Nantes – Exposition « Le théâtre des passions »

Voyage à Nantes – Musée des Beaux Arts – 2011

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La Seconde visite au musée des Beaux-Arts, cette fois pour profiter de l’exposition « Le théâtre des passions »

Des peintures françaises du début du XVIIIe siècle mettant en scène les grandes figures des héroïnes de la mythologie ou de l’histoire puisées dans les textes classiques de l’époque

Antoine Coypel – La mort de Didon- 1715 – Iris aux ailes de papillon recueillant l’âme de Didon succombant au désespoir de son abandon par Enée

Les passions humaines explorées par Corneille et Racine dans leurs tragédies, par Quinault et Lully dans leurs opéras se font jour en peinture dans des espaces scéniques, des décors, des gestuelles de mise en scène théâtrale propres au répertoire tragique du Grand Siècle

J.F de Troy – La mort de Cléopâtre – 1731 – Le presque étonnement et la résignation dans une extase mortelle

La représentation picturale sert le dessein longtemps recherché de rendre l’illusion de la parole et du mouvement, d’illustrer le moment crucial où s’exacerbent l’amour, la jalousie dévorante, la colère ou le désespoir

J.F de Troy – Etude pour Médée – Sanguine – 1745 – Toute l’autorité de la terrible magicienne

La tension dramatique et les mouvements de l’âme sensés parler à notre cœur ne nous touchent plus guère à cause de gestes qui démontrent trop explicitement la grandeur, l’héroïsme, la noblesse ou la vertu, sentiments bien étrangers à notre époque contemporaine

Antoine Coypel – L’évanouissement d’Esther – 1697 – La pudeur et la modestie de l’héroïne démenties par les étoffes luxueuses aux couleurs vives et chaudes

Ces beaux morceaux de peintures sont prétexte à dévoiler des nus opulents aux courbes sensuelles et aux chairs nacrées, des attitudes extatiques d’un érotisme troublant, des riches étoffes aux coloris somptueux, tout un luxe de détails réjouissant qui retiennent plus notre attention que les gestes emphatiques et le style déclamatoire des Cléopâtre, Médée et autres Iphigénie

Charles Coypel – Psyché abandonnée par l’Amour – Décor de carton-pâte mais costume de théâtre aux jaune et gris-argent somptueux

Le superbe musée des Beaux-Arts de Nantes possèdent beaucoup d’œuvres passionnantes qui nous ont comblé encore de plusieurs heures de pur bonheur, peu fréquenté il réserve bien du calme pour la contemplation

Le bel escalier monumental et lumineux du musée

Cette fois-ci, quelques portraits du musée que j’ai particulièrement appréciés

Une noble dame de France ou des Flandres, dont la coiffure, l’imposante fraise, l’attitude guindée démontrant la position sociale font oublier le physique un peu ingrat

Franz Pourbus – Portrait de dame – Début du XVIIe siècle

Dans le sillage de Rembrandt, une vision douce et poétique de l’enfance au contraste coloré sans heurts, les fleurs symbolisant la jeunesse et la beauté mais aussi la brièveté de la vie, fréquente chez les enfants à cette époque

Govert Flinck – Portrait d’une fillette – Vers 1640

La pose alanguie du modèle à la froide beauté, les nombreux bijoux, les étoffes somptueuses, la magnificence des coloris vénitiens rouge et or et la référence à Raphaël étudié lors de son séjour à Rome …

Ingres – Portrait de Madame de Senonnes – 1814

…font de ce portrait la gloire du musée de Nantes !

Détail des textiles et des bijoux !

Se plaçant délibérément dans la lignée d’Ingres, considéré comme le plus grand portraitiste de l’époque, le peintre nantais Debay fait le portrait de sa sœur assise sur un canapé jaune, dans une robe ocre d’une belle étoffe soyeuse au maintien naturel qui témoigne de sa position sociale assurée dans la bourgeoisie provinciale

A.H Debay – Portrait de Madame Crucy – Vers 1830

Peintre du Nord, Salmson s’est orienté principalement vers des représentations de la vie rurale en Suède mais aussi en Picardie

Ses scènes de la vie paysanne participe au mouvement naturaliste, toutefois sans le misérabilisme propre à ce mouvement de la fin du XIXe siècle

Hugo Salmson – La petite glaneuse – 1884

Un tableau du peintre nantais Chabas, est bien méprisé comme œuvre « fin de siècle » académique donc artificielle, mais j’ai beaucoup apprécié les couleurs suaves et délicates de cette scène bucolique où de jeunes femmes à moitié dénudées se baignent joyeusement dans les rayons du soleil couchant

