Taishô no Inshô- Impressions de l’ère Taishô

Quilt recyclant des soies de kimonos anciens

Je me suis inspirée des couleurs dominantes des kimonos à la mode pendant l’ère Taishô (1912-1926)

Taishô no Inshô – Impressions de l’ère Taishô – 75 x 110 cm
Cousu en 2019, quilté au printemps 2020

J’ai une grande prédilection pour les œuvres picturales « Bijin ga » de style Nihon ga (peinture traditionnelle) qui virent le jour sous les périodes Meiji et Taishô

Recyclage de soies anciennes de kimonos

Succédant aux estampes traditionnelles de l’ère Edo gravées sur bois, les Bijin ga ou peintures de jolies femmes, obtenues au début du XXe siècle par lithographie puis imprimées en couleurs illustrèrent les frontispices des multiples revues parues dans les années 1905 à1925

Kurihara Gyokuyô (1883-1923) « Aki no Ueno » (Exposition d’automne à Ueno) – 1920

Ces Bijin ga dues à des artistes célèbres en leur temps, dont beaucoup étaient féminines, mais aussi à nombre d’artistes anonymes, donnent une vision traditionnellement poétique et noblement idéalisée de l’éternel féminin

Shima Seien (1892-1970) « Utamaki » – 1914
Une femme peintre qui connaissait l’Art Nouveau !

Produites en abondance, ces images plaisantes insérées dans les revues, illustrèrent toutefois aussi avec un certain réalisme décent la modernité d’une époque alors en pleine transformation

Otake Kokkan (1880- 1945) « Myôrei masani hatachi » (Célébration des 20 ans) – 1907

Ces illustrations séduisantes d’une veine populaire pleines de sensibilité ne manquent d’ailleurs pas de sens artistique bien qu’elles soient considérées en Occident depuis trop longtemps, comme des œuvres mineures

Morita Hisashi – « Kane wa naru » (Une cloche sonne) – 1920

Les kimonos représentés par les artistes reflètent la mode de l’époque où les vêtements aux couleurs sombres et discrètes furent privilégiés par les femmes de la petite bourgeoisie citadine

Igawa Sengai (1876-1961) « Hakubai » ( Prunier blanc) – 1916
Soie discrètement rayée avec motif coloré sous-jacent

Si les kimonos aux larges rayures contrastées furent depuis des siècles fort appréciés, c’est à l’époque Taishô que ces motifs tissés devinrent la norme de l’élégance vestimentaire

Hamaoke Orie –  » Yanagi kemuru » ( Saule pleureur) – 1919
Soie rayée au rendu brillant et satiné
Suzuki Kenko – « Shûshi » (Mélancolie d’automne) – 1916
Soies rayées tissées et imprimées
Kaburaki Kiyokata (1878-1972) « Kûkyo » (Vide – d’après une nouvelle littéraire) – 1910
Soie rayée beige avec de discrètes rayures noires

J’ai rencontré, dans ces images, beaucoup de kimonos à carreaux tissés d’un beau jaune rehaussé de noir

Kondô Shiun (1912-1945) « Mai Hime » (Danseuse) – Non daté
Soie texturée tissée en jaune et noir

Sur ces images, les kimonos teints en indigo avec motifs en Kasuri (ikat) relevés de teintes de rouges gardaient la faveur des femmes élégantes

Shiizuka Shôka (actif 1907-1922) « Mushi no ne » (Chant des grillons) – 1914
Soie Chirimen teinte en indigo avec motifs en Kasuri

J’avais prévu un modèle au tracé net dont le centre forme un semblant de croix étoilée mais au fur et à mesure de la couture de chaque bloc, mon idée première pris un chemin de traverse !

En fait, je me suis mise à jouer avec le sens des rayures et avec les soies structurées qui m’imposèrent un montage différent mais le dessin central en semblant de croix du modèle reste visible avec une bonne attention !

Disposition aléatoire des petits carrés au centre des blocs

Je privilégiai des soies unies ou tissées ton sur ton, imprimées de petits motifs dans des couleurs douces bien que souvent assez sombres, relevées quand même par des jaunes, des rouges et des orangés aux teintes vibrantes

Des teintes rouges, orangées et rosées

Les petits carrés des centres de chaque bloc aux teintes contrastantes rappellent les couleurs des accessoires des kimonos comme les cols ou les obi (ceinture)

Petits carrés des centres des blocs de 3 cm de côté

Les blocs sont reliés entre eux par des carrés taillés dans une même soie écrue aux dessins grisés pour symboliser la douceur très séduisante des carnations sur les Bijin ga

Carrés gris clair de liaison de 4 cm de côté

Le quilt est simplement terminé par une mince bordure de soie violette provenant d’une doublure de kimono

