Sèvres – Cité de la céramique
Jusqu’au XVIIe siècle, les céramiques produites au Japon étaient des grès sobres, aux couvertes monochromes sans décor, destinées plus spécifiquement à la Cérémonie du thé
Les seules porcelaines en usage étaient importées de Chine, pays qui en maîtrisait depuis des siècles les techniques de fabrication, les pièces les plus appréciées venant des fours impériaux de Jingdeshen, en Chine méridionale
Comme le goût des élites japonaises se démarquait nettement du beau décoratif des Chinois, des modèles spécifiques furent commandés au voisin continental afin de satisfaire l’éclectisme des acheteurs préférant surtout les porcelaines à couverte céladon et unie blanc-bleuté

Mukôzuke – Raviers à condiments – Porcelaine à décor bleu et blanc
Pièces destinées à l’exportation au Japon, provenant des fours populaires de Jingdeshen en Chine
Peu à peu, succédant à l’engouement pour les porcelaines unies, les Sometsuke « bleu et blanc » importées de Chine devinrent très appréciées des Japonais
Mais ces porcelaines d’importation cédèrent bientôt la place à celles fabriquées dans les fours japonais qui, bien qu’inspirées par les motifs chinois, furent réinterprétés dans des formes et des décors adaptés au goût spécifiques du pays

Bouteille à saké – Décor Sometsuke, bleu de cobalt et blanc, sous couverte – Four d’Arita – XVIIe siècle
Ce type de porcelaine fut massivement exportée vers une Europe friande d’exotisme !
Au tout début du XVIIe siècle, des gisements de kaolin découverts au Sud du Japon permirent très rapidement une production de porcelaines dans l’ancienne région d’Hizen (située au Nord-Ouest de l’île de Kyûshû)
Cette province devint le principal fournisseur de porcelaines au Japon, ces céramiques regroupées dans le port d’Imari furent exportées à partir des années 1660 vers les régions intérieures et ensuite vers les pays asiatiques et la Hollande
Ces porcelaines d’Hizen prirent très tôt le nom de « porcelaines d’Imari » d’après le nom du port exportateur et sont toujours connues sous cette dénomination en Europe

Bol avec couvercle – Motifs de rubans d’abalone porte-bonheur
Porcelaine dure à décor d’émaux sur couverte – Four d’Arita – 1670-1690
Arrière du bol – La présentation des céramiques sur les étagères du musée étaient souvent curieusement orientée !
La création des premiers émaux colorés sur couverte firent leur apparition au milieu du XVIIe siècle
La couleur rouge-orangé se combine avec des verts clairs, des jaunes et des bleus appliqués sur une couverte d’un blanc laiteux mettant en valeur les motifs floraux ou paysagés
Les compositions audacieuses des décors sont souvent asymétriques de manière à laisser de grands espaces vides afin de mettre en valeur le beau fond blanc
Au fil des décennies, le choix des décors puisa dans toutes les figures propres à l’art japonais, les thèmes les plus nombreux représentent des motifs de bon augure, des sujets légendaires et surtout des plantes symboliques des saisons

Assiette décorée d’un Shishi, lion-chien fabuleux issu de la mythologie bouddhiste –
Porcelaine à décor d’émaux sur couverte – Four d’Arita – Début du XIXe siècle
Au milieu du XVIIe siècle, les troubles politiques en Chine mirent un frein aux abondantes exportations de porcelaines vers l’Europe
Le Japon dont les frontières étaient strictement fermées aux intrusions étrangères autorisa la seule VOC, la Compagnie hollandaise des Indes orientales, à commercer et à exporter les porcelaines manufacturées dans les fours d’Arita vers l’Occident

Gourde – Porcelaine à décor d’émaux sur couverte – Four d’Arita – XIXe siècle
Les céramiques en forme de gourde sont très nombreuses dans l’art japonais, allusion à un magicien taoïste qui y conservait l’élixir de longue vie
Collectionnées avec ferveur, ces porcelaines bleu et blanc et les splendides aux décors polychromes soulignés abondamment de lignes d’or comblèrent le besoin d’exotisme des élites européennes, les « cabinets de porcelaine » orneront dorénavant toutes les demeures princières

Kôro – Brûle-parfum au décor de dragon
Porcelaine à décor d’émaux sur couverte – Four d’Arita – Fin du XIXe siècle
Les Européens apprécient les « Imari de brocart » porcelaines richement décorées en émail rouge rehaussés de motifs dorés, ils affectionnent surtout les statuettes en formes d’animaux ou de charmants personnages

Jeune femme en kimono – Imari kirande – Porcelaine dure à décor sur couverte – Four d’Arita – XVIIIe siècle
Les négociants européens passèrent même des commandes spécifiques de grandes pièces de porcelaine dont les sujets, les motifs et les couleurs correspondaient mieux à l’attente de leurs clients fortunés

Brûle-parfum en forme de tambour soutenu par un trio d’enfants chinois
Faïence à décor d’émaux sur couverte – Four d’Arita – XIXe siècle
Ces faïences porcelainières spectaculaires fabriquées pour l’exportation dans les fours d’Arita …
…furent peu du goût des Japonais qui leur préférèrent des pièces plus sobres aux décors simplifiés et aux motifs davantage en accord avec la nouvelle esthétique de la Cérémonie du thé mettant l’accent sur l’élégance des couleurs et sur la netteté des formes
Au XVIIIe siècle, des gisements de kaolin découverts dans d’autres provinces du Japon amenèrent l’ouverture de nombreuses fabriques au profit d’une plus grande diversité de céramiques
Les potiers de Kyôto furent les premiers à réaliser des décors exécutés à l’aide d’applications épaisses d’émaux sur des grès, à obtenir des effets de reliefs légers, et une vivacité des couleurs sous une couverte monochrome

Statuette – Image de Sanbasô, figure dansante du théâtre traditionnel
Grès à décor d’émaux sur couverte – Kyôto – XVIIIe siècle
Les exportations croissantes liées aux succès des Expositions universelles de la fin du XIXe siècle incitèrent le Japon à participer et à envoyer en Occident une abondante et remarquée production de porcelaines remportant de nombreuses médailles

Détail d’un plat décoré d’une scène empruntée au » Dit de Genji », célèbre roman dont les protagonistes, ici de nobles dames du Palais, ont inspiré nombre d’artistes
Faïence fine à décors d’émaux sur couverte – 1800-1850
La fabrication céramique traditionnelle s’enrichit à cette époque des dernières avancées techniques que vinrent enseigner au Japon des chimistes européens
De ce fait les potiers japonais furent de plus en plus incités à poursuivre les prouesses techniques, à produire en masse et à composer, grâce à ces nouvelles méthodes, des décors surchargés où l’or à profusion éclipsait l’harmonie recherchée

Plat décoré d’une scène de Hanami, pique-nique sous les cerisiers en fleurs
Faïence à décor d’émaux sur couverte – Fin du XIXe siècle
L’exubérance des décors et l’approche picturale des émaux dans un style traditionnel soulevèrent un enthousiasme considérable auprès des Occidentaux… la mode du Japonisme était née !
Le musée de Sèvres expose les céramiques japonaises en alternance…aussi mes articles ne peuvent prétendre à être exhaustifs, ils sont juste une approche de cet art fascinant exposé en un moment donné
Encore un bel article,merci Marie Claude.
Je suis ravie de ton intérêt pour mes articles !