Paris – Salon l’Aiguille en fête – La Villette – 2011
Cette année, le salon avait pour thématique « La folie de la dentelle »
Deux boutiques, l’une venue de Bruges ‘t Apostelientje et l’autre de Louvain « Serena », exposaient et vendaient de superbes dentelles anciennes
Les personnes en charge de ces magasins en plus d’être charmantes et attentives, étaient expertes à reconnaitre et à dater les dentelles faites main de celles mécaniques, comme a pu le constater la détentrice d’une magnifique dentelle repartie dépitée de ne posséder en fait qu’une dentelle récente et mécanique !
De petites expositions montrant des dentelles travaillées résolument dans un esprit contemporain avec recherche de formes nouvelles, de volume, de surfaces animées, de couleurs mêlées tentaient de donner une autre approche de cet art confirmé avec plus ou moins de bonheur inventif
Les photos de ces travaux, exposés dans un Salon grand public, étant interdites, je remercie d’autant plus les deux boutiques qui donnaient la permission de photographier leurs trésors
Donc un survol succinct de quelques différents points de dentelles anciennes, généralement du XIXe ou de la première moitié du XXe siècle présentes dans ce salon, avec des dentelles… en peinture photographiées lors de ma dernière visite au Louvre !
A commencer par le plus ancien, le point de Venise et ses innombrables copies, célèbre pour l’élégance des grands motifs floraux, des rinceaux et des festons en fort relief sur un fond composé de brides et de barrettes irrégulières souvent ornés de picots
La dentelle de Venise à l’aiguille, toujours en fil de lin était plutôt portée à plat sur les costumes religieux et profanes dans toute l’Europe du XVIIe siècle, surtout sur les cols-rabats des élites masculines
La dentelle de Venise étant l’objet d’un véritable engouement et de dépenses inconsidérées, Louis XIV et son ministre Colbert, toujours soucieux de préserver les finances de la France, par un édit somptuaire firent interdire l’entrée en France de dentelles étrangères, surtout italiennes
Aurillac puis Alençon seront choisis par Colbert pour y créer des manufactures royales du point de France, dans le but d’imiter et de remplacer ces fameuses dentelles italiennes
La dentelle dite de Venise sera copiée ensuite à toutes les époques avec des sujets charmants et frivoles…
…Convenant plus aux toilettes féminines !
Ce style de dentelle dite de Bruges se caractérise par un décor abondant de fleurs faites séparément et réunies ensuite entre elles…
…Sur le fond, entre les motifs, en réseau de petites mailles hexagonales
La dentelle agrémentent les habits des prélats comme sur le portrait de l’évêque de Meaux, dans une pose solennelle, peinture élégante…
… Où la dentelle souligne la distinction et le prestige
La dentelle de Bruxelles a des motifs cernés par un fil de contour épais ce qui leur donne du relief
L’intérieur des motifs est rempli de façon assez dense sur un fond à points de gaze très petits, faits avec un seul fil fin et fragile
La régularité du réseau formé de brides picotées, la netteté des motifs et le brillant des reliefs sont les gages d’une très belle dentelle
Imitant les élites nobles, la bourgeoisie n’hésite plus longtemps à orner de dentelles les poignets visibles des chemises, les grands cols agrémentant d’une touche de blanc les couleurs austères des vêtements
L’Académie ou la Réunion d’amateurs, dans le sillage des peintures hollandaises, représente des personnages appartenant à une assemblée savante, si courantes à Paris au XVIIe siècle, se réunissant pour s’entretenir de leur passion commune pour les sciences, la musique ou la philosophie
La dentelle Duchesse est une broderie mixte, aux motifs de fleurs abondantes cernées par un point de bourdon, faites séparément et assemblées entre elles avec un travail sur le relief
La Rosaline avec ses motifs de petites fleurs répétées forment des groupes, les espaces vides étant remplis par des motifs fantaisie
Une dentelle plus modeste sur le collet de ce personnage dans une taverne où l’on fumait la pipe et buvait en bonne compagnie, peinture de genre très fréquente au XVIIe siècle
J’aime beaucoup le regard séducteur et les moustaches conquérantes de ce soldat !
