Exposition « La fabrique du Romantisme » – Charles Nodier et les voyages pittoresques

Paris – Musée de la vie romantique

Exposition consacrée à l’influence de Charles Nodier sur l’émergence du Romantisme en France…

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« La fabrique du Romantisme » – Exposition jusqu’au 18 janvier 2015

…et surtout sur l’édition monumentale des « voyages pittoresques » dans la France du XIXe siècle

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Charles Nodier (1780-1844) écrivain et auteur fécond d’ouvrages d’érudition et d’innombrables articles littéraires pour les journaux de son temps, contribua au renouveau artistique qui s’imposa dans les années 1820-1830 à Paris

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D’après Paulin Guérin – Portrait de Charles Nodier – Exposé au Salon de 1824
Pose officielle et avantageuse de l’écrivain au faîte de sa gloire

Nommé par le pouvoir royal sous la Restauration, au poste de conservateur de la bibliothèque de l’Arsenal, il y tint un Salon « Le Cénacle » fréquenté par toute l’intelligentsia littéraire et artistique de la première moitié du XIXe siècle

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Roubaud – Portrait satirique de Charles Nodier en 1842
Nodier représenté assis sur des livres comme un « rat de bibliothèque »
Féru de littérature antique, il réhabilita aussi les écrivains de la Renaissance et particulièrement Ronsard

Ce salon, lieu d’échanges et d’émulation pour les jeunes écrivains, aura favorisé l’émergence et la diffusion du Romantisme en France

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A.Devéria – Les Heures de la Parisienne – Improvisation du pianiste-compositeur Hertz, célèbre à Paris dans les années 1830 – Lithographie – 1834
La sociabilité du salon de l’Arsenal ménageait bien des divertissements pour la jeune garde romantique

Nodier sacrifia aux goûts littéraires du temps, avec des romans de brigands, alors à la mode, avant de se consacrer à l’écriture de contes fantastiques qui enchantèrent nombre d’adolescents à une époque pas si lointaine !

Nodier, fervent découvreur des littératures anglaise et germanique dépassa le domaine traditionnel de la fantaisie de son temps et orienta cette nouvelle esthétique romantique plutôt vers l’illusion, l’irrationnel, le rêve permettant l’échappatoire face aux déboires de la vie réelle

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A.J.Règnier (1787-1860) – Paysage d’Écosse
Étrange nature propice aux aventures chimériques

Mais à l’encontre de ses récits fantastiques, Nodier en homme de convention, considéré et ne refusant pas les honneurs, mena une vie régulière exempte de l’exaltation romantique que connurent nombre de ses contemporains et amis

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A.Devéria – Marie Nodier dans une loge à l’Opéra – Aquarelle – Vers 1829

Les salons de l’Arsenal furent aussi un lieu de mondanités où la fille de Nodier, muse charmante et espiègle, célébrée par de jeunes poètes, donnait le ton en animant bals et réceptions

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A.Devéria – Marie Nodier – La fille de l’artiste – Lithographie avec rehauts de gouache blanche

Dans les salons de l’Arsenal se réunirent la jeune garde de la nouvelle école littéraire du Romantisme naissant, poètes, artistes et musiciens

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A.Devéria – Portrait d’Alexandre Dumas – Lithographie – 1831
L’écrivain, représenté mince et conquérant, fut fort satisfait de son portrait !

Alexandre Dumas qui ne partage pas le goût du fantastique de Nodier, comme écrivain peu attiré par le tragique, le désenchantement ou le spleen romantique, Dumas reste, de par sa facilité et son imagination créatrice, une exception du temps

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P. A. Giraud – Portrait d’Alexandre Dumas – Pastel – 1830
Portrait où la bonhommie de l’auteur se révèle sans doute plus exacte que le portrait en « jeune romantique » de Devéria

Le mouvement romantique eut la chance d’avoir un artiste reconnu à l’époque, Achille Devéria, peintre médiocre d’anecdotes historiques « plus du coloriage que de la peinture » disait Baudelaire ! mais bon illustrateur de livres classiques pour immortaliser dans ses portraits lithographiés les jeunes partisans de ce renouveau esthétique des années 1830

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A.Devéria – Portrait d’Alphonse de Lamartine – Lithogravure – 1830
Hugo écrivit que Devéria avait bien rendu la « grande et noble figure » du poète

En plus des célébrités de son temps Dumas, Lamartine, Vigny, Musset, Balzac, Devéria portraitura Victor Hugo, dont le peintre était l’ami, comme jeune génie du Romantisme

