Voyage de printemps à Nihonmatsu dans la préfecture de Fukushima
Japon – Printemps 2014
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Les textiles ont toujours eu de l’importance dans ma famille japonaise, pour mon plus grand plaisir !

Zabuton – Coussin pour s’asseoir sur les tatamis
Le décor évoque la riche tradition textile de la région d’Aizu
Dessin de Serizawa Keisuke, chef de file du mouvement Mingei qui a renouvelé la teinture sur textile au XXe siècle
La mère de mon époux était une couturière chevronnée et sa sœur, avec son mari, exercent encore le métier de tailleur masculin

Harunobu – Jeune femme à son métier à tisser
Avec un jeune enfant espiègle et déjà bien déluré !
Estampe Ukiyo-e appartenant à la famille
Aussi, je passe bien du temps dans l’atelier à fureter parmi les boîtes de fils et autres trésors textiles qui ne laissent pas de m’enchanter
L’exiguïté des maisons au Japon ne permet pas le déballage, le moindre pouce de surface disponible est occupé et tout doit être rangé à sa place sous peine de perdre un temps précieux en vaines recherches
Pendant mes séjours à Nihonmatsu, on déploie pour moi de vieux kimonos démodés ou bien tachés et abimés qui vont rejoindre ma petite collection de rouleaux de soies pour le patchwork

Juban – Kimono de dessous en soie blanche et rose en bon état et qui, par conséquent, n’a pas encore été décousu !
Notre voyage au printemps nous a permis enfin de voir la dernière née de la famille, Riona, la fille de Makiko, notre nièce préférée…dont on célébrait en mars le premier O Hina matsuri, la fête de toutes les petites filles pour laquelle ma belle-sœur avait confectionné en secret des poupées aux splendides vêtements très colorés
Makiko et sa famille habitent dans la préfecture de Miyagi très au nord de Nihonmatsu, dans une de ces nouvelles maisons que le gouvernement a enfin mis à la disposition des sinistrés du Tsunami de 2011
La maison neuve de Makiko, située dorénavant loin du rivage du Pacifique, abrite en plus des parents et grand-parents un chien et surtout une paire de matous tout à fait irrésistibles !
La belle-mère de Makiko s’adonne aussi au patchwork et nos échanges furent bien plus gais quand toutes deux nous nous aperçûmes que nous partagions la même passion !
Sur le chemin du retour, halte pour le repas de midi dans un Kaiten Zushi, le comptoir tournant qui ne cesse de faire défiler, pour titiller la gourmandise, des assiettes contenant des sushi évidemment…

Restaurant de Sushi Marumatsu –
Negi Toro – Sushi de thon cru surmonté de lamelles de blanc de poireau
…mais aussi des coquillages, et toutes sortes d’autres délices propres à faire saliver même les tenants des aliments bien cuits !

Teriyaki – Viande de porc rôtie dans une sauce au soja
Spécialité du chef mais exception remarquable dans un restaurant de sushi !
Le comptoir tournant est pratique pour choisir, parmi les assiettes qui défilent, celle qui tente le plus mais l’intérêt est quand même de commander au Sushiya san, le cuisinier, quelques unes de ses spécialités qui seront préparées uniquement à la demande

Les prix varient selon les couleurs des assiettes
Pour 4 personnes, l’addition se révèle quelquefois assez vertigineuse, tout comme la pile d’assiettes qui menaça de s’écrouler après que leur contenu fut dégusté avec satisfaction !
La région de Nihonmatsu, une grande plaine encerclée de montagnes, a toujours été privilégiée pour l’établissement de brasseries de saké car l’eau pure qui dévale des sommets reste indispensable à la fabrication de cet alcool
Nous avions pris rendez-vous pour visiter l’antique brasserie Daishichi, fleuron de la région, en espérant apprendre beaucoup sur la mise en œuvre de ce breuvage que nous apprécions tout spécialement !