La dentelle Vieux-Flandres est une dentelle mixte, les motifs sont travaillés au fuseaux et assemblés sur un fond fait à l’aiguille à mailles hexagonales assez grossières
Cette dentelle constituée de fleurs et de rinceaux fait la part belle aux grands motifs classiques
Le point de fée est une dentelle aux fuseaux fantaisie créée au XIXe siècle afin de tenter d’imiter la Binche, dentelle comptant parmi les plus belles de Belgique
Cette dentelle est exécutée avec des techniques mixtes, aux fuseaux, à l’aiguille, filet et broderie de tulle sur tulle
La dentelle d’application est une dentelle mixte, aux fuseaux et à l’aiguille de fleurs et feuilles assemblées sur un fond léger et très régulier de tulle mécanique
La dentelle à l’aiguille au point de Paris a des motifs, fleurs, feuilles cernés par un point de bourdon sur un réseau maillé régulier
L’intérieur des motifs est souvent embelli de remplissages divers
Du XVIIe siècle jusqu’à Napoléon, les dentelles plairont autant aux hommes qu’aux femmes…
…Pour le charme de leur finesse, de leur souplesse…
…de l’étonnante variété de leurs décors et par la qualité exceptionnelle de leur exécution
A l’abri de vitrines, les fournitures anciennes nécessaires à la confection de dentelles retraçaient l’histoire d’une époque révolue
Tandis que d’étranges créatures, sous des dehors familiers nous surprenaient au détour d’une allée
La Cité de la dentelle de Calais consacrait son exposition à l’aventure industrielle de la dentelle à Calais, à la qualité de ses dentelles mécaniques…
…Et à la dentelle dans la mode de notre époque
La maison DMC exposait ses trésors, les fameux « Cadres noirs » que Thèrèse de Dillmont, l’immortelle auteur de l’Encyclopédie des ouvrages de dames, maintes fois rééditée depuis 1886, avait fait confectionner pour y rassembler les innombrables échantillons de dentelle collectés un peu partout en Europe
La dentelle « Reticella » originaire d’Italie a orné bien des cols depuis le XVIIe siècle
Quant aux dentelles venant d’Espagne et utilisant la couleur, elles ne furent jamais en vogue dans les pays dentelliers du Nord
Le recyclage des dentelles dans des ouvrages contemporains est plus ou moins intéressant et inventif, une artiste Lucile Dupeyrat les dispose sur de grandes toiles de lin brut…
…Dans une approche baroque empreinte de spirituel sinon de mysticisme…
…inspirée par l’architecture religieuse …
…ou les jardins des cloîtres
Comme je suis une impénitente partisane du « bien fini » j’ai pensé que ces grands panneaux chiffonnés, sans support un peu rigide pour leur donner de la tenue, avaient comme un goût de laisser aller …Mais peut-être suis-je trop rigide et que cette présentation lâche était voulue après tout
Des colifichets de dentelles avec perles et boutons, de prix peut être plus abordables accompagnaient ces travaux précieux de recyclage
L’exposition des ouvrages si fort appréciés d’Ina Statescu…
…avec des œuvres aux couleurs délicates et raffinées…
…Mettaient enfin un peu de joie dans cette journée d’hiver maussade
J’y étais aussi, avec ma fille, le dimanche 13 et je me suis rempli les yeux de tous ces trésors.Un seul regret:n’avoir pu tout voir.Revenue avec de petits coupons de cotonnades japonaises, je me suis contentée jusqu’ici de les sortir de l’armoire aux tissus pour les admirer, dans l’attente de l’hypothétique inspiration.Quel plaisir! j’ai beaucoup aimé aussi l’atmosphère de ce Salon où les femmes étaient très majoritaires:peu de bruit et d’agitation, de la contemplation, du rêve, de la concentration dans les ateliers.C’était touchant et réjouissant.
Oui, Françoise, dimanche était le jour où l’on pouvait admirer sans être bousculée !
