Kamakura – I – Kôtoku-in et son Daibutsu

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Voyage de printemps à Kamakura

La ville de Kamakura reste la visite emblématique lors d’un voyage au Japon surtout pour y voir son si renommé Daibutsu, son grand Bouddha

Amida Butsu nous accueille du haut de ses 13,40 mètres !

A l’heure des selfies en tous genres, la monumentale effigie s’y prête avec une sérénité imperturbable !

Le printemps au Japon c’est celui des cerisiers !

Les nombreux touristes ne consacrent en général qu’un minimum de temps pour prendre leurs photos, un petit tour et puis s’en vont ! ce fut donc pour nous une affaire de patience pour arriver à contempler le Daibutsu dans un splendide isolement

Pour réussir son selfie on n’hésite pas à grimper, grimper à l’assaut de la statue !

La représentation d’Amida Nyorai (le Bouddha compatissant) fut en faveur pendant l’ère Kamakura (1185-1333), époque de conflits pour la suprématie du pouvoir entre la lignée impériale de Kyôto et les clans guerriers installés dans la petite ville de Kamakura

Un autel garni de fleurs et de fruits, une boîte pour les offrandes en menue monnaie et un brasero pour planter les bâtonnets d’encens devant le Daibutsu

Ces guerres incessantes provoquèrent des désastres économiques avec leurs cortèges de famines récurrentes plongeant la majorité de la population dans un grand dénuement

La figure très sobre d’Amida en méditation est exempte des ornements habituels liés à sa représentation

La secte Jôdo Shinshû (Véritable école de la Terre Pure) fondée par le moine Shinran affermi le culte d’Amida, doctrine éloignée des pratiques ésotériques antérieures du clergé bouddhiste et plutôt réservées à la classe nobiliaire

Cette dévotion piétiste se répandit dans les couches populaires puis parmi les guerriers de rang inférieur

Il suffisait simplement pour tout un chacun de réciter le Nembutsu, mantra ou répétition du nom divin pour gagner le paradis salvateur

La statue et ses 121 tonnes de bronze

Amida Butsu est représenté assis, la tête inclinée vers les implorants, dans une pose et une gestuelle personnifiant l’intelligence parfaite et la miséricorde

Le style plein de réalisme dynamique de cette figure du Bouddha est très représentative par sa belle facture de la sculpture amidiste de l’ère de Kamakura

La tête du Daibutsu mesure 2, 35 m de haut, il est coiffé de 656 bouclettes de cheveux dont chacune s’enroule sur 24 cm de diamètre !

Inspiré par l’art plein de vigueur de Unkei, grand sculpteur de l’époque, la figure du Daibutsu bien que représenté en méditation ne manque pas de force intérieure

Statue édifiée en dix-huit sections superposées coulées en bronze, le métal proviendrait en grande partie de monnaies chinoises issues du commerce florissant avec l’Empire du Milieu et offertes par les fidèles sans la participation des autorités en place

Faute d’argent suffisant, la statue primitive ne reçut pas de socle !

1,90 m pour la longueur des oreilles quand les yeux s’étirent sur 1 m de large

Selon les légendes, la taille du Bouddha historique aurait mesuré 1 Jôroku, approximativement 4,85 m !

Ses représentations répondant à des codes bien établis doivent se conformer à réduire la taille estimée à la moitié ou à la multiplier par cinq ou par dix

Le Daibutsu mesure donc 11,30 m (13,40 m avec le piédestal) ce qui respecte à peu près les dimensions préconisées !

Statue en sections de bronze coulées dont les joints très soigneusement réalisés renseignent toujours sur les techniques du XIIIe siècle

Si la taille du buste est diminuée d’un quart par rapport aux proportions attendues, la tête est beaucoup plus grande, perspective obligée afin de permettre aux suppliants debout au pied de la statue d’apercevoir d’en bas le regard bienveillant du Bouddha

Parmi les 32 caractéristiques du Bouddha figurent les doigts palmés, ici les pouces mesurent 85 cm de circonférence …

La figure du Bouddha doit beaucoup aux représentations antiques inspirées par les traits des princes indiens à le fine moustache et aux cheveux ramenés en chignon au-dessus de la tête

Chignon devenu au fil du temps une excroissance en forme de dôme prouvant la sainteté de l’Élu !

… l’excroissance au-dessus de la tête, les lourdes paupières sur des yeux baissés, les sourcils en forme de demi lune, la touffe de poils entre les yeux devenue un vecteur d’où jaillit la lumière de la connaissance, les lobes allongées des oreilles. entre autres…

L’histoire de l’édification de cette statue s’est perdue, certaines chroniques relatent qu’une effigie en bois, commandée par une dame de la cour du Shôgun Minamoto no Yoritomo quelques décennies auparavant, la devança … Incertitude historique !