Fine bordure en soie violette de finition

Le quilting en fils de soie fut différent selon la couleur de chaque blog, il forme de grands carrés concentriques sur tout l’ouvrage

La doublure est une cotonnade imprimée à la manière des batiks indiens, petit clin d’œil aux luxueux Juban (kimonos de dessous) souvent confectionnés dans des Sarasa, tissus de prestige imprimés à la planche et importés à grands frais des Indes

Doublure en coton imprimée de motifs indiens (ou indonésiens) datant de quelques trois décennies !
Boutique de vente de tissus pour confectionner les kimonos dans les années 1915-1920
Collection personnelle

Les soies anciennes de différentes épaisseurs, issues d’une vie antérieure et chargées de l’usure inhérente à leur usage premier, donnent, malgré le soin employé à leur couture, des ouvrages aux dimensions quelque peu mouvantes …

Acceptant de bonne grâce cette contrainte, je continuerai donc à les recycler dans mes prochains quilts !

Toujours des rayures !
Collection personnelle

16 réflexions sur « Taishô no Inshô- Impressions de l’ère Taishô »

  1. Toujours un grand moment de bonheur à voir votre nouveau quilt ainsi qu’à lire les explications. Je ne m’en lasse jamais car j’apprends tellement sur cette culture qui est pour moi une grande inconnue mais si riche et fascinante . Merci.

    • Merci Catherine, en effet comme je m’inspire de tout ce qui m’entoure, j’aime bien expliquer ma démarche créative et mettre mes ouvrages « en situation » !
      Je suis ravie de constater par le biais de votre remarque que l’intérêt pour mes articles ne se dément pas !

  2. Un grand merci pour cet article extrêmement intéressant et bravo pour votre beau quilt. La culture japonaise et leurs traditions sont magnifiques !

  3. Merci pour vos articles qui sont toujours très instructifs et passionnants. Vos quilts sont magnifiques et uniques. J’adore le choix des tissus, l’harmonie de l’ensemble.
    Je suis admirative de votre travail, félicitations. Bonne soirée.

  4. Quelle merveille encore que ce dernier quilt! Vous êtes si innovante à chaque nouvel ouvrage et lire les explications de votre démarche créative est passionnant; je ne m’en lasse pas et y reviens souvent . Cela permet de découvrir aussi certains éléments de la civilisation japonaise et en particulier son raffinement extreme .
    Je suis vraiment impressionnée par votre capacité à obtenir un résultat superbe même dans certains cas où les tissus au départ paraissent très difficiles à assortir et je me dis parfois que là, ce n’est pas possible, que ça ne me parait pas être vraiment des motifs à votre goût, que l’on ne peut pas obtenir quelque chose d’harmonieux… et au final vous y parvenez toujours!! Finalement, comme souvent d’ailleurs pour les grands créateurs, je crois que les contraintes vous stimulent et je pense, que ce sont peut être ces quilts, qui paraissaient plus ingrats du fait des tissus dont vous disposiez, qui vous donnent les plus grandes satisfactions !
    Merci encore de l’énorme travail que représente, sans aucun doute, le fait de rédiger,photographier,mettre en ligne, l’avancée de vos ouvrages et les précisions sur leur construction; c’est un beau cadeau pour celles ( peur être aussi ceux..) qui vous suivent sur internet .

    • Merci Maredo ! Je suis touchée de constater que vous comprenez bien ma démarche créative élaborée au fil du temps avec une certaine obstination dénuée de forfanterie !
      J’essaie de transcrire à travers mes quilts les sentiments et les impressions que m’inspire cette culture m’accompagnant dans ma vie quotidienne depuis si longtemps …
      Néanmoins ces ouvrages textiles peuvent servir aussi de jolies couvertures pour la famille et après tout cela me satisfait pleinement !

  5. Ce quilt est finalement très « moderne » par ses coloris gais sans être agressifs et le composition du bloc !
    Et je suis tout à fait d’accord avec vous, le détail d’une finition, fût elle au dos et donc invisible, a une importance qui n’est pas à négliger ! C’est le point final d’un ouvrage, qu’il s’agisse de quilt ou de vêtement qui donne la satisfaction du travail bien fait ! Cela amusait mes copines de patch quand par ex. je fignolais une pochette en patch par un passepoil ( j’adore le passepoil et je n’hésite pas à le faire moi-même avec queue de rat et biais !).

    • Merci Marie-Anne, de comprendre aussi bien ma démarche puisque vous y souscrivez aussi !
      Mes quilts me sont bien personnels comme vous l’avez compris, les couleurs me sont dictées par les tissus à ma disposition et ce sont de plus en plus souvent des tissus de récupération !
      Ce qui n’empêche pas, dans la mesure de mes moyens, de finaliser au mieux mes ouvrages !

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