J’y étais aussi le dimanche/ partie pour aider à la garde des vaches !/ partie pour visiter.
Votre compte-rendu est vraiment agréable, empreint d’admiration sans langue de bois !
Dans le coin de France Patchwork (et quel coin !)il était permis de prendre des photos mais j’ai trouvé mes photos minables ! Avez-vous un reportage ? Tant de couleurs puisque c’était le thème et de travaux différents …
Bon Jour
En vrai, Marie Hélène, je ne vais dans ces Salons que pour humer l’air du temps ! Et pour y rencontrer, sur des stands, quelques amies de province que je connais depuis longtemps…J’y vais aussi pour les expositions si elles peuvent compléter mes connaissances sur les textiles…
Les tableautins « Vache qui rit » ne titillant guère ma curiosité, j’avoue que je n’ai même pas eu l’idée d’aller voir le coin de FP ! Peut-être ai-je raté quelque chose…
Quant aux stands de tissus, laines et autres fournitures destinées à faire des bricoles selon la mode du moment, n’ayant pas besoin d’acheter ni tissus, ni kits, ni perles et boutons, je m’y promène en m’amusant et en observant. Par exemple, je suis restée effarée des sommes dépensées, le dernier jour, une heure avant la fermeture, par quelques personnes craignant sûrement de souffrir de manque pendant le reste de l’année !
Outre les photos toujours bien expliquées, j’aime le contraste entre les oeuvres de Lucile Delpeyrat et celles De Ina Statescu, c’est deux tempéraments visiblement différents…et qui peuvent séduire pour des raisons différentes.
A côté de ces merveilles ma petite collection est bien riquiqui ! Mais bon raison de plus pour rêver et merci à Marie-Claude de nous le permettre, en cet après-midi pluvieux !
Jacqueline, même une petite collection de dentelles fait notre bonheur !
Et puis que faire des jolis mais vieux napperons sinon les recycler sans trop de remord
A propos de dentelles contemporaines, j’ai beaucoup aimé le travail de Françoise Micoud, avec des fils ce couleurs elle réalise des herbiers d’une vérité saisissante, peu de travaux exposés, dommage ! Une technique maitrisée au service d’une imagination rêveuse et poétique, c’est rare dans la dentelle contemporaine
Ah merci pour ce magnifique reportage , loin de Paris je « rate » beaucoup de manifestations … grace a votre blog j’ai pu visiter cette super exposition assise dans mon fauteil préféré , dans le calme et loin de toute agitation …les photos sont tellement belles que j’y vois tous les détails des « vraies dentelles » , j’attends maintenant votre reportage sur l’expo « l’Orient des femmes » au musée du quai Branly !!!! Merci encore
Merci Marie, je prépare d’autres reportages, pas seulement sur les textiles, avant celui du quai Branly, mais il viendra !
c’est un superbe reportage
je n’ai pas eu le plaisir de voir cette exposition, votre article m’a permis d’admirer tout cela
merci
Merci Aline de votre observation
Pour moi aussi, à 600 kms de Paris, les reportages de vos visites d’expositions, toujours très intéressants et richement illustrés, sont un vrai bonheur, que je m’offre régulièrement grâce à votre blog. Merci beaucoup !
Merci Annick, je pense beaucoup à mes amies lointaines, en prenant des photos, surtout des photos de détails qui complètent un peu mieux la vision d’ensemble
Comme c’est intéressant.
Un petit coucou de Lausanne.
Dans une de mes *virées* en France, toujours à l’occasion d’un déplacement pour un championnat d’orpaillage, cette fois en Espagne, mes roues m’ont amenées au Puy en Velais. Détour motivé par une vitrine sur les pèlerinages. Devant les magasins de souvenirs, de dentelles, il y a des dentellières qui travaillent aux fuseaux.
Je me rappelle encore l’impression que j’en ressentais la première fois que j’ai vu ça en Espagne. Très jeune, une de mes premières vacances hors de Suisse… longtemps, longtemps.