Paul-Emile Chabas – Joyeux ébats – 1899

Ce tableau jugé assez mièvre, me plut pourtant énormément pour le contraste du grenat somptueux de la robe de velours déployée contre le vert profond du rideau, contraste puissant mais qui n’occulte pas la délicate scène du sommeil paisible d’une jeune femme avec son enfant

Alphonse Lecadre – Le sommeil – 1872

Au milieu du XIXe siècle, au moment des grands travaux d’urbanisme parisien de la Restauration, des îlots entiers de la ville livrés à la spéculation immobilière, se trouvent reliés entre eux par des passages couverts, permettant des raccourcis de rue à rue et abritant des boutiques de nouveautés, des marchandes de frivolités ainsi que de nombreuses échoppes de livres anciens et modernes assidument fréquentées

Les différents niveaux du passage Pommeraye

Ces passages, manifestes de la modernité du temps, deviennent vite des lieux à la mode, et les grandes villes de province, à l’instar de la capitale veulent aussi leurs passages

La lumière zénithale apportée par les verrières et le nouvel éclairage au gaz le soir permettent à la bourgeoisie élégante de flâner en toute quiétude à l’abri des intempéries, des bruits et de la saleté habituelle des rues de la ville

Vers midi sous la verrière

Louis Pommeraye, notaire de Nantes, par des démarches spéculatives sur des lotissements entreprit la construction d’un passage, dans l’espoir que le lieu au fort pouvoir commercial lui rapporterait d’importants dividendes

Le succès immédiat du passage « Pommeraye » est dû à la qualité de son architecture et de ses décorations luxueuses, la bourgeoisie nantaise aimant à se promener le soir pour admirer les vitrines, à la lumière des dizaines de statues-candélabres

Le grand escalier donnant accès au niveau supérieur

La déclivité des terrains en présence sera compensée par un escalier monumental desservant des galeries en mezzanines éclairées par une grande verrière, dans un esthétisme raffiné

Statues ponctuant le parcours

La superposition des niveaux permettra une multiplication de commerces de luxe mais la construction des Grands Magasins vers la fin du siècle amènera la désaffection des passages considérés alors comme trop démodés

Emploi massif du tuffeau des bords de Loire dans la décoration

Les statues-candélabres assez mièvres m’ont intriguée, à la différence des habituelles représentations mythologiques, elles figurent des corps d’adolescents aux visages à peine sortis de l’enfance dans des poses maniérées avec les attributs d’une sexualité naissante mais réaliste qui ne laisse pas de titiller la curiosité !

Statues-candélabres couronnant la balustrade

La restauration soignée du passage Pommeraye offre de beaux espaces aux boutiques modernes, mais beaucoup d’écriteaux « à louer »prouvent que le commerce n’y est pas, actuellement si florissant

Détails raffinés des arcades soutenant la verrière

Sur la Place Royale à l’architecture classique, la fontaine surmontée d’une statue bien banale symbolisant la ville de Nantes veille sur les fleuves qui l’entourent

Fontaine symbolisant la vocation fluviale de Nantes

Cette fontaine eut à subir bien des vicissitudes tout au long du XIXe siècle avant de voir son installation sur la place, l’évêché s’étant effarouché que des femmes statufiées à demi-nues puissent de façon inconvenante blesser la pudeur de la population

Au moment de l’inauguration, les corps des statues camouflées sous d’abondantes draperies comme celle de la Loire, furent l’objet de quolibets mais la pudibonderie supposée des Nantais fut respectée !

La majestueuse Loire

Retour vers un passé plus lointain encore avec, veillant toujours sur la vieille ville, le château des Ducs de Bretagne, niché derrière ses formidables remparts élevés pour défier le pouvoir royal centralisateur avant la réunion du duché de Bretagne à la couronne de France

Contraste des rudes fortifications avec les élégants logis d’habitation

Différentes époques de l’histoire se bousculent en ayant laissé leurs marques sur les bâtiments, les restaurations des années 1990 s’attachant à mettre en valeur le contraste entre les remparts appareillés de grosses pierres de granit et l’élégant tuffeau des constructions des XVe et XVIe siècles

Les bastions édifiés pour contrer les attaques des Protestants portent toujours la croix de Lorraine, armoiries du gouverneur de Bretagne, un duc lorrain, pendant les guerres de religion

Les bastions défensifs de la fin du XVIe siècle

Voisine du château, la cathédrale toute blanche s’élève au-dessus d’un jardinet où le logis de l’abbé témoigne de l’architecture civile du XVIe siècle

Tour d’angle abritant l’escalier à vis

L’intérieur de la cathédrale, haute et large est réalisée dans un style gothique qui doit presque tout au XIXe siècle, le tuffeau provenant des bords de Loire lui donne une blancheur qui accentue encore son élévation

