Chartres – La cathédrale et ses vitraux

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Petit voyage de septembre à Chartres pour revoir la célèbre cathédrale…qui est en ce moment l’objet d’un chantier de rénovation

Le portail royal sous les bâches et à l’intérieur la première partie de la nef, le chœur, le déambulatoire et l’abside rendus invisibles bien cachés sous des échafaudages m’ont un peu  contrariée mais cette très vieille Dame mérite bien qu’on prenne soin d’elle !

La rose du transept sud et le jeu des arcs-boutants épaulant la nef

Chartres marque le triomphe de l’art gothique, elle est la première grande cathédrale qui, grâce à la mise en œuvre des arcs-boutants chargés d’équilibrer les voûtes, s’éleva jusqu’à 37 mètres de hauteur avec une audace encore jamais vue dans la France du début du XIIIe siècle

Les contreforts des voûtes en groupes de trois arcs-boutants

La construction de la cathédrale, édifice gigantesque d’une complexité et d’une légèreté jamais atteintes jusqu’alors, se confond avec le temps des croisades, âge de foi et de prospérité, âge d’or de l’architecture marquant l’accomplissement spirituel et matériel du monde gothique

Le « clocher vieux » terminé vers 1160 s’élève à 105 mètres

Le « vieux clocher » dont l’architecture faite d’homogénéité et de sobriété passe avec virtuosité d’une base quadrangulaire à l’octogone par le jeu concerté des pinacles qui rompent les angles

La flèche de pierre qui pointe vers le ciel relie le monde céleste à la terre

Il contraste durement avec le caractère composite du clocher nord dont la flèche très ornée ne fut terminée qu’au début du XVIe siècle

Le « clocher neuf » s’élève, quant à lui à 117 mètres de haut

La vision idéale du Moyen Age voyait Dieu, créateur de l’Univers, représenté comme l’architecte suprême faire de la cathédrale sa demeure ainsi que celle de l’Église en marche vers la Jérusalem céleste

Croisillon sud du transept avec l’avancée profonde des porches

Beaucoup de légendes, florilège de la cathédrale, ont favorisé les pèlerinages depuis le Moyen Age pour vénérer la Vierge, patronne de la cathédrale, pèlerinages populaires remis à l’honneur par Charles Péguy au début du XXe siècle

Le portail royal aux sculptures de style roman finissant

La sculpture au XIIIe siècle vient se loger aux deux extrémités du transept aux trois portes doublées de porches majestueux et profonds

Le peuple des statues sous les porches du transept

Le portail sud du transept décrit le Jugement dernier dans une composition assez statique

Sur le trumeau le Christ debout, foulant aux pieds un lion et un dragon symboles du mal, incline vers l’humanité un visage marqué par la sérénité et la compassion tandis que les Apôtres qui lui font cortège s’affirment comme les témoins de la Loi nouvelle

L’aisance des gestes assouplis va de pair avec la rigueur frontale des corps aux vêtements drapés en plis multipliés qui s’arrêtent droit au-dessus des pieds inclinés

Le « Beau Dieu de Chartres » et les apôtres sur le portail central

Aux portails latéraux, le style apparait un peu plus évolué sur la porte de droite dite « porte de confesseurs » sont représentés les Docteurs de l’Église d’un caractère emprunt d’un réalisme stupéfiant

Saint Martin, homme d’action plein de fougue et d’énergie, saint Jérôme le savant, homme de cabinet, petit et timide et enfin saint Grégoire au visage rayonnant d’inspiration

Martin, Jérôme et Grégoire de gauche à droite

Monde plastique et admirables figures aux détails d’une perfection achevée, qui n’ont pas beaucoup d’équivalent dans leur siècle

L’étole de Saint Grégoire – détail

Sur la porte de gauche dite « porte des martyrs », Roland, archétype du chevalier modèle et sans reproche est figuré en tenue de noble combattant, revêtu d’une cotte de maille et d’une tunique, la lance à la main et l’épée au côté

Cette statue d’un homme jeune et serein au visage de chevalier de si noble allure constitue un bel hommage rendu à la croisade

Roland et Étienne réunis sur le même portail

Roland est associé à Saint Étienne, premier martyr de l’église, avec la promesse que la Jérusalem céleste sera accessible aussi aux laïcs exemplaires qui défendront la foi en partant pour la croisade contre les infidèles

Les deux statues de Roland et de Saint Georges en armure de chevaliers insistent sur le soutien que le pouvoir séculier doit à l’Église

Saint Georges veillant sur le portail des apôtres

Tous les personnages des portails sont encore des statues-colonnes, alors que les deux chevaliers exécutés plus tardivement sont représentés bien campés sur les jambes, les pieds à plat sur leur socle, type idéal de la chevalerie du temps de saint Louis

Diables faisant leur office sur les voussures du portail central !

