Expo « Le Japon au fil des saisons » – V – Le courant Nihonga

Paris – Musée Cernuschi

Au début de l’ère Meiji (1868 – 1912) au moment où le pays, désireux de se moderniser, s’ouvrait sur le monde extérieur, le courant Nihonga « peinture japonaise » fut une réaction de sauvegarde contre l’hégémonie grandissante des peintures du style occidental

En cette fin du XIXe siècle, deux grandes écoles de peinture furent créées à Tôkyô et Kyôto afin d’enseigner la pratique des styles traditionnels, les divers courants picturaux de l’époque Edo fusionnant dans cette nouvelle peinture japonaise

Le Nihonga, mouvement néo-conservateur harmonisa les supports habituels, papier et soie, les pigments organiques et les thèmes nationalistes aux influences contemporaines et aux styles de la peinture occidentale

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Mochizuki Gyokusen – Détail
La lune en hiver

Mochizuki Gyokusen (1834 – 1913) issu d’une famille de peintres, professeur à la nouvelle école d’art de Kyôto, réalisa des décors de style traditionnel pour les appartements du palais impérial reconstruit au milieu du XIXe siècle

Les phases de la lune se succèdent sur ce quadriptyque; si la lune de printemps émerge à peine d’un ciel brumeux, celle d’été est plus apparente, la ronde lune d’automne est aussi splendide que l’astre célébré en poésie et l’hiver voile l’éclat du globe de sombres nuages

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Mochizuki Gyokusen (1834 – 1913) La lune au fil des saisons
Kakemono, encre et couleurs légères, or et argent sur soie – 186 x 43,5 cm – 1911
Les peintures se lisant de droite à gauche , l’hiver se trouve donc à l’extrême gauche !

Les pièces de soie servant au montage des œuvres peintes ont pour fonction de les mettre en valeur, mais les artistes de Nihonga innovent à cette époque et souvent accompagnent chaque panneau de motifs traditionnels apparentés aux saisons peints discrètement sur les encadrements de leurs peintures

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Mochizuki Gyokusen – La lune au printemps – Détail
L’encadrement en soie en haut et bas de la peinture est peint de fleurs de cerisier et de  branches de saule pour évoquer la saison du printemps

Sur la peinture de Kôno Bairei (1844 – 1895) peintre, calligraphe et professeur dans la nouvelle école d’art de Tôkyô, les oies sauvages illustrant le thème de l’automne sont réalisées à l’encre monochrome avec quelques discrètes touches de lavis rose sur les becs et plumes des oiseaux

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Kôno Bairei (1844 – 1895) Oies sauvages sous la lune d’automne – Détail
Kakemono, encre et couleurs légères sur papier – 137,7 x 64,8 cm – 1893

Le thème des cinq oies sauvages est un sujet classique de la peinture chinoise, symbolisant cinq frères empressés de défendre l’empereur dans une histoire moralisante confucéenne, le motif fut remis à la mode et illustré maintes fois par les peintres de l’époque Edo

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Kôno Bairei – Oies sauvages sous la lune d’automne – Détail
Les nuances de l’encre rendent les plumes avec un grand raffinement

Watanabe Seitei (1851 – 1918) artiste prolifique débuta sa carrière par la conception de décors pour des objets destinés à l’exportation, puis séjournant deux années en France et son art plaisant beaucoup aux Occidentaux, il remporta plusieurs médailles lors d’expositions internationales

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Watanabe Seitei (1851 – 1918) Prêles et libellules
Kakemono, couleurs sur soie – 110,6 x 40,4 cm

Peintre fort réputé, il réalisa des albums de Kachôga « peintures de fleurs et d’oiseaux », doué pour l’observation, ses compositions jouent souvent avec la dissymétrie dans une opposition du plein et du vide

Bousculant la tradition, deux insectes remplacent les oiseaux qui volètent auprès de prêles d’hiver en lieu et place de fleurs ! La dynamique verticale des tiges, coupées par des obliques témoignent de son sens de la composition

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Watanabe Seitei – Prêles et libellules – Détail

Nombre de ses œuvres jouent sur le contraste des nuances du lavis d’encre du gris très clair au noir profond, souvenir de son apprentissage de la calligraphie, avec des touches subtilement colorées pour mettre en valeur les motifs principaux de son sujet

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Watanabe Seitei – Moineaux dans un bosquet de bambous – Détail
Kakemono, encre et couleurs sur soie – 129,4 x 50,5 cm

Les œuvres de Suzuki Shônen (1849 – 1918) peintre important du courant Nihonga sont souvent amples et impressionnantes de vigueur, elles visent néanmoins à l’effet décoratif quand les couleurs associées au lavis d’encre donnent à ses peintures une originalité saisissante

Sous une faible clarté de poussière d’or, les nuages en lavis de bleu, de jaune et de gris nuancés tournoyant autour d’une pleine lune procurent l’illusion d’un spectacle sans cesse renouvelé

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Suzuki Shônen (1849 – 1918) Lune dans les nuages
Kakemono, encre, couleurs et or sur soie – 112,5 x 67,6 cm

La peinture, montée en Kakemono, s’orne de bandes peintes de fleurs d’automne par l’artiste, comme souvent dans le courant Nihonga, le peintre s’attache à prolonger son sujet par une illustration supplémentaire à la saison choisie

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Suzuki Shônen – Lune dans les nuages
La peinture est encadrée somptueusement par un brocart de soie évoquant l’automne
Au verso, le cachet du monteur de peintures, célèbre artisan de l’époque !

Je serais ravie si cette série d’articles, témoins d’une exposition magnifique, peut faire apprécier un art souvent fort méconnu en Occident

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