Exposition Fra Angelico

Paris – Musée Jacquemart-André

Rançon du succès des belles expositions parisiennes, il m’a fallu user d’une certaine stratégie afin d’éviter, pour celle-ci, les files d’attente interminables !

Réunion de petits panneaux venant de prédelles de grands retables démembrés et de tableaux peints sur bois pour mettre en lumière une partie de l’œuvre de Fra Angelico dit aussi Beato Angelico, peintre célèbre et estimé dans la Florence du début du Quattrocento

Au début du XVe siècle, le Gothique international est la tendance artistique partagée dans toute l’Europe, les artistes de par leurs voyages et leur échanges de modèles finissent par avoir un style comparable reconnaissable à l’élongation des formes, aux drapés légers et virevoltants et à la profusion de détails précieux et minutieux

Mais à Florence, la nouvelle révolution artistique de l’espace rendu par une perspective mathématique bouleverse le monde des représentations picturales

La vocation se Saint Nicolas et sa narration en continu traversée par des lignes de fuite obliques

La révolution dans le traitement de la lumière amène aussi une renaissance de l’espace pictural, Fra Angelico utilise une lumière solaire pour sculpter les formes mais il y ajoute une dimension chromatique avec une palette de couleurs claires et intenses

La luminosité cristalline et l’observation d’un réalisme minutieux semblent dans beaucoup de ses œuvres contredire le drame qui se joue

Le martyr des saints Côme et Damien placé dans la luminosité atmosphérique de Florence et de la campagne toscane – Prédelle du retable de San Marco – Louvre

Fra Angelico suit l’observance des règles de la géométrie et du naturalisme qu’il harmonise avec un lyrisme hérité du monde merveilleux médiéval

Nativité et Christ au jardin des oliviers – Scènes nocturnes baignées de lumière dorée rendues avec minutie et poésie

Les scènes sacrées, comme le thème très apprécié du couronnement de la Vierge…

Le couronnement de la Vierge sur le fond éblouissant d’or guilloché – Vers 1435 –

… sont rendues avec une atmosphère irréelle, paradisiaque aux couleurs pures sur un fond d’or éclatant, symbole médiéval de la lumière divine

Le couronnement de la Vierge – Détail – Marie-Madeleine et son regard ambigu sous sa chevelure séductrice

Quelques figures de bienheureux ne suivent pas le mouvement général d’adoration mais tournés vers le spectateur nous prennent à témoin de l’apparition céleste

Le couronnement de la Vierge – Détail – Saintes aux vêtements acidulés et à la carnation angélique

Les tableaux des Vierges à l’enfant, toutes d’élégance et de sérénité, ont les faveurs des Florentins pour leur dévotion privée, ce qui leur permet d’afficher leur richesse par les matériaux précieux mis en œuvre, l’or et le lapis-lazuli broyé qui donne ce bleu intense du manteau de la Vierge

Vierge à l’enfant baignée de lumière et placée devant une abside aux colonnes à l’antique – Vers 1445

Fra Angelico moine dominicain et peintre, concevait son art comme une vocation, il a mis son talent uniquement au service de la foi et de la glorification de Dieu, ses tableaux étant chargés de favoriser la méditation en plus de la contemplation divine

Vierges d’humilité qui descendues de leur trône d’or des anciennes représentations renvoient ici une image humble et maternelle – Vers 1435

J’avoue que je me suis plus attachée aux innombrables petites figures peuplant les panneaux colorés qu’aux tableaux illustrant l’un des thèmes préférés de Fra Angelico, la Crucifixion, où la dimension pathétique empreint de dolorisme sanguinolent me rebute par trop

Je m’étonne, qu’à notre époque de représentations prenant en dérision la foi, absurdes et vulgaires mais admises car sans danger, qu’un si grand nombre de visiteurs s’attardent de façon fervente devant des images si manifestement dogmatiques

Mais peut être n’est-ce que l’attachement à l’histoire de l’art si j’en juge les incorrigibles bavards qui n’hésitent pas à faire profiter tout le monde de leurs réflexions savantes mais si inopportunes !

8 réflexions sur « Exposition Fra Angelico »

  1. Bonjour Marie-Claude,
    C’est magnifique, bien sûr. Je suppose que, comme partout, il y a plusieurs types de spectateurs dont les amateurs d’une esthétique extraordinaire et parmi eux, ceux qui sont touchés par la spiritualité indéniable que dégagent ces oeuvres.
    Amitiés.

    • Oui, Catherine, je partage votre réflexion bien sûr, sauf que dans des salles, je devrais dire des chambres vu l’exiguïté des lieux d’exposition, on ne peut que se bousculer en se marchant sur les pieds !
      Alors oui, si on est touché par la beauté intrinsèque des œuvres entrevues dans la foule, ressentir la spiritualité qui demande une certaine tranquillité d’esprit, c’est extrêmement difficile

  2. beau reportage d’une exposition que je ne verrai pas sans doute.
    J.A. est assez stressant et je pense toujours à ce que donnerait une alerte à l’incendie, quelle panique dans ces espaces en escargot… !
    Je préfère en effet plus de recul, de tranquillité et les églises et musées italiens les offrent généreusement. Sans compter que la partie exposition permanente de J.A. elle n’est jamais saturée et les trésors sont alors « dégustables » avec sérénité.
    Le salon de thé est aussi un bon moment avec son décor suranné et ses pâtisseries délicieuses.

    • En effet, Manuela, l’exposition vient de se terminer
      L’hôtel des Jacquemart-André est beau, c’est vrai et leurs collections, notamment italiennes, largement ignorées par le public qui se presse aux expositions
      Au premier étage, la grande fresque de Tiepolo rachetée par ces collectionneurs est souvent prise pour …du papier peint panoramique !
      Bien sûr, l’Italie ! et les souvenirs que je garde de Florence et des fresques du couvent San Marco sont impérissables

  3. C’est toujours un grand plaisir de voir- ou revoir- ces images .Oui vraiment ce frère des anges était beato, bienheureux .Et nous sommes bien heureux aussi de bénéficier de son génie, après tant de siècles écoulés.Même les scènes tragiques rayonnent d’une sorte de joie,irradiées par l’Espérance.
    La visite de San Marco,maintes fois répétée, est devenue un rite, comme celle de la basilique d’Assise ou de Ravenne ou de tant de lieux en Italie où l’on se rend pour se consoler des laideurs du monde…

    • Oui, Françoise, même si je suis une païenne, je ne reste pas insensible, au-delà du dogme, à la beauté de cet art que sous-tend une telle force spirituelle
      Les artistes réussissaient à transcender leur foi dans ce monde du XVe siècle avec ses guerres de conquête, ses massacres et ses épidémies qui ne devait pas être un paradis !

  4. C’est que le sens du sacré a existé bien avant et indépendamment des dogmes…et qu’il n’est pas besoin d’être adepte pour le ressentir, c’est une notion universelle et intemporelle, qui existait déjà très fortement dans les religions polythéistes (il suffit de visiter le temple de Delphes par exemple autrement qu’en touriste pour le ressentir ). Malheureusement c’est occulté souvent par les intolérances, les incompréhensions qu’elles soient religieuses ou anticléricales sectaires.
    Et c’est dommage autant que dommageable…

    • Tu as raison Jacqueline, au Japon je ressens aussi très fort la spiritualité dans des lieux autres que ceux sacrés des sanctuaires bouddhistes, un vieil arbre, une source, des rochers…sont attribués à un esprit…Nous sommes sans doute sensibles aux traces immatérielles de toutes les dévotions humaines accumulées sur les mêmes objets…

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