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A.Devéria – Portrait de Victor Hugo – Lithographie – 1829
Aisance du dessin et de la composition pour célébrer le poète fort conscient de son talent

Devéria est connu aussi pour ses lithographies des femmes de son entourage posant pour illustrer la mode des années 1830, mais aussi pour ses représentations de scènes intimistes comme témoignages intéressants de la vie de famille, dont celle du jeune Hugo en particulier

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Devéria – La maman – Portrait d’Adèle Hugo – Lithographie – 1828
Devéria a dessiné plusieurs scènes où figure Mme Hugo

Nodier en homme de lettres érudit accompagna, dès les années 1820, le projet éditorial monumental du baron Taylor qui projeta de mener à bien des « Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France »

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Federico de Madrazo – Portrait du baron Isidore Taylor – (1789-1879)
Auteur de théâtre s’inscrivant dans la mouvance romantique, grand voyageur, rédacteur avec Nodier de l’anthologie des provinces françaises

L’ambition de décrire les différentes provinces françaises en une anthologie descriptive, historique et artistique se réalisa sous la forme d’une œuvre gravée monumentale en vingt-quatre volumes

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Viollet-le-Duc – Environs d’Amiens – Voyages en Picardie – 1835
Lors des premières découvertes archéologiques de monuments celtiques, l’imagination fertile des artistes s’enflamme pour les druides et leurs sacrifices

Nombre de planches des volumes mêlent les récits historiques et anecdotiques à l’imaginaire assez échevelé ! du passé antique de la France quasi inconnu à l’époque

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Théophile Fragonard – Amiens – Voyages en Picardie – 1840
Soigneux relevés de l’italianisme dans les arts décoratifs du XVIe siècle

Ce premier catalogue sérieux des richesses des provinces françaises fut réalisé avec la volonté de recenser les fleurons du patrimoine national

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Eugène Isabey – Abside de l’église de St Nectaire – Vol.1 Voyage en Auvergne – 1829

Charles Nodier en fit une somme littéraire, le baron Taylor quant à lui se chargea de l’iconographie qui en comportant plus de 3000 illustrations, mit à contribution les meilleurs artistes du temps

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La grande cascade du Mont-Dore – 1831
L’aspect grandiose du paysage met aussi en exergue ce patrimoine fragile dont la trace doit être conservée

Ces témoignages d’un passé déjà disparu à l’époque ou en passe de l’être, furent décrits avec une puissance d’évocation étonnante où récits et illustrations se répondent parfaitement

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Alexandre Fragonard – Monument « druidique » dans le bois de Trie près de Gisors – 1824
L’archéologie comme nouvelle science n’entama pas le mystère entretenu autour des origines des mégalithes associés aux Gaulois

Le support esthétique des « Voyages pittoresques et romantiques » selon le goût de l’époque pour un âge d’or de l’histoire nationale, est considéré comme un véritable manifeste du Romantisme

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Nicolas Chapuy – Église de l’abbaye de Moissac – Voyages dans le Languedoc – 1833
Les monuments médiévaux soigneusement décrits serviront de toiles de fond au Moyen Age revisité des peintres d’histoire

La préférence pour les sites pittoresques et surtout pour les ruines seront les sujets préférés des artistes spécialisés dans les peintures d’histoire et de paysages

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L.Sabatier – Le rocher de l’Aiguille – 1833
Paysage du Vivarais représenté dans une veine fantastique

Le fantastique est à la mode, le goût pour des sites un peu étranges marquent bien l’imaginaire du temps, les grottes comme lieux extraordinaires furent à l’origine de bien des décors d’opéra ou de ballet

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Nicolas Chapuy – Grotte de Campan – 1834

Un Moyen Age idéalisé, plein de fantaisie sera le sujet préféré de beaucoup d’artistes…

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A. Millin du Perreux – Jeanne d’Arc au château de Loches – 1819
Vision idéalisée du Moyen Age avec ses anachronismes réjouissants !

