Paris – Musée du Moyen Age Cluny
Promenade automnale dans le centre historique de Paris, du Châtelet jusqu’au musée Cluny, pour visiter l’exposition sur la Slovaquie
Paris, vieille capitale, garde évidemment de nombreux vestiges de son passé…
Et affectionne même un passé imaginaire ! Comme cette nostalgie d’une Égypte de fiction, fort à la mode au début du XIXe siècle accomplie dans une fontaine destinée, à l’origine, à fournir de l’eau potable aux Parisiens
A peu près contemporaine de l’hôtel de Cluny, la Tour Saint Jacques, de style gothique flamboyant, vestige de l’ancienne église Saint Jacques de la Boucherie
Construite à la croisée des grandes voies amenant au Paris antique et médiéval, point de départ pour le pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle, elle se dresse au milieu d’un agréable petit square malheureusement troublé par une circulation automobile incessante
Le musée national du Moyen Âge est installé dans l’ancien hôtel des abbés de Cluny, construction largement accolée aux ruines romaines des thermes, vestiges antiques impressionnants
Le musée doit sa création au milieu du XIXe siècle au rassemblement des collections d’Alexandre de Sommerard, dont l’intérêt pour l’art médiéval à une époque où il était encore peu considéré, lui fit acquérir nombre de pièces provenant, entre autres, de destructions d’églises en Ile de France
Les abbés de Cluny, pour être au plus près de l’Université de Paris avaient au XIIIe siècle un collège dans ce quartier de la rive gauche et une première résidence appuyée sur les ruines des murs des thermes antiques
A la fin du XVe siècle, Jacques d’Amboise, abbé de Cluny décide de reconstruire et d’agrandir l’hôtel abbatial, afin de servir de résidence aux abbés bourguignons lors de leurs passages à Paris
Si le goût du luxe et du confort fit naître, dans les villes, des demeures somptueuses, l’hôtel de Cluny de style gothique flamboyant reste aujourd’hui le seul témoin, à Paris, de ce genre de construction civile
Entouré d’un mur aveugle crénelé, à l’image des forteresses médiévales, percé de deux portes en arc surbaissé, il est formé d’un corps de logis et de deux ailes en retour encadrant une cour pavée où subsiste encore le puits à margelle d’origine
L’hôtel comporte deux étages surmontés d’une haute toiture d’ardoise, animée par les silhouettes élancées des lucarnes et une balustrade à jour à la naissance du toit
Les éléments décoratifs ont été fortement restaurés ou sont des pastiches du XIXe siècle !
Les larges fenêtres à croisée de pierre sont encadrées de moulures saillantes mais sobres
La nouveauté de la construction en cette fin de siècle vient des galeries ouvertes au rez-de-chaussée, formées d’arcades
Le principal corps du logis offre une tourelle d’escalier à pans coupés qui rompt la ligne de la façade, elle abrite un escalier à vis donnant accès aux étages
La façade de la tour est ornée d’un tympan au décor de coquillages et de banderoles aux inscriptions latines, attributs de Saint Jacques le Majeur, par allusion au nom du fondateur, Jacques d’Amboise
La chapelle, ancien oratoire des abbés, est un véritable bijou du gothique flamboyant
De l’unique pilier central, les nervures des voûtes semblent jaillir comme des palmes
Bien que souvent réaménagé, l’intérieur garde pourtant ses dispositions d’origine, la circulation se fait au travers des petites salles de l’hôtel, puis débouche sur le grand espace des thermes que le musée a annexé afin de présenter au mieux ses collections
Les thermes sont dans un état de conservation exceptionnel car la réutilisation pratiquement continue de l’édifice depuis le Moyen Âge a permis de préserver la structure des salles destinées, dans l’Antiquité, aux bains publics, hauts lieux de la civilisation romaine aux IIe et IIIe siècles
La grande salle rectangulaire du Frigidarium ou salle des bains froids, avec sa voûte de 15 m de haut encore en bon état, est seule englobée dans le musée en offrant un espace dont les larges baies en plein cintre d’origine dispensant une belle lumière mettent en valeur les œuvres exposées
Les murs épais de 2 mètres ont conservé leur structure d’origine, qui se singularise par l’emploi de moellons en petit appareil séparés à intervalles réguliers de chaînons de briques
Les enduits épais recouvert de peintures, de mosaïque et de marbre dont ils étaient parés ont disparu en laissant pourtant quelques traces ténues encore visibles
C’est la seule construction gallo-romaine en France qui ait conservé encore ses trois voûtes en berceau et sa belle voûte d’arêtes au centre, reposant sur des consoles sculptées en formes de proues de bateaux
Les collections du musée sont orientées sur l’art du Moyen Age en général avec un fond d’objets antiques
Parmi les centaines de pièces exposées, j’ai fait un choix subjectif , mon choix du moment !
