montées ! Même si l’alibi des tenues de cour sous le règne de Louis XVI est fortement invoqué

Robe de bal à traîne de Worth – Drapés, volants, ruchés – vers 1870

Les tenues de ville deviennent pratiques, « le petit costume » se compose d’une jupe et de deux hauts du même tissu, ensemble obligé de toute garde-robe moderne…

expo,-crinolines-18-19

Robe de bal mais avec le corsage de jour au décolleté et manches ornés de volants et d’échelles de nœuds – Robe de bal « à transformation » – Taffetas, corsage à 2 volants, jupe à 5 volants, ornée de rubans bleus – 1852

…un haut très décent avec col montant et manches longues pour le jour et un autre haut pour le soir très décolleté pour se rendre au bal de la sous-préfecture !

L’économie, fer de lance des maris de la grande bourgeoisie triomphante, se révèle dans le subterfuge des tenues de Madame

Les magasins de Nouveautés proposent ces robes « à transformation » en « kit », la mécanisation des rubans et galons permet de les ornementer à moindre coût. La grande production de coton démocratise la mode et le costume d’un prix accessible devient la vedette du rayon confection des grands magasins

Ensembles d’été – Coton et lin beige, soutaches, ganses, passementeries en coton noir – vers 1865

Les tenues de jour dont les crinolines devenues très légères facilitent le voyage en chemin de fer, affichent un goût pour les couleurs criardes, les nouvelles teintures chimiques permettent les verts crus, les bleus vifs et le violet

Robe de jour – Soie marron brochée de guirlandes florales, corsage et manches bordés de franges – vers 1855

Les robes de couleur mauve affectionnée par l’impératrice Eugénie sont à la mode. Celles-ci et surtout leurs mantelets affichent le style dit tapissier et croulent sous une avalanche de fanfreluches, galons, pompons et franges pareils aux sofas des salons bourgeois.

Robe de ville – Faille de soie moirée bleue,manches en pagode, passementerie en chenilles, franges et glands en soie – vers 1858

On aime la démesure et l’accumulation dans l’ameublement, c’est le règne de la passementerie utilisée aussi bien sur les tentures que sur les vêtements

Robe de jour – Taffetas quadrillé bleu, corsage à basque, manches pagode à 2 volants, franges de soie – vers 1855

Les couturières à la suite de l’impératrice Eugénie qui avouait un grand faible pour Marie Antoinette relancent la mode du XVIIIe siècle, la bourgeoisie du Second Empire étant nostalgique des façons de vivre de cette époque

Eventail « Le mariage à la campagne » – Vélin gouaché, monture en écaille gravée et dorée – 1865

Les textiles reprennent les motifs du siècle précédent, gros bouquets de fleurs pour les robes d’été, mousseline blanche pour partir en villégiature, taffetas de soie pour le soir

Robe de bal à traîne en gaze de soie à rayures, et « talma » manteau en dentelle Chantilly mécanique noire – vers 1865

Un regain d’intérêt extraordinaire pour la dentelle se manifeste, l’emploi des dentelles anciennes fort onéreuses satisfont le goût du luxe des élégantes fortunées pour les tenues du soir

Mais la demande allant croissante, pour les tenues du jour, l’invention de la dentelle mécanique, grâce à la modernisation de l’industrie permet d’ornementer à moindre coût toutes les tenues

Les « talma » manteaux aussi longs qu’un châle, entièrement en dentelle noire connaissent, à la suite de l’impératrice Eugénie un succès prodigieux, la dentelle orne aussi les éventails, les ombrelles, les gants et mouchoirs et en font des accessoires raffinés

Mantelet – Taffetas rebrodé bordé de longues franges gaufrées – vers 1856

La vogue de l’orientalisme se fait jour dans les grands châles en cachemire et les burnous à capuche en poil de yak ! Confortables et peu onéreux, ils feront l’objet de beaucoup de publicité dans les journaux de mode

Robe de Worth – Faille verte – 1869

C’est sous le Second Empire que Paris devient capitale du luxe pour sa haute couture, ses bijoutiers, ses parfumeurs, attirant le monde entier, comme le Brésilien dans la Gaîté Parisienne d’Offenbach !

