Comme chaque année, le 3 mars, nous célébrons la fête des filles
La fête des toutes petites filles, Hina signifiant poussin et par extension petit enfant innocent jusqu’à 3 ans, mais aujourd’hui chaque famille ayant le bonheur d’avoir des filles célèbre ce festival dans tout le Japon bien sûr mais aussi en France de façon toutefois un peu plus modeste

Hina Ningyô (ou Hina Sama) nos poupées pour la fête des filles
Au Japon, le 3 mars, il est de coutume d’exposer sur une estrade pyramidale tendue de tissu rouge, des poupées représentant de façon symbolique les personnages de la Cour impériale, poupées dont le nombre, en général une quinzaine, varie selon le milieu social et la fortune de la famille

Petites poupées de 6 cm de haut confectionnées par ma belle-mère avec des chutes de soie
Actuellement, ce déploiement fastueux se fait surtout dans les grands magasins ou autres lieux d’activité commerciale, les familles logées dans des appartements plus que modestes se contentent généralement de deux poupées ou même de modestes succédanés, les variantes modernes de cette tradition étant infinies

Panneau moderne teint en plusieurs nuances d’indigo et imprimé au pochoir du couple impérial stylisé à la mode actuelle, acheté dans une boutique de tissus traditionnels
Cette coutume d’exposer des poupées est assez récente mais renvoie naturellement aux rituels ancestraux des cultures traditionnelles
A la cour de Heian, au Xe siècle, les pratiques superstitieuses étaient infinies, ainsi il était d’usage de se frotter le corps avec du papier Washi blanc réputé pur afin d’y transférer maladies et malheurs, d’en chasser les mauvais esprits, avant de le jeter dans le courant des rivières chargé d’emporter les malédictions
Puis le papier prit forme humaine avec des représentations frustes de poupées de papier les Hitogata (forme humaine) que l’on jetait au fil de l’eau ou que l’on brûlait

Ane sama Ningyô anciennement poupées « magiques » servant de substitut maintenant uniquement décoratives réalisées en papier Washi
D’autres poupées de papier étaient chargées à la façon d’amulette de veiller sur la vie du petit enfant en servant de substitution aux sorts et autres maléfices
Puis au fil des temps, les poupées associées aux jeux des petites filles les Hihina Asobi (poupées pour jouer) finirent par supplanter les poupées transfert, les traditions se mélangeant selon un processus connu dans toutes les sociétés anciennes

Le couple impérial en tissus appliqués, réalisé par ma belle-mère
Au début de l’époque Edo, au XVIIe siècle les milieux aristocratiques proches de la cour impériale de Kyoto commencèrent, en hommage aux princesses de la cour, à exposer des poupées vêtues de façon somptueuse selon la mode de l’époque Heian et réalisées par les meilleurs artisans, véritables œuvres d’art en miniature
Le centre du pouvoir se déplaçant à Edo, ancien nom de Tokyo, les nouveaux courtisans entourant le Shogun, empruntèrent cette exhibition pour affirmer des manières nouvelles mais que l’on souhaitait aussi élégantes que dans l’ancienne capitale

Détail des brocards aux motifs traditionnels utilisés
La coutume fut adopté par les riches marchands comme symbole de raffinement avec un tel luxe qu’un édit somptuaire limita rigoureusement la taille des poupées et l’utilisation de matières précieuses trop ostensiblement fastueuses
Avec la réforme de l’époque Meiji, la tradition se répandit dans tout le peuple au début du XXe siècle et devint la fête très appréciée de toutes les petites fille, princesses d’un jour !

Une autre réalisation de ma belle-mère, le rose est la couleur préférée des Japonaises selon un sondage récent
Ces poupées, quand elles ne sont pas transmises de génération en génération comme trésors de familles, atteignent à l’achat des prix extrêmement élevés, les accessoires miniatures anciens les accompagnant sont maintenant de objets de vitrines et sont fort recherchés des collectionneurs

Petits travaux exécutés parfaitement lors des réunions de dames âgées, peut-être un tantinet trop kitsch !
Au Japon, le commerce s’est emparé abondamment de ce festival, et rivalise en propositions de friandises très colorées et de boissons et plats festifs tout préparés

Wagashi – Gâteau de saison venant de chez Toraya, pâte d’igname fourré d’azuki
Chez nous, rien de tout cela évidemment, si les gâteaux de circonstance viennent comme d’habitude d’une pâtisserie japonaise de Paris, c’est mon époux qui se charge de la cuisine traditionnelle !