Pour la période du Haut Moyen Age, les innombrables boucles, attaches et autres fibules découvertes en France, objets utilitaires et de parure témoignent d’une continuité avec les objets d’art de la Rome tardive bien qu’influencés par la culture germanique
Les couronnes d’or wisigothiques, rescapées d’un trésor découvert en Espagne, de même sont apparentées à l’art de l’Empire d’Orient où les empereurs byzantins faisaient l’offrande de telles pièces d’orfèvrerie sur les autels des églises. Le bandeau d’or des couronnes est enchâssé de pierres précieuses mais aussi de verroteries de couleurs !
Les ateliers de l’Orient byzantin ont réalisé en ivoire beaucoup de pièces de mobilier à usage féminin, telle cette Ariane sculptée dans une défense d’éléphant et qui en garde une courbure sensuelle
Ariane, aux grands yeux en amande tombants, réalisée en haut relief, est extrêmement séduisante ! ( Elle ne laissa pas Dionysos indifférent d’ailleurs ! ) Le poli extrême de l’ivoire met en valeur la délicatesse du modelé des chairs et la souplesse des draperies moulant les formes du corps
Les olifants taillés dans une défense d’éléphant d’où leur nom, étaient utilisés comme instrument de musique, corne à boire ou reliquaire
Le travail de sculpture sur ivoire devint une spécialité de l’Italie du sud, connue surtout pour ses pièces d’échecs
Le musée de Cluny est riche surtout en art gothique, mais d’émouvantes sculptures romanes retiennent l’attention, comme les Vierges en Majesté, figures familières de l’art roman auvergnat, inspirées par les caractéristiques des populations locales (article sur l’Auvergne romane)
Le musée réunit les sculptures et les éléments du décor architectural de très nombreux monuments parisiens comme l’abbaye de Saint-Germain des Prés, de Saint-Denis, de la Sainte-Chapelle dus aux destructions révolutionnaires
Le décor sculpté de la cathédrale Notre Dame, en particulier grâce à la découverte en 1977 de dizaines de statues lors de travaux dans les sous-sols d’une banque parisienne, permet de voir l’évolution de la sculpture à Paris entre le XIIe et le XIIIe siècle
Adam, venant aussi de Notre Dame est un exemple de nu, pas si fréquent à cette époque, à la plastique classique un peu molle, inspirée par la statuaire antique…
…Et dont un arbrisseau est venu judicieusement protéger la pudeur des visiteuses !