Dans la nef, seule partie du Moyen Age, l’élancement des colonnes qui filent du sol et se prolongent sans aucune coupure dans les nervures de la voûte, sont des exemples parfaits du style flamboyant

L’élévation de la nef et le ballet des lustres ornementés

La cathédrale abrite une œuvre magistrale du tout début du XVIe siècle, le tombeau du dernier duc de Bretagne, François II et de la duchesse Marguerite de Foix représentés dans des attitudes nobles et dignes, couronnés et revêtus de leurs habits d’apparat

Toute la statuaire est exécutée entièrement en marbre de belle qualité venant d’Italie

Les gisants couchés sur une plaque de marbre noir

La célèbre duchesse Anne de Bretagne qui deviendra deux fois reine de France, exemple unique dans la généalogie royale, commanda ce tombeau en mémoire de ses parents, afin d’affirmer ses droits inaliénables en tant qu’héritière du duché de Bretagne

Le tombeau d’Anne de Bretagne, de facture beaucoup plus italienne se trouve à Saint-Denis

 

Les anges soulevant les carreaux pour aider l’envol vers le Paradis

Le tombeau fut commandé à Michel Colombe, réputé être le plus grand sculpteur de l’époque, (on utilisait le beau mot d’Ymagier) dont l’atelier situé à Tours, travaillait pour des commanditaires princiers en Val de Loire, région où la cour s’était implantée, après l’abandon de Paris

Michel Colombe, dont la presque totalité de l’œuvre est perdue, avait 75 ans à l’époque de la commande et aidé de son atelier, sur les dessins de son ami Jean Perréal, enlumineur et peintre décorateur de la Cour, exécuta l’œuvre en moins de cinq ans

Le lion, symbole de la force et le lévrier celui de la fidélité aux pieds des gisants, tenant les armoiries ducales

La sculpture funéraire est l’un des grand thèmes illustrés par les artistes, les tombeaux étant commandés généralement du vivant des commanditaires, mais les délais d’exécution étaient tels que ceux-ci ne voyaient que rarement l’œuvre achevée de leur vivant !

Les statues des apôtres dans des niches à l’italienne

L’art de Michel Colombe, son sens de la mesure et de l’équilibre de tradition française s’accommode de l’introduction de thèmes italiens comme les quatre Vertus cardinales debout aux angles du tombeau, les statuettes d’apôtres sur chaque côté, et les pilastres ornés d’arabesques légères dans le goût transalpin

Le visage serein de la Prudence reflétant l’introspection

Le renoncement dans la sculpture française à la fin du Moyen Age à l’exubérance des formes qui prévalait au siècle précédent trahit l’introduction de l’esprit de la Renaissance

La Prudence au double visage comme connaissance du passé et de l’avenir

De nos jours, on recherche avant tout dans les œuvres artistiques du passé des émotions qui flatte notre goût moderne de l’esthétisme…

Le visage presque douloureux de la Force

…mais l’art du  Moyen Age véhicule avant tout de la pensée en images, des messages lourds de sens philosophique et moral dont on a presque entièrement oublié la signification

La Prudence et son miroir attribut de la connaissance et un compas pour régler sa conduite. La Tempérance, son horloge pour mesurer le temps à respecter et un mors pour mettre un frein a ses passions

Les Vertus cardinales personnifient les attitudes habituelles que l’homme vertueux se doit de respecter, intelligence, volonté, courage et sagesse qui règlent les actes, ordonnent les passions et guident la conduite

La Force, son armure et le serpent symbole du mal extrait d’une tour. La Justice, son épée et sa balance

Les quatre Vertus cardinales qui veillent aux angles du tombeau personnifient les qualités attribuées à la reine Anne de Bretagne dont la devise était « je ne changerai pas « , devise qu’elle aura maintenue tout au long de sa brève vie à une époque où les appétits de puissance des princes régnants faisaient fi de sa légitimité

Le noble visage de la Justice, couronnée de fleurs de lys, vêtue et coiffée à la mode princière du temps

Ce tombeau et sa statuaire, rescapés miraculeusement des aléas de l’histoire reste un sublime témoignage du style dit gothique à son crépuscule qui jette ainsi magnifiquement ses derniers feux

Le visage grave et doux de la majestueuse Tempérance

Victime d’un bug après une mise à jour inconsidérée de Word Press, ce blog voit des anomalies dans les espaces de ponctuation…

Pour l’instant, nous n’avons encore trouvé de solution pour résoudre ce problème mineur mais qui gêne mon esprit de rigueur !

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