Musée Cluny

Paris – Musée du Moyen Age Cluny

Promenade automnale dans le centre historique de Paris, du Châtelet  jusqu’au musée Cluny, pour visiter l’exposition sur la Slovaquie

Paris, vieille capitale, garde évidemment de nombreux vestiges de son passé…

Et affectionne même un passé imaginaire ! Comme cette nostalgie d’une Égypte de fiction, fort à la mode au début du XIXe siècle accomplie dans une fontaine destinée, à l’origine, à fournir de l’eau potable aux Parisiens

Place du Châtelet – Sphinx de la fontaine du Palmier – Sculptures de H.A Jacquemart – 1858

A peu près contemporaine de l’hôtel de Cluny, la Tour Saint Jacques, de style gothique flamboyant, vestige de l’ancienne église Saint Jacques de la Boucherie

Construite à la croisée des grandes voies amenant au Paris antique et médiéval, point de départ pour le pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle, elle se dresse au milieu d’un agréable petit square malheureusement troublé par une circulation automobile incessante

L’altière solitude de la Tour Saint-Jacques – Début du XVIe siècle

Le musée national du Moyen Âge est installé dans l’ancien hôtel des abbés de Cluny, construction largement accolée aux ruines romaines des thermes, vestiges antiques impressionnants

Le musée doit sa création au milieu du XIXe siècle au rassemblement des collections d’Alexandre de Sommerard, dont l’intérêt pour l’art médiéval à une époque où il était encore peu considéré, lui fit acquérir nombre de pièces provenant, entre autres, de destructions d’églises en Ile de France

Arcades surmontées de gâbles formant porche de la façade occidentale côté cour

Les abbés de Cluny, pour être au plus près de l’Université de Paris avaient au XIIIe siècle un collège dans ce quartier de la rive gauche et une première résidence appuyée sur les ruines des murs des thermes antiques

A la fin du XVe siècle, Jacques d’Amboise, abbé de Cluny décide de reconstruire et d’agrandir l’hôtel abbatial, afin de servir de résidence aux abbés bourguignons lors de leurs passages à Paris

Gargouilles et bestiaire restaurés dans la veine populaire médiévale

Si le goût du luxe et du confort fit naître, dans les villes, des demeures somptueuses, l’hôtel de Cluny de style gothique flamboyant reste aujourd’hui le seul témoin, à Paris, de ce genre de construction civile

Porte sur la cour

 

Entouré d’un mur aveugle crénelé, à l’image des forteresses médiévales, percé de deux portes en arc surbaissé, il est formé d’un corps de logis et de deux ailes en retour encadrant une cour pavée où subsiste encore le puits à margelle d’origine

Le puits et son architecture de fer

L’hôtel comporte deux étages surmontés d’une haute toiture d’ardoise, animée par les silhouettes élancées des lucarnes et une balustrade à jour à la naissance du toit

Les éléments décoratifs ont été fortement restaurés ou sont des pastiches du XIXe siècle !

Balustrade ajourée dans la cour intérieure

Les larges fenêtres à croisée de pierre sont encadrées de moulures saillantes mais sobres

Petite vie fragile dans cette austère cour de pierre

 

 

La nouveauté de la construction en cette fin de siècle vient des galeries ouvertes au rez-de-chaussée, formées d’arcades

Galeries aux arcades surmontées de gâbles décorés

Le principal corps du logis offre une tourelle d’escalier à pans coupés qui rompt la ligne de la façade, elle abrite un escalier à vis donnant accès aux étages

La tour d’escalier du corps du logis

La façade de la tour est ornée d’un tympan au décor de coquillages et de banderoles aux inscriptions latines, attributs de Saint Jacques le Majeur, par allusion au nom du fondateur, Jacques d’Amboise

Décor de coquilles, attributs du saint patron

La chapelle, ancien oratoire des abbés, est un véritable bijou du gothique flamboyant

De l’unique pilier central, les nervures des voûtes semblent jaillir comme des palmes

Le flamboiement extraordinaire de la chapelle

Bien que souvent réaménagé, l’intérieur garde pourtant ses dispositions d’origine, la circulation se fait au travers des petites salles de l’hôtel, puis débouche sur le grand espace des thermes que le musée a annexé afin de présenter au mieux ses collections

Le passage entre les deux mondes antique et médiéval

Les thermes sont dans un état de conservation exceptionnel car la réutilisation pratiquement continue de l’édifice depuis le Moyen Âge a permis de préserver la structure des salles destinées, dans l’Antiquité, aux bains publics, hauts lieux de la civilisation romaine aux IIe et IIIe siècles

La grande salle rectangulaire du Frigidarium ou salle des bains froids, avec sa voûte de 15 m de haut encore en bon état, est seule englobée dans le musée en offrant un espace dont les larges baies en plein cintre d’origine dispensant une belle lumière mettent en valeur les œuvres exposées