Les vitraux déposés de la Sainte Chapelle réunis dans une petite salle du musée témoignent du goût des maitres-verriers parisiens pour les bleus sombres et les rouges ardents et pour les scènes en médaillon rendues avec une féconde imagination
Le goût pour les vitraux en grisaille est une nouveauté du XIVe siècle, moins chers que les vitraux colorés, ils convenaient mieux comme décor diaphane aux grandes baies des architectures devenues si légères
Dans une belle et grande salle ornée de tapisseries, figurent de nombreux retables et surtout les sculptures sur bois dédiées au culte marial
Ces Vierges à l’Enfant des ateliers du Nord témoignent de la nouvelle sensibilité de la fin du Moyen Age, où la Vierge est devenue une femme accomplie aussi belle que douce, bien féminine inspirée sans doute d’un modèle concret et aimé de l’artiste
Attitude naturelle, charme du sourire dans un visage calme, sensibilité frémissante, enjouement de l’enfant, grâce toute humaine en somme en font des œuvres admirables
Des sculptures aux plis des vêtements comme chiffonnés ou pliés, des boucles de cheveux qui s’envolent autour des visages lisses et rayonnants, reflet d’une vie spirituelle, témoignent de la virtuosité des ateliers de sculptures sur bois dans les pays germaniques au tournant du siècle
Le style des ateliers de Bruxelles joue sur l’extrême préciosité du costume, l’élégance nerveuse et la séduction de la jeunesse
Cette jeune femme à la coiffure d’une certaine grâce mondaine, pleine de distinction évoque bien le style de vie aristocratique à la Cour des Ducs de Bourgogne
Quelques tableaux de dévotion peints dans des ateliers du Nord témoignent de la survivance d’un style de peinture où l’observation du réel est transcrite avec un émerveillement et un enchantement poétique
Mais en pleine Renaissance, ce style tardif et emprunté n’est plus que habile poncif avec des figures aux mornes expressions
Un seul Ange Gabriel, assez falot, ne comblant sûrement pas l’attente du commanditaire, le peintre a donc convoqué toute une armée d’anges afin de rendre la scène plus convaincante !
La mode du XVe siècle avec les coiffures extravagantes et les robes très ajustées des jeunes femmes de la Cour…
…introduit l’exposition d’objets de la vie quotidienne médiévale, miroirs et coffrets à bijoux en ivoire sculptés…
…Et encore de beaux et grands peignes, petits chef-d’œuvre d’art décoratif
La salle abritant les textiles présente généralement en alternance le fond très riche de tissages byzantins et de broderies coptes
Au moment de ma dernière visite, très peu de pièces soumises à mon admiration
Les tapisseries dont la célèbre Dame à La Licorne feront l’objet d’un article tout entier…à suivre donc !
Suite à quelques commentaires farfelus, je précise que mes petits textes ne sont pas des « copier-coller » d’un fameux site encyclopédique, pas plus que des copies de dossiers de presse, mais sont le reflet de mes observations lors de visites d’expositions et de ma propre verve (et de quelques connaissances engrangées au cours de ma vie ! )
Je suivrai le fil…d’Ariane. C’est vrai qu’elle est pleine de charme et qu’on se demande pourquoi Thésée l’a plantée là « seule sur le rivage » comme on dit dans la poésie latine! Tant mieux pour Dyonisios!
Phèdre avait un charme ensorcelant et le pauvre Thésée s’y ait laissé prendre…Mais comme on sait comment cela a fini, cette histoire, Ariane a été plus chanceuse ! Et puis cela nous a donné le Lamento d’Ariana de Monteverdi ! Et vive la mythologie !
Et un superbe poème de Catulle (l’épithalame-ou chant nuptial- de Thétis et Pélée-les parents d’Achille- qui contient des plaintes d’Ariane « brodées » sur une tapisserie « vivante » offerte aux époux (les personnages bougent et parlent… du moins sous l’effet de l’imagination du poète)
De là date mon amour plus fidèle que celui de Thésée pour la poésie latine:-)
Il va falloir que je me procure cet épithalame car Ariane a été bien comprise comme le symbole de l’âme humaine en quête de l’éros (en l’occurrence Dionysos) pour trouver son accomplissement
Mon article est rempli de références chrétiennes, mais l’époque médiévale n’ignorait pas l’Antiquité loin de là, par contre je ne sais si Catulle était en faveur…
D’après les spécialistes dont je ne suis pas, Catulle aurait été redécouvert au XIV siècle; Mort de phtisie vers 30 ans, il fut déjà au centre d’une querelle entre anciens et nouveaux poètes… Lui voulait renouveler ça ne l’empêche pas aujourd’hui d’être jugé poussiéreux vu qu’antique..Rien de nouveau sous le soleil:-)
Que de ravissantes sculptures !
J’aime les tresses interminables de Marie Madeleine…
Chère Flo, sculptures majeures pour l’histoire de l’art…Marie Madeleine très séduisante, non ?
Une belle ballade parisienne.
Merci d’y avoir pris goût !