Fukushima ken – Nihonmatsu – Entrée de la brasserie Daishichi
A l’arrivée d’une nouvelle cuvée du saké, une imposante Sugidama, énorme balle faite de branches pressées ensemble de Sugi, une variété de cèdre japonais est suspendue au-dessus de la brasserie
Selon une vieille croyance, c’est le Kami de la brasserie en personne qui descend résider dans la balle
A Nihonmatsu, cette brasserie artisanale réputée, installée dans cette ville depuis 1752, mais désireuse d’être visible maintenant à l’international, a donc modernisé à outrance l’ancienne bâtisse qui devait avoir beaucoup plus d’intérêt que le pompeux et très impersonnel établissement qu’il est devenu

Brasserie Daishichi
Un ancien cellier à l’impressionnante hauteur sous plafond, transformé en salle d’accueil ou en séminaire pour visiteurs/acheteurs étrangers
D’emblée, un commercial de l’entreprise nous annonça que la visite des locaux de production, qui nous intéressait le plus évidemment, ne pouvait avoir lieu en raison d’une protection des secrets de fabrication !
A la place, nous dûmes écouter patiemment une longue description, tout à fait soporifique, sur la méthode spécifique d’obtention de ce saké et sur la dynastie des brasseurs et de leurs habitudes au travers d’époques maintenant révolues

Brasserie Daishichi – Vitrail retraçant la production de saké
De l’eau pure des montagnes jusqu’à la qualité du riz mis en œuvre, la lente élaboration et le travail des maîtres brasseurs
Les feuilles de vigne vierge sont l’emblème de la brasserie
En dépit du discours marketing assené sans beaucoup de nuances et qui ferait douter de la qualité de la production, je reconnais que les saké Daishichi sont tout à fait excellents et se démarquent haut la main de la grande majorité des fabrications industrielles remplies d’additifs et vendues sous ce nom

Brasserie Daishichi – Beau récipient en porcelaine à l’imitation d’un tonneau de saké avec le nom Daishichi sur la panse
Heureusement, la visite se conclut avec une dégustation de ces fameux saké dont les noms restent très évocateurs, Masakura « pures fleurs de cerisiers » ou Minowamon « porte du château » ou encore Myuka Rangyoku « fleurs célestes »

Dégustation de 5 bons saké différents
Ces saké peuvent se trouver à Paris dans la boutique Issey mais leur coût déraisonnable est vraiment décourageant !
Le saké est bien davantage qu’une boisson pour s’enivrer, depuis le début de l’histoire du Japon, il fait partie intégrante de l’existence de chaque habitant en raison du rôle primordial qu’il joue dans tous les rituels de la vie, de la naissance aux funérailles

5 sakés différents à humer et à goûter allant du plus « courant » encore un peu astringent à ceux au raffinement équilibré et jusqu’à l’arôme d’une liqueur plus puissante mais combien veloutée !
Une longue promenade par un froid vif se chargea peu à peu de dissiper l’euphorie résultant de la dégustation et c’est assez joyeux que nous reprîmes le chemin du retour

Nihonmatsu – Vieille demeure construite traditionnellement en bois accolée de son Kura, le grenier fortifié qui recèle les trésors du propriétaire
Nihonmatsu était une Jôka machi, une ville bâtie autour d’un château, d’où le grand nombre de Kura
Déambulations dans les rues sans vraiment d’attraits d’une petite ville provinciale qui ne devint vraiment ville à part entière qu’en 1958 avec la réunion de différents villages de la région autour des ruines de son château détruit à la fin du XIXe siècle

Nihonmatsu – Kura traditionnel
L’ossature des maisons tient à sa charpente et à ses piliers de bois, les murs ne sont que du remplissage de pisé recouverts d’une couche de plâtre blanc
Kôda Rohan, un célèbre poète de l’époque Meiji allant à pied en 1887 de Fukushima à Kôriyama, soit environ 40 km, afin d’économiser le prix d’un billet de train, tomba d’inanition près du château de Nihonmatsu
Couché sur un oreiller d’herbes et croyant sa mort prochaine, il composa un poème où il se comparait à la fugacité de la rosée du matin d’où le pseudonyme « Rohan » qu’il prit dorénavant comme nom de plume
A cet endroit resté fameux à Nihonmatsu, s’est installé un salon de thé dont l’enseigne fait allusion aux brasseries de saké nombreuses autrefois dans la région

Nihonmatsu – Rohan tei – Le salon de thé Rohan tout à fait quelconque à l’arrière plan et son enseigne imposante !
Sur le chemin, un des innombrables sanctuaires shinto de campagne, établi sur une colline dans un espace assez caillouteux à défaut d’être vraiment bucolique