Manchon en plumes de paon, bordé d’hermine blanche – 1960-1870

C’est l’époque des Grands Magasins et des Expositions Universelles qui séduisent une clientèle féminine toujours en quête de nouveautés…

Capote et ombrelle portées à la campagne – vers 1860

…faisant le désespoir des maris en passe d’être ruinés, ridiculisés dans les dessins satiriques ou dans les romans de Zola  » La Curée » et « Au Bonheur des Dames »

Des mécaniques astucieuses comme les tirettes situées à la taille permettent de relever la jupe, qui laisse ainsi voir le jupon fantaisie, les bas assortis et les bottines à talons

La jupe ainsi raccourcie facilite les déplacements même si elle est jugée assez provocante !

Les couturières reproduisent les robes parues dans les revues illustrées grâce à l’essor de la machine à coudre familiale et à l’achat en grands magasins de toutes les fantaisies agrémentant les toilettes

Ensemble d’été – Coton beige, soutaches, ganses, passementeries en coton noir – vers 1865

Les poupées de mode ou poupées mannequins ne sont que des jouets, mais reproduisent à l’identique la garde robe d’une jeune femme de la bourgeoisie

Poupée de mode – Tenues de ville et du soir – vers 1855

Le trousseau de la poupée comporte également des accessoires raffinés à très petite échelle, bottines, gants, bijoux, nécessaires de couture…

Poupée de mode – Robe en faille rayée noir et rose, jupon sur crinoline projeté – vers 1867

A l’instar de la noblesse dans ses portraits peints, le développement de la photographie permet de fixer le nouveau rôle social de la classe montante industrieuse

On se fait immortaliser chez le photographe, mine sévère et compassée car bien que les robes à crinoline soient à la mode dans toutes les couches de la population, elles sont plus décentes, voire austères chez les petits bourgeois

Ernestine Thilloy photographiée en 1864 vient d’entrer dans ma collection

La passion du luxe et de l’élégance voyante n’ont pas cours dans cette société corsetée et bigote, où la femme est toujours assujettie à son rôle économique d’épouse et de mère

A l’opéra de Covent Garden à Londres – la crinoline a passée avec succès le Channel

A la passion affairiste et à la richesse ostentatoire de la bourgeoisie triomphante, répond la misère ouvrière de la Révolution Industrielle, bientôt La Fête Impériale sombrera dans les désastres de la guerre et de la Commune, la III° République jettera la crinoline aux oubliettes

N’en reste que le fantasme des robes « de princesse » qui continue à faire rêver couturiers et costumiers de cinéma. Qui n’a pas été subjugué par les sublimes images des films de Luchino Visconti ?

De l’utilisation imprévue et combien plus judicieuse de porter une crinoline – dessin satirique anglais

La plupart des photos sont issues du catalogue (épuisé) accompagnant l’exposition

8 réflexions sur « Exposition « Sous l’empire des crinolines » »

  1. C’est un très joli blog , très agréable à parcourir !

    J’aime aussi les beaux tissus et je regrette souvent l’abandon du souci de la toilette qui est hélas fréquent à notre époque ( les beaux habits confectionnés avec soin et amour , pas les devantures de griffes de luxe bien sûr : les dentelles aux fuseaux m’émeuvent , les logos entrelacés m’horripilent ) .

    Merci beaucoup de faire partager vos visites que parfois nos emplois du temps ne nous permettent pas d’effectuer !

    Continuez surtout !

  2. Bonjour,

    Je découvre votre site et par là même votre article sur les crinolines. J’irai découvrir les autres sujets plus tard.

    Cordialement.

    MIMIE

  3. Bonsoir , merci pour cette visite au musée , je l’ai bien souvent arpenté ce musée quand plus jeune je travaillais à Paris , passionnée de costumes anciens je cours aux expositions , nous avons un musée à Bastia qui vient de réouvrir où de vieilles familles ont prêté leurs toilettes.
    L’an dernier « être et paraître  » à bastia autrefois , visible sur mon blog dans mes albums .
    J’ai beaucoup aimé également l’expo des boutons
    a bientôt
    Janik

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