Le Bouddha Amida dans son splendide isolement

Cette statue fut édifiée en 1252 pour être la divinité principale de Kôtoku-in (Temple de la Grande Vertu), mais le bâtiment qui l’abritait subit les dommages dus à plusieurs typhons puis finalement entièrement détruit en 1498 au cours d’un violent tremblement de terre suivi d’un Tsunami

Chronique du désastre, par oui-dire ! Le voyageur/illustrateur n’est sûrement jamais venu à
Kamakura à cette époque !
La chronique narre l’histoire de soldats réfugiés dans le temple et qui périrent pendant ces dramatiques évènements

Le temple ne fut jamais reconstruit, et depuis plus de 700 ans Amida Butsu reste donc seul face aux intempéries dans un splendide isolement

Deux fenêtres ont été percées dans le dos de la statue et permettent de respirer quand on monte à l’intérieur ! J’ai fait l’ascension autrefois sans plus recommencer tant l’atmosphère y est étouffante !

Restauré durant l’époque Edo (1603-1868) le grand tremblement de terre du Kantô de 1923 endommagea de nouveau le piédestal et accentua dangereusement le fléchissement de la tête

Jôkôro – Brasero en bronze pour brûler les bâtonnets d’encens

La restauration du socle en 1925, fut suivi par celle de la tête dans les années 1960-1961, les interventions n’ayant pas fait injure à cette admirable représentation bouddhique

Détail du brasero – Un des Bosatsu

De nombreux Bosatsu (Bodhisattva) bouddhas n’ayant pas atteint l’Éveil, accompagnent Amida Butsu lors de sa descente sur terre afin d’emmener les humains dans son Paradis

Détail du brasero – Un autre Bosatsu

Les seuls bâtiments visibles au Kôtoku-in furent importés au XVIIIe siècle en provenance d’autres lieux comme la porte d’entrée Niômon…

La porte d’entrée du temple

…flanquée de ses deux Ni-ô zô, gardiens chargés de la garder de chaque côté, statufiées dans des attitudes menaçantes ils sont chargés de repousser les esprits malfaisants

Un des deux Niô-zô un tantinet trop restauré et sans vraiment de nuances !

Le pavillon Kangetsu-dô datant du XVe siècle est une œuvre architecturale de Corée construite autrefois dans l’enceinte du palais royal de Séoul

Kôtoku-in – Le pavillon Kangetsu dô

Le bâtiment fut auparavant installé à Tôkyô dans le jardin d’un riche entrepreneur !

L’entretoise de la balustrade et les grandes fenêtres sont typiques du style décoratif coréen
Les solives d’encorbellement soutenant le toit restent assez rustiques

Il fut ensuite offert au Kôtoku-in au milieu du XXe siècle et transplanté dans le jardin

De beaux arbres naturalisent l’espace derrière le Daibutsu dont le sol se révèle assez sec et caillouteux

Lames de pierres et pierres naturelles – Beau pavage traversant un espace assez aride

Comme toujours dans les jardins, je suis saisie d’une attraction particulière pour les lanternes !

Ishi dôrô (lanterne) de style classique en pierre …

Elles sont d’une étonnante diversité…

… en pierre … classique encore … tout en la grandissant !

… en pierre ou en bronze …

… en pierre.toujours … de style coréen …

Placées à l’origine aux abords des temples et des sanctuaires en tant que source de lumière …

Kasuga dôrô – Lanterne en bronze de style Kasuga (célèbre sanctuaire de Nara aux milliers de lanternes)

… elles sont chargées dans les jardins de guider le cheminement des visiteurs

Le chapeau est surmonté d’un bouton de lotus
Sous son chapeau, le foyer de la lanterne est en bronze ouvragé

Un petit O-Jizô sama, le Bosatsu de la compassion, arborant un bavoir enfantin se découvre dans un coin isolé

O-Jizô sama en pierre

Les parents endeuillés sollicitent son intercession en faveur des enfants disparus, revêtent ses effigies de bavoirs ou de bonnets d’enfant pour qu’il assure leur protection sur le chemin abrupt du passage vers l’autre monde en espérant que son entremise évitera aux enfants les pièges de la traversée infernale

O-Jizô sama isolé sur son rocher

Depuis soixante ans, les écoliers de la préfecture d’Ibaragi ont l’habitude d’offrir au Daibutsu une paire de Zôri (sandales de paille) afin que symboliquement, celui-ci en voyageant apporte de l’espoir dans tout le Japon

Vœu formulé juste après la guerre et renouvelé, depuis, tous les trois ans

Warazôri – 1,80 m de haut pour 45 kg !
Grandeur supposée des pieds du Bouddha !

Une autre version, plutôt malicieuse, encourage le Daibutsu à marcher, lui qui reste assis depuis si longtemps !

Un dernier regard pour le Daibutsu …

Provenant de notre Shuin chô (carnet de visite dans les temples et sanctuaires) souvenir de notre rencontre avec le Daibutsu !

Le nom de Kôtoku-in calligraphié avec les sceaux adéquats

La visite à Kamakura se poursuivra dans un prochain article …

2 réflexions sur « Kamakura – I – Kôtoku-in et son Daibutsu »

  1. Pour les bodistava n’est ce pas plutôt ceux qui n’ont pas atteint le nirvana plutôt que l’éveil ? Ou différencie-tu l’illumination de l’éveil ?

    • Illumination et Éveil c’est à peu près la même chose…L’ultime but c’est le Nirvana, l’extinction de l’individualité
      Des notions différentes existent selon les écoles bouddhistes mais toutes ces notions sont d’un compliqué ! Et en plus cela dépend des traductions des textes !

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