Voyage au printemps dans la préfecture de Fukushima
Japon – Printemps 2014
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Pendant notre séjour dans la ville de Fukushima, nous avons été conviés à une cérémonie du thé donnée de façon informelle dans une Chashitsu, la chambre de thé, installée dans un immeuble du centre ville

La chambre de thé au décor minimaliste, avec une peinture suspendue dans le Tokonoma et un discret arrangement floral
Une cérémonie du thé sans apprêts, telle que nombre de Japonais la pratiquent de façon hebdomadaire dans des centres culturels qui mettent l’accent sur les arts pratiqués dans la vie quotidienne comme un moyen d’élever la pensée humaine

Le maître de thé officie devant ses invités
La poudre de thé vert est battue directement dans le bol de dégustation, avec un petit fouet en bambou afin de développer son arôme
Dans ces moments échappés à une vie quotidienne stressante, délassement propice à la sérénité et à la réflexion, l’esthétique des gestes est toujours présente même si plusieurs manières de procéder, suivant les écoles, renouvelle sans cesse ce rite culturel si ancré dans la civilisation japonaise

Petit gâteau de saison aux couleurs du printemps
Pâtisserie à déguster juste avant de boire le thé matcha au goût légèrement amer
Après avoir bu le thé vert mousseux matcha préparé par le maître de thé, nous avons échangé, comme il est d’usage, quelques propos sur les bols magnifiques que l’on nous avait réservés, sur leur origine et leur beauté intemporelle

Réplique de deux bols dus à Nonomura Ninsei, grand potier du XVIIe siècle conservés au musée d’Atami
Le plus grand est décoré de feuilles d’argent, le second de feuilles d’or
La chambre de thé, à la décoration sobre expose dans le Tokonoma, l’alcôve réservée, un Kakemono, peinture ou dessin monté sur toile et suspendu, évoquant généralement la saison ou l’état d’esprit du maître des lieux

Daikokuten – Un des sept dieux du bonheur de tradition chinoise
Sumi-e – Dessin incisif du dieu qui porte de façon enlevée sur l’épaule le grand sac contenant bonheur et prospérité
Le Tokonoma reçoit toujours un Ikebana illustrant la saison en cours, une fleur de camélia s’épanouissait sur le col d’un vase très sobre en grès dont la teinte brune mettait en valeur le rose vif de la fleur contrastant plaisamment avec le vert luisant des feuilles
Ce centre culturel promeut aussi l’Ikebana comme un moyen privilégié d’accéder à la beauté de la nature et pour favoriser une harmonie considérée comme indispensable dans la vie quotidienne

La composition verticale s’élançant d’un vase trapu exprime la vitalité du printemps enfin de retour
Cette école Sangetsu d’art floral expose nombre d’arrangements chargés de décorer les locaux du centre culturel qui humanisent quelque peu une architecture moderne fort conventionnelle

Cet Ikebana est conçu pour être contemplé de face mais le
jeu sur la couleur verte était irrésistible vu ainsi !
Au Japon et partout en Europe, plusieurs écoles se partagent l’enseignement de l’Ikebana, et même si j’apprécie leurs expositions généralement dans des lieux prestigieux, je regrette pourtant cette tendance à l’exploit qui transforment nombre d’arrangements floraux en pièces extravagantes

Halte dans une montée d’escaliers
Le contraste avec le pesant vase noir accentue la légèreté des délicates fleurs roses
La philosophie des maîtres de l’école Sangetsu « Retrait de la lune dans la montagne », école que la mère de mon époux a de nombreuses années représentée, observe les règles de composition en vigueur dans cet art mais privilégie surtout le respect des fleurs dans des compositions qui doivent plus au naturel qu’à la sophistication attendue des expositions

Un simple vase rond adoucit le port altier des tulipes
Les arrangements de fleurs devant les fenêtres, ne sont pas tout à fait à leur avantage mais ils sont disposés là intentionnellement afin de détourner quelque peu le regard des constructions voisines ne présentant aucun charme
L’Ikebana comme beauté plastique éphémère est encore très pratiqué au Japon, les arrangements floraux se rencontrent absolument partout dans les lieux publics, gares, métro, magasins et jusque dans les postes de police !
Le prochain article exposera des kimonos toujours dans la ville de Fukushima
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Japon – Printemps 2014 :
I – Un Ryokan-Onsen au pied des montagnes
II – Cha no Yu et Ikebana dans la ville de Fukushima
III – Exposition de kimonos dans la ville de Fukushima
IV – Bribes de vie quotidienne dans la préfecture de Fukushima – I –
V – Bribes de vie quotidienne dans la préfecture de Fukushima -II –
VI – Bribes de vie quotidienne dans la préfecture de Fukushima – III –
Comme j’aime cette incursion dans un rituel si bien expliqué et senti. Les bols me donneraient presque des démangeaisons d’adaptation quiltique -si c’était permis, toutefois !- Merci en tout cas une fois de plus pour le « reportage »
Ah ! Jacqueline, ces usages anciens toujours en vigueur de nos jours font tout le charme du Japon ! Surtout quand cela fait partie intégrante de la vie quotidienne, tout au moins dans ma famille qui n’est pourtant pas aveuglement traditionnelle
Les motifs de la vaisselle me titillent constamment aussi ! J’ai acheté des bols pour déguster le soba, leurs dessins, répliques de ceux du XVIe siècle font partie du répertoire des quilteuses d’aujourd’hui ! Il faut que je pense à les photographier un jour…
Bonjour Marie-Claude,
Je trouve intéressant cette approche de l’ikebana, nouvelle pour moi, qui n’y avait jamais vu qu’une recherche de l’esthétique parfaite, dans un environnement parfait. Je n’y connais pas grand chose non plus. Merci donc pour cette ouverture.
Amitiés.
Oui Catherine, l’Ikebana n’est pas réservé qu’aux expositions, c’est une activité toujours très populaire pratiqué aussi par les hommes; dans ma famille japonaise on accompagne ainsi les saisons