Les murs épais de 2 mètres  ont conservé leur structure d’origine, qui se singularise par l’emploi de moellons en petit appareil séparés à intervalles réguliers de chaînons de briques

Les enduits épais recouvert de peintures, de mosaïque et de marbre dont ils étaient parés ont disparu en laissant pourtant quelques traces ténues encore visibles

Résurgence du Paris antique

C’est la seule construction gallo-romaine en France qui ait conservé encore ses trois voûtes en berceau et sa belle voûte d’arêtes au centre, reposant sur des consoles sculptées en formes de proues de bateaux

Bel appareil de pierres et de briques

Les collections du musée sont orientées sur l’art du Moyen Age en général avec un fond d’objets antiques

Parmi les centaines de pièces exposées, j’ai fait un choix subjectif , mon choix du moment !

Le ballet des couronnes votives wisigothiques – Espagne – VIIe siècle

Pour la période du Haut Moyen Age, les innombrables boucles, attaches et autres fibules découvertes en France, objets utilitaires et de parure témoignent d’une continuité avec les objets d’art de la Rome tardive bien qu’influencés par la culture germanique

Les couronnes d’or wisigothiques, rescapées d’un trésor découvert en Espagne, de même sont apparentées à l’art de l’Empire d’Orient où les empereurs byzantins faisaient l’offrande de telles pièces d’orfèvrerie sur les autels des églises. Le bandeau d’or des couronnes est enchâssé de pierres précieuses mais aussi de verroteries de couleurs !

Ornement torsadé en or – Environ 500 av. J C – Paire de fibules cloisonnées – Bronze et verroteries – VIe siècle

Les ateliers de l’Orient byzantin ont réalisé en ivoire beaucoup de pièces de mobilier à usage féminin, telle cette Ariane sculptée dans une défense d’éléphant et qui en garde une courbure sensuelle

Le couronnement d’Ariane – 40 cm de hauteur – Byzance – Ivoire – VIe siècle

Ariane, aux grands yeux en amande tombants, réalisée en haut relief, est extrêmement séduisante ! ( Elle ne laissa pas Dionysos indifférent d’ailleurs ! ) Le poli extrême de l’ivoire met en valeur la délicatesse du modelé des chairs et la souplesse des draperies moulant les formes du corps

Ariane – Détail

Les olifants taillés dans une défense d’éléphant d’où leur nom, étaient utilisés comme instrument de musique, corne à boire ou reliquaire

Le travail de sculpture sur ivoire devint une spécialité de l’Italie du sud, connue surtout pour ses pièces d’échecs

Oliphant – Italie du sud – Ivoire – Début du XIIe siècle

Le musée de Cluny est riche surtout en art gothique, mais d’émouvantes sculptures romanes retiennent l’attention, comme les Vierges en Majesté, figures familières de l’art roman auvergnat, inspirées par les caractéristiques des populations locales (article sur l’Auvergne romane)

Vierge en majesté – Auvergne – Bois polychrome – fin du XIIe siècle

Le musée réunit les sculptures et les éléments du décor architectural de très nombreux monuments parisiens comme l’abbaye de Saint-Germain des Prés, de Saint-Denis, de la Sainte-Chapelle dus aux destructions révolutionnaires

Le décor sculpté de la cathédrale Notre Dame, en particulier grâce à la découverte en 1977 de dizaines de statues lors de travaux dans les sous-sols d’une banque parisienne, permet de voir l’évolution de la sculpture à Paris entre le XIIe et le XIIIe siècle

Anges musiciens – Fragments de sculptures provenant de Notre Dame – XIIIe siècle

Adam, venant aussi de Notre Dame est un exemple de nu, pas si fréquent à cette époque, à la plastique classique un peu molle, inspirée par la statuaire antique…

Adam – Sculpture provenant de Notre Dame – Calcaire avec trace de polychromie – Vers 1260

…Et dont un arbrisseau est venu judicieusement protéger la pudeur des visiteuses !

Le bel Adam !

Les vitraux déposés de la Sainte Chapelle réunis dans une petite salle du musée témoignent du goût des maitres-verriers parisiens pour les bleus sombres et les rouges ardents et pour les scènes en médaillon rendues avec une féconde imagination

Vitrail provenant de la Sainte Chapelle – XIIIe siècle

Le goût pour les vitraux en grisaille est une nouveauté du XIVe siècle, moins chers que les vitraux colorés, ils convenaient mieux comme décor diaphane aux grandes baies des architectures devenues si légères

Vitrail en grisaille – Provenant de Saint Denis – XIVe siècle

Dans une belle et grande salle ornée de tapisseries, figurent de nombreux retables et surtout les sculptures sur bois dédiées au culte marial

Ces Vierges à l’Enfant des ateliers du Nord témoignent de la nouvelle sensibilité de la fin du Moyen Age, où la Vierge est devenue une femme accomplie aussi belle que douce, bien féminine inspirée sans doute d’un modèle concret et aimé de l’artiste