Nihonmatsu – Petit sanctuaire shinto dont la toiture a été refaite récemment de façon assez curieuse
Généralement les toits de chaume sont la couverture idéale mais en raison de leur courte durée de vie et du coût de la main d’œuvre, ils sont abandonnés peu à peu
Une route de pèlerinage consacré à Kannon sama, un avatar du Bouddha, passait par ici et en marquait la 18 ème station

Autour du sanctuaire, diverses effigies en pierre de Fudô Myôô, le gardien de la Loi témoignent de la piété de quelques pèlerins depuis longtemps disparus
Le Bosatu O Jizo sama est encore très révéré partout au Japon, mais ses représentations ont beaucoup évolué suivant notre monde contemporain où le dérisoire Kawaï remplace partout la grandeur et la noblesse des œuvres qui inspiraient autrefois un respect mêlé de crainte
Le plus souvent, maintenant de petites et mignonnes statues de pierre jalonnent tous les chemins du pays et même ici en pleine rue bétonnée, elles accompagnent toujours les passants
Les repas à la maison, où l’habitude est encore de les préparer quotidiennement, ce qui devient de plus en plus rare à l’époque du Fast Food partout présent hélas, permettent quand même les sorties au restaurant quand celui ci est choisi avec circonspection

Nihonmatsu – Restaurant de Ramen
Il a fallu se rendre en périphérie de la ville pour trouver cette bonne adresse !
Le désir d’aller manger rapidement un Ramen, est incrusté dans le cœur de tous les habitants de l’archipel, et c’est encore ce plat extrêmement basique et bon marché qui remporte toujours la première place dans les préférences culinaires des Japonais, là où ils se trouvent

Ramen classique – Celui-ci sacrifie au goût piquant venu de Corée actuellement à la mode
Nouilles fines dans un bouillon de porc aromatisé au sel, au shoyu ou au miso (pâte de soja)
Mais tous les restaurants de Ramen ne se valent pas ! Du plus médiocre à l’excellent, la quête de bonnes adresses est ardue pour éviter une déception cuisante pour l’estomac !
Heureusement, dans ma famille japonaise, les gourmands sont de bon conseil !

Les restaurants de Ramen ne proposent que des Ramen et rien d’autre à part des Gyôza, les raviolis généralement fourrés de viande de porc
6 gyôza au lieu des 5 habituels, ce restaurant base sa publicité sur 30 % de quantité en plus !
Le prochain article renouera avec le textile, mon dernier quilt en tissus japonais of Course ! récemment terminé en sera l’objet…
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Japon – Printemps 2014 :
I – Un Ryokan-Onsen au pied des montagnes
II – Cha no Yu et Ikebana dans la ville de Fukushima
III – Exposition de kimonos dans la ville de Fukushima
IV – Bribes de vie quotidienne dans la préfecture de Fukushima – I –
V – Bribes de vie quotidienne dans la préfecture de Fukushima -II –
VI – Bribes de vie quotidienne dans la préfecture de Fukushima – III –
Merci pour l’éclat de rire à la vue de ces deux irrésistibles chats dans leur carton !Cela fait du bien, le matin au lever!
Bonne journée, Marie Claude.
Pour moi qui ne suis pas une fondue de chat/chien, histoire sans paroles de ces deux matous inséparables !
Chère Françoise, l’actualité nous donne en ce moment bien des occasions de rire de dérision, mais je ne suis pas sûre que ce soit aussi bon pour le moral !
bonjour;je suis emerveillee par toutes ces choses superbes,étonnantes,je crois qu’une journée ne suffit pas pour visiter tout votre site!que de découvertes,d’abord,vos oeuvres,comment faites vous pour produire autant ,avec tant de diversite,je me régale;pour la première fois,j’ai fait défiler ce reportage,tres interessant et instructif;à tres bientôt,un nouveau voyage,merci pour tout;Anne
Merci Anne, de votre enthousiasme à suivre mes petits articles !
Malgré la diversité de mes ouvrages, j’espère que l’on constate que mon approche et mon style restent toujours les mêmes
Les voyages virtuels que l’on choisit à bon escient ne déçoivent jamais !