Ce qui retient l’attention à Chartres, avec la beauté et la noblesse de l’architecture, c’est la splendeur de ses verrières aux couleurs étincelantes

En raison des travaux, quelques vitraux seulement offerts à notre admiration pendant notre visite… mais comptant parmi les plus intéressants

Dans la nef, le regard suit le rythme vertical ascendant du sol jusqu’aux voûtes

L’élévation de la cathédrale se compose de trois étages: des grandes arcades, un triforium aux arceaux brisés appuyés sur des colonnettes et des fenêtres hautes et larges qui occupent presque la moitié de la hauteur totale, divisées en deux parties ornées de vitraux et surmontées chacune par une rose à huit lobes

Le système de voûtement gothique reportant les poussées sur les piles, permet d’alléger la construction en évidant les murs et favorise l’agrandissement des fenêtres

Verrières des chapelles du déambulatoire

L’abondante lumière colorée qui baigne le grand vaisseau contribue à lui donner une atmosphère chaude et vivante, celle dont rêvaient depuis si longtemps les architectes du Moyen Age

La lumière étant considérée dans les temps médiévaux comme un phénomène issu du divin, on rêvait de transfigurer l’architecture par le chatoiement de la lumière colorée

Les artistes du XIIIe siècle firent vibrer sur leurs verrières polychromes tous les éclats des pierres précieuses dans une transposition de la Jérusalem céleste chantée par Saint Jean dans l’Apocalypse

Péripéties de la vie édifiante de Saint Jacques le Majeur – Vitrail du déambulatoire

Au XIIIe siècle, l’essentiel du décor coloré se transporte donc dans les fenêtres et se substitue aux grands cycles de peinture murale des églises romanes, même si la peinture décorative sur les murs et montant jusqu’aux voûtes (presque totalement disparue) se devait d’être haute en couleurs pour lutter contre l’éclat des verrières

Toute la vitrerie, plusieurs centaines de baies vitrées, a été exécutée très rapidement dans les 30 premières années du XIIIe siècle, un grand nombre de peintres-verriers y déployant une intense activité

Saint Jacques, patron de Compostelle a sa place dans une cathédrale vouée aux pèlerinages

Le vitrail dont le rôle est de clore l’espace intérieur subit un changement de tonalité au XIIIe siècle, le bleu s’assombrit et le rouge devient plus ardent

Les rinceaux entourant les vitraux plus anciens sont abandonnés pour faire place aux à des motifs en écailles, en losanges ou en carrés découpés dans des verres bleus et rouges, ce jeu de fond donnant la tonalité à toute la fenêtre

La rose du croisillon sud de 13,35 mètres de diamètre

La rose du transept sud fut offerte par le comte de Dreux duc de Bretagne et célèbre la glorification du Christ

Sous la rose, la représentation des quatre Évangélistes juchés sur les épaules des quatre grands prophètes rappelle que les Évangiles prennent leur source dans l’Ancien Testament mais qu’elles le dépassent

Pour meubler ces fenêtres hautes, de grandes figures en pied dans des bordures amincies sont nécessaires, leur taille et leur large dessin se conforment à la distance qui les éloigne des fidèles

La Vierge entourée par les quatre Évangélistes

La confrontation de l’Ancien et du Nouveau Testament est d’une richesse symbolique et mystique extraordinaire

Le programme iconographique était établi par des théologiens savants, répondant à une pensée chère à l’École de Chartres, et faisait appel à une connaissance approfondie des Saintes Écritures

Alix de Thouars, duchesse de Bretagne, femme du donateur au pied d’un prophète

Les émouvantes figures des Évangélistes, figures vivantes habilement enlevées, juchées sur les épaules des Prophètes à la force brutale, accentuée par la dureté des teintes, cheveux et barbes étrangement colorés, regards cerclés de plomb ajoutés à la franchise des drapés, sont d’une violence expressive mais chargée pourtant d’intensité spirituelle

Saint Jean sur les épaules d’Ezéchiel, Saint Marc sur celles de Daniel

Vers 1240 on achève de vitrer l’étage supérieur du croisillon nord avec une donation royale aux armes de France et de Castille

Les roses sont une création de l’architecture gothique, leur forme évoque le soleil, l’Univers que l’on imaginait circulaire, la roue qui tourne est l’image même de la vie

Le mouvement dynamique de la rose du croisillon nord est donné par le tournoiement des carrés sur la pointe