Oui, Béatrice, au Puy en Velay, les dentellières travaillent dehors, surtout pour attirer les touristes ! Dommage que les dentelles proposées soient si peu intéressantes…Des napperons et encore des napperons….
Surtout que, de napperons , je ne saurais pas que faire. J’avais hésiter d’acheter quelque chose pour ma vitrine sur *le fil : la soie, le coton, la laine* Mais je n’ai pas suivi cette pensée première. La dentelle mériterais une vitrine à elle seule. Ce que je ne ferais jamais, trop de difficulté à trouver des échantillons par ici.
Dommage que vous ne montiez rien en ce qui concerne les créations « résolument modernes »……
Rien non plus en ce qui concerne la frivolité ?
Dommage que vous n’ayez pas lu la précision que je donnais sur l’interdiction de prendre des photos par les « artistes » contemporaines
Et comme je refuse de publier des photos non autorisées, comme sur nombre de blogs…
De plus, ce blog reflète mes propres goûts et comme je n’ai aucune prétention à l’exhaustivité, je ne publie que ce que j’aime
bonjour, j’ai lu votre article sur les dentelles ( les photos sont belles et le texte juste). Je possède une collection de dentelles anciennes que j’ai constitué en fréquentant les puces , les brocantes et les salles de ventes depuis très longtemps…Les musées et les ouvrages ont été très utiles à ma connaissance des points de dentelles. Si vous souhaitez photographier, étudier les dentelles : ma collection est à votre disposition. Un seul inconvénient : j’habite au fin fonds de la France, en Ariège.A bientôt peut-être Evelyne FASCIODA
Merci Evelyne, je suis une admiratrice de cet art fascinant et je ne manque pas les expositions qui sont si rares…Il y a quelques années, j’ai passé de longues heures dans une exposition absolument unique dans un ancien couvent à Lille et dans un froid glacial, j’étais la seule visiteuse…
Je possède quelques pièces très modestes que j’inclurais dans un quilt quand l’inspiration viendra me visiter !
Votre proposition m’enchante ! Je garde soigneusement vos coordonnées, au prochain voyage je ne manquerais pas de vous faire signe
Merci pour ce reportage intéressant, je n’avais pu aller à ce salon et je tombe par hasard sur votre site qui me plait beaucoup. A bientôt.
Dans ce Salon grand public, pas d’explications sur les dentelles, j’ai eu recours aux notes prises lors d’une mémorable exposition de dentelles à Lille il y a quelques années
Merci d’avoir pris la peine de me laisser votre impression
Merci pour cet extraordinaire article et ces très belles photos !
Merci beaucoup, Je suis ravie que mon article vous ai plu
En matière de Salon, cette année là était un bon cru !
Bonjour. Je suis sur LILLE…Quelle etait donc cette exposition et le couvent dont vous parlez? J’admire infiniment toutes ces femmes qui inventent, créent de telles beautés avec juste un simple fil….meme admiration pour les ravaudages/reprises faits sur certains vêtements que l’on sent avoir été tres aimés. La dentelle blonde de Bayeux est ma dentelle préférée…tres soyeuse.
Cette exposition a eu lieu pendant l’hiver 1997-1998 au Musée de l’hospice Comtesse après avoir été exposée à Bruges auparavant
Ce fut un éblouissement, malgré le froid glacial qui régnait dans le musée ! et je m’en souviens encore après 18 ans !
Tant que durera la dualité de la situation conjonctuelle des Bobos, on se doit de remodeler la globalité des problématiques déclinables parce que la nature a horreur du vide.
Serait-il possible que vous vous exprimiez en langage compréhensible ?
C’était très bien, j’avais pu y aller cette année-là, mais c’est dommage que la mécanique se mêle de la partie. Les congrès OIDFA sont heureusement purement dentelle aux fuseaux et à l’aiguille, le prochain aura lieu à Bruges été 2018.
Les expositions de dentelles ne sont pas si fréquentes il est vrai mais ce sont les ouvrages anciens que je préfère même si quelques créatrices actuelles font preuve de beaucoup d’imagination !
En tout cas la Bruges touristique fait grand cas des dentelles made in China !