Vierge à l’enfant – Louvain – Vers 1500

Attitude naturelle, charme du sourire dans un visage calme, sensibilité frémissante, enjouement de l’enfant, grâce toute humaine en somme en font des œuvres admirables

Vierge à l’enfant – Louvain – Vers 1500

Des sculptures aux plis des vêtements comme chiffonnés ou pliés, des boucles de cheveux qui s’envolent autour des visages lisses et rayonnants, reflet d’une vie spirituelle, témoignent de la virtuosité des ateliers de sculptures sur bois dans les pays germaniques au tournant du siècle

Vierge à l’enfant – Henrick Douwerman – Allemagne – Vers 1540

Le style des ateliers de Bruxelles joue sur l’extrême préciosité du costume, l’élégance nerveuse et la séduction de la jeunesse

Marie Madeleine – Bruxelles – Début du XVe siècle

Cette jeune femme à la coiffure d’une certaine grâce mondaine, pleine de distinction évoque bien le style de vie aristocratique à la Cour des Ducs de Bourgogne

Marie Madeleine – Bruxelles – Début du XVe siècle

Quelques tableaux de dévotion peints dans des ateliers du Nord témoignent de la survivance d’un style de peinture où l’observation du réel est transcrite avec un émerveillement et un enchantement poétique

Mais en pleine Renaissance, ce style tardif et emprunté n’est plus que habile poncif avec des figures aux mornes expressions

Annonciation – Flandres – Milieu du XVIe siècle

Un seul Ange Gabriel, assez falot, ne comblant sûrement pas l’attente du commanditaire, le peintre a donc convoqué toute une armée d’anges afin de rendre la scène plus convaincante !

Annonciation – Détail de l’Ange Gabriel

La mode du XVe siècle avec les coiffures extravagantes et les robes très ajustées des jeunes femmes de la Cour…

La famille Juvénal des Ursins en prière – Provient d’une chapelle de Notre Dame – Peinture sur bois – Milieu du XVe siècle

…introduit l’exposition d’objets de la vie quotidienne médiévale, miroirs et coffrets à bijoux en ivoire sculptés…

Peigne en buis incrusté d’ivoire – XIVe siècle

…Et encore de beaux et grands peignes, petits chef-d’œuvre d’art décoratif

Peigne en buis au décor polychrome – XIVe siècle

La salle abritant les textiles présente généralement en alternance le fond très riche de tissages byzantins et de broderies coptes

Fragment brodé d’une étole – Allemagne du sud – Broderie en fils de soie sur lin – XIVe siècle

Au moment de ma dernière visite, très peu de pièces soumises à mon admiration

Fragment de galon – Cologne – Broderie de fils de soie et fils d’or sur lin – XVe siècle

Les tapisseries dont la célèbre Dame à La Licorne feront l’objet d’un article tout entier…à suivre donc !

L’hôtel de Cluny à la nuit tombée

Suite à quelques commentaires farfelus, je précise que mes petits textes ne sont pas des « copier-coller » d’un fameux site encyclopédique, pas plus que des copies de dossiers de presse, mais sont le reflet de mes observations lors de visites d’expositions et de ma propre verve (et de quelques connaissances engrangées au cours de ma vie ! )

9 réflexions sur « Musée Cluny »

  1. Je suivrai le fil…d’Ariane. C’est vrai qu’elle est pleine de charme et qu’on se demande pourquoi Thésée l’a plantée là « seule sur le rivage » comme on dit dans la poésie latine! Tant mieux pour Dyonisios!

    • Phèdre avait un charme ensorcelant et le pauvre Thésée s’y ait laissé prendre…Mais comme on sait comment cela a fini, cette histoire, Ariane a été plus chanceuse ! Et puis cela nous a donné le Lamento d’Ariana de Monteverdi ! Et vive la mythologie !

  2. Et un superbe poème de Catulle (l’épithalame-ou chant nuptial- de Thétis et Pélée-les parents d’Achille- qui contient des plaintes d’Ariane « brodées » sur une tapisserie « vivante » offerte aux époux (les personnages bougent et parlent… du moins sous l’effet de l’imagination du poète)

    De là date mon amour plus fidèle que celui de Thésée pour la poésie latine:-)

    • Il va falloir que je me procure cet épithalame car Ariane a été bien comprise comme le symbole de l’âme humaine en quête de l’éros (en l’occurrence Dionysos) pour trouver son accomplissement
      Mon article est rempli de références chrétiennes, mais l’époque médiévale n’ignorait pas l’Antiquité loin de là, par contre je ne sais si Catulle était en faveur…

  3. D’après les spécialistes dont je ne suis pas, Catulle aurait été redécouvert au XIV siècle; Mort de phtisie vers 30 ans, il fut déjà au centre d’une querelle entre anciens et nouveaux poètes… Lui voulait renouveler ça ne l’empêche pas aujourd’hui d’être jugé poussiéreux vu qu’antique..Rien de nouveau sous le soleil:-)

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