La rose du croisillon nord surmonte les lancettes des rois de Juda

La rose, consacrée à la Vierge qui trône dans l’oculus central, est une donation de Saint Louis et de sa mère Blanche de Castille et porte leurs motifs héraldiques dans les écoinçons inférieurs

Les lys de France et les « castilles » de la reine Blanche

La Vierge, maintes fois représentée dans sa cathédrale, debout, couronnée et portant un sceptre est exaltée comme la souveraine du ciel, la médiatrice et l’exemple de toutes les vertus

Les figures d’Anne et de la Vierge enfant au croisillon sud et de la Vierge à l’enfant au croisillon nord

Les cinq lancettes sous la rose sont consacrées aux personnages de l’Ancien Testament qui rappellent l’ascendance du Christ

Les compositions merveilleusement habiles et variées, à l’extrême qualité de dessin et de coloris, se détachent sur des fonds pourpre éclatants

Les deux rois anciens les plus renommés: David et Salomon

Appelée peinture sur verre, le vitrail ressemble plutôt à une mosaïque formé de morceaux et teints dans la masse sertis dans des plombs qui les assemblent, le tout maintenu rigide par des fers

La peinture n’intervient que sous la forme de la grisaille, dessinant les traits d’un visage ou les plis des vêtements qui se trouve incorporée au verre par cuisson

Les artisans au bas de la verrière de Charlemagne

L’exigence de l’échelle monumentale des fenêtres impose aux scènes figurées des innombrables panneaux à se loger dans des cadres simples, allongés en hauteur, ovales, demi-cercles, quadrilobes entourées de résilles colorées

Menuisiers…

Les vitraux, réalisés au fur et à mesure de l’avancement de la construction de la cathédrale bénéficièrent de la générosité des innombrables fidèles

On y voit la signature des donateurs, nobles et ecclésiastiques mais aussi corporations chartraines, qui contribuèrent à leur financement

…Charpentiers…

Des corps de métier, représentés par des scènes d’artisans au travail figurent dans des médaillons au pied des verrières hautes

…Charrons et tonneliers….

Les vitraux témoignent du souci de prêcher par l’image la doctrine de l’Église à un auditoire populaire et illettré en simplifiant les récits, en multipliant les exemples concrets, en insistant sur la dévotion et sur les sacrements

…Fourreurs…Vitrail de Saint Jacques le Majeur

Les thèmes du repentir et du pardon se rencontrent très souvent, associés à l’exhortation à la vertu à travers les exemples des personnages de la Bible et de l’histoire édifiante des saints

…Ou encore tailleurs

L’association entre pèlerinage et croisade est évidente dans la cathédrale, surtout dans deux verrières situées dans des chapelles du déambulatoire, celle consacrée à l’apôtre Jacques le Majeur et l’autre à Charlemagne

Mon vitrail préféré a toujours été celui qui représente les scènes hagiographique de la vie de Charlemagne ! C’est mon grand livre d’images !

Vitrail de Charlemagne

Ce vitrail est l’un des plus colorés, le style en est simple et noble, les contrastes des valeurs sont poussés au maximum afin de faire ressortir la beauté des plombs qui présentent la force de trait des meilleures gravures

Dans le vitrail, les plombs délimitent chaque couleur…

L’empereur Charlemagne est devenu un personnage légendaire à l’aube du XIIIe siècle, glorifié par la littérature épique comme dans la fameuse Chanson de Roland

Il demeura une figure exemplaire car la dynastie capétienne se réclamait évidemment de sa descendance

…Mais les restaurations successives ont souvent fragmenté les verres colorés

La verrière de Charlemagne illustre sa lutte contre les infidèles à la fois en Terre Sainte et contre les Sarrasins d’Espagne

Le preux Roland se sacrifie à Roncevaux et par sa mort obtient la gloire céleste et le pardon de l’empereur

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Roland brise Durandal, pendant qu’Olivier sonne du cor

Le fameux labyrinthe perpétuait le souvenir du premier de tous, celui de la Crète et de son constructeur Dédale, considéré au Moyen Age comme l’ancêtre de tous les architectes

Le pavement du labyrinthe au milieu de la nef

Long et difficile parcours du pêcheur vers le salut ou du voyage du pèlerin vers Jérusalem ou Compostelle, il servait de façon symbolique à des rites pénitentiels

Le centre du labyrinthe

Petit clin d’œil drolatique sur une façade de la ville tel un hommage rendu à toutes les figures peuplant la cathédrale

Sur des fenêtres aveugles en face de la cathédrale

Une petite pause après la visite culturelle ?

Collection de théières au restaurant « Café Serpente » au pied de la cathédrale

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