Manju, petit gâteau à la farine de blé fourré d’azuki rouge – Poupée ancienne Hina ningyô
Mais cette année, pour la première fois, il s’est essayé à la confection de pâtisseries typiquement japonaises et après un long processus de cuisson des haricots rouges et de pâte cuite à la vapeur, il a confectionné de délicieux petits gâteaux qui conclurent de façon gourmande cette journée particulière
Cette fête est bien la fête des petites filles et non pas la fête des poupées comme on peut le lire couramment sur le Net !
Fête des filles! on croit rêver !Je ne crois pas qu’il existe rien de tel en Occident, ou bien est-ce que je me trompe? En tous cas voilà qui va tempérer les préjugés quant à la supposée misogynie du peuple japonais.
Et ces poupées raffinées sont bien agréables à voir.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le couple impérial? Quelle est sa place dans la vie publique? Et dans l’imaginaire des Japonais ? Les représentations que vous en montrez laissent entrevoir un culte quasi religieux.Culte authentique ou simple survivance?
Bon après midi ,et amitiés de Françoise
J’aurais bien de la peine à vous en dire plus, dans ma belle-famille et chez mes amis ayant connu l’immédiat après-guerre, c’est un sujet de conversation ou de réflexion qui ne vient même pas à l’esprit !
L’empire et ses représentants suscitent une indifférence polie, ai-je constaté, chez les Japonais actuels…
Je lis souvent sous la plume d’Occidentaux des idées toutes faites qui font hocher la tête de mes amis de façon dubitative mais que, par courtoisie, ils ne démentent pas !
Quant aux poupées qui représentent l’ancienne Cour impériale, c’est juste une convention maintenant, mais qui sert de prétexte à une surabondance commerciale à laquelle il est difficile d’échapper
Pourtant les artisans qui confectionnent toujours ces poupées ont un savoir-faire et une maîtrise incomparables, ce genre de fête au Japon reste important car il contribue à sauvegarder les traditions
Bonjour,
Me revoici de passage sur ce blog, toujours aussi ravie par le dépaysement qu’il m’apporte. Je pense que je vais faire un kimono à ma poupée ;-).
En revanche je suis toujours aussi frustrée de ne pas pouvoir m’abonner à la newsletter :-(((.
A très bientôt,
Vérobdx
Merci de m’être aussi fidèle…Mes Culpa pour la newletter ou plutôt le flux RSS, mon webmaster favori doit s’en occuper prochainement … Word Press est délicat à utiliser, chaque fois que j’actualise le site, des données enregistrées sautent, grrrr….
Ta belle-mère a des doigts d’or elle aussi ! J’aime beaucoup aussi le panneau indigo, très graphique.
Aujourd’hui, fête internationale des Femmes où on fait des bilans, cela n’a rien à voir avec ces fêtes japonaises si joyeuses et colorées… Il y a aussi la fête des garçons avec les carpes en symbole n’est-ce pas ?
Très heureuse de te lire, encore et toujours !
Ma belle-mère adorait la couture en dilettante, elle confectionnait les kimonos de la famille, les vestes matelassées que l’on met au-dessus des kimonos pendant l’hiver, etc…et ne jetait jamais les chutes de tissu !
Là, elle a utilisé des chutes de brocart récupérées auprès de ses amies pour ses petits travaux artisanaux
Les carpes en tissu qui volent au vent montées sur un mat sont en effet symbole du courage des garçons, car les carpes mettent beaucoup d’énergie à remonter le courant de la rivière dit-on, on expose aussi des poupées mais elles représentent des samourais souvenirs guerriers d’époques fantasmées
Que de splendeurs !
C’est certain je reviendrai, trop de belles choses à découvrir sur ton blog.
Merci de l’appréciation, cela donne du courage pour continuer !