…qui s’adonneront à une peinture du style « troubadour » mettant en scène des récits de chevalerie dans des paysages réinterprétés et des ruines considérées comme le summum du romantisme

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Ch.Renoux – Dans les ruines d’une église gothique – 1828
Une architecture recomposée où la ruine suscite une réflexion sur le passé disparu

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Détail du paysage atmosphérique en arrière-plan

Même si dans cette exposition, les tableaux présentés caractéristiques de l’esthétique romantique sont l’œuvre d’auteurs toujours considérés comme des « petits maîtres », l’atmosphère de poésie rêveuse distillée dans ces paysages ou ces scènes intimistes reste captivante

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Valentin Sebron – Ruines gothiques – Vers 1830
Peintre habile d’architectures rencontrées dans ses voyages, sans dédain pour l’évocation de ruines romantiques

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Détail –
Évocation d’un passé glorieux disparu à jamais

L’histoire nationale s’inscrit aussi dans les grands hommes du passé et devint parfois, pour quelques artistes, un hommage à un illustre devancier comme le village des Andelys, lieu de naissance du peintre Nicolas Poussin

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Victor Danvin – Vue des Andelys sous le Château-Gaillard – 1834

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Détail des bords de Seine
Le village des Andelys, des années 1830 pourrait être celui de la fin du XVIe siècle

Cette somme historique du paysage français fera aussi la postérité du meilleur de la peinture de paysage au XIXe siècle

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Prosper Barbot – Les promeneurs – Peint en Italie dans les années 1820
Chez les peintres en voyage, les carnets de croquis sont une constante obligée pour relever des détails pittoresques

Les peintres qui rejettent l’académisme néo-classique voyagent et travaillent « sur le motif » en exécutant des esquisses d’après nature comme Bonington dont l’exposition présente quelques œuvres caractéristiques de cette tradition

Richard Bonington, mort à 26 ans, artiste mélancolique et solitaire, loin des flamboyances d’un Delacroix admiré pourtant, exprimera dans des aquarelles au charme lyrique, sa vision d’une vie campagnarde et sereine

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Richard Bonington – Une tour à Vernon – Aquarelle

Le naturalisme de Richard Bonington, peintre anglais dont la prédilection pour les vues de bord de mer du nord de la France sera considérée comme une originalité à une époque pas encore habituée aux villégiatures et aux bains de mer !

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Richard Bonington – Vue du port de Calais – Aquarelle
Paysage à la perspective atmosphérique illustrant le goût de l’artiste pour la peinture hollandaise

Bonington livrera quelques vues de Normandie pour illustrer « Les voyages pittoresques » de Nodier et Taylor…

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Richard Bonington – Rouen – Rue du Gros-horloge – Voyages dans l’ancienne Normandie – 1824
Les détails pittoresques de la vie urbaine servent de contrepoint à l’ampleur des architectures médiévales

…dont la « Rue du Gros-Horloge » qui reste un chef-d’œuvre de la lithographie romantique

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L’automne rougeoyant dans la cour du Musée de la Vie Romantique

8 réflexions sur « Exposition « La fabrique du Romantisme » – Charles Nodier et les voyages pittoresques »

  1. Merci pour ce reportage qui montre des aspects moins connus du romantisme souvent caricaturé et qui il faut bien le dire prête souvent aux stéréotypes. Nodier n’est pas mon auteur de chevet, je l’avoue, mais j’ai lu(par pure curiosité dans mon jeune temps où malgré mes études littéraires cet auteur était occulté comme beaucoup d’autres par la tradition universitaire !) et apprécié sa Fée aux miettes !

    • Certes Jacqueline, les textes de Nodier dans les « Voyages pittoresques » ne se lisent plus guère mais les lithographies les illustrant et choisies pour l’exposition, avec leur maîtrise du noir et du blanc étaient tout simplement splendides ! Et c’est cela qui m’aura retenue évidemment

  2. Merci pour cette visite pour laquelle j’ai manqué de temps lors de mon dernier passage à Paris.
    Un bel endroit que ce musée, et des expositions très pédagogiques, toujours instructives.Cependant je ne peux être d’accord avec ce qui est dit de Dumas qui serait moins « romantique ».Il n’est que de le lire …mais sans doute est-ce une question d’appréciation personnelle !

    • Bel endroit que ce musée en effet même si son atmosphère romantique doit beaucoup à un célèbre décorateur contemporain !
      Pour Dumas, j’avoue que je le mets à part parmi la jeune garde romantique du début du siècle, ne serait-ce que pour sa vie de « bon vivant » avec tous les excès auxquels il était accoutumé
      Par contre ses romans « historiques » le rattachent bien au goût du temps mais je le crois dépourvu du désenchantement et des goûts morbides qui marquent le siècle
      Mais, chère Françoise, c’est bien sûr une question d’opinion personnelle

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