Le château d’Hikone – II –

Voyage d’été à Hikone

En montant à l’intérieur du château, malgré la pénombre, la chaleur était accablante, les planchers de bois étaient si chauds sous les pieds nus ! Eh ! Oui même dans les châteaux, on est prié d’ôter ses chaussures !

Reliant les étages, d’étroits escaliers presque verticaux aux très petites marches rendent la montée extrêmement rude, il vaut mieux les attaquer de profil mais la descente a ménagé bien des fous-rires au sein des visiteurs-grimpeurs intrépides !

Bien tenir les rampes et gare aux bosses à la tête !

L’architecture traditionnelle du Japon repose entièrement sur l’utilisation du bois et la technique de construction des charpentes résulte d’une très ancienne connaissance

La pierre (exception faite pour le soubassement des châteaux) et la brique ne furent utilisées seulement qu’à la fin du XIXe siècle

Les murs intérieurs également enduits de plâtre, les meurtrières laissent passer la lumière éclatante du soleil

Les piliers de soutien du toit ont la plus grande importance, les murs extérieurs comme intérieurs sont pratiquement inexistants, formés d’un léger lattis de bois recouverts d’une épaisse couche de plâtre, ils structurent l’espace entre les piliers par des cloisons mobiles, coulissantes

L’ensemble des salles est extrêmement spartiate, comme il sied à un bâtiment militaire

Le bois n’est pas peint, car laissé à nu il supporte mieux les écarts de température, l’humidité récurrente au Japon fait que les colonnes de large diamètre sont souvent fendues afin de permettre au bois de gonfler sans se déformer

Une salle de gardes avec ses cloisons de bois coulissantes

Grâce à ces techniques éprouvées, et à la légèreté des édifices, lors des tremblements de terre, les bâtiments peuvent suivre les mouvements du sol en se déformant légèrement mais ne s’écroulent pas

Mon fils bien intéressé par la structure de la charpente, normal puisqu’il est lui même charpentier !

Ainsi les assemblages des charpentes fort complexes qui ne comportent ni clous, ni vis, ni colle peuvent jouer librement en glissant les unes sur les autres sans compromettre leur solidité

La complexité de la charpente

Les poutres horizontales assurent la verticalité des piliers et la solidité de la structure est renforcée par des pièces de bois qui les relient et les soutiennent

Les énormes poutres de bois étaient souvent acheminées depuis le nord du Tohoku, de la région d’Aomori là où poussent les Hiba, une sorte de cyprès dont les troncs bien droits se révélaient excellents pour les charpentes

Seulement tenons et mortaises, rien de plus simple !

Les incendies, par contre, ont toujours été catastrophiques pour ces architectures entièrement de bois, mais la précarité des constructions était naturellement intégrée à un mode de vie proche de la nature où rien n’est durable et sujet à une dégradation inéluctable

Cette philosophie de la vie, bien propre au Japon, fait que toutes les constructions sont refaites périodiquement, avec les techniques ancestrales, et à l’identique

Dans le parc, près du donjon des Tachibana, des tangerines

Le Mon des Daimyô du clan Ii représente la fleur de tangerine (une espèce de mandarine) fruit très parfumé venant de Chine, inconnu au Japon à cette époque

Tuile avec le Mon Tachibana et un Sachihoko en terre cuite, vestiges de la construction du donjon

Les petites meurtrières, pratiquées dans les murs, de formes diverses, ici triangulaires, étaient destinées à décharger sur l’assaillant un feu nourri d’arquebuse et de mousquet

Bien étudié ! A chaque arme, son ouverture !

Les solives des toitures sont recouvertes de planchers de bois puis de tuiles en terre cuite qui apportent une touche pratique bien sûr mais surtout de l’élégance

L’empilement des consoles pour soutenir les toits

 

Le Sachihoko au sommet du toit

Élégance de l’étagement des tuiles

C’est de Chine, par l’intermédiaire de la Corée que vint la technique de cuisson des tuiles et l’habitude d’en couvrir les toits, la tradition japonaise privilégie aussi les toits de chaume et les bardeaux d’écorce

Disposition savante et élégante des tuiles

Le Daimyô, contrairement aux habitudes des seigneurs de notre Moyen Age, ne résidait pas dans le donjon en temps ordinaire, celui-ci abritait les soldats de la garde et servait à entreposer les munitions et les vivres indispensables en cas de siège

Le jardin en contre-bas entr’aperçu sous la courbe des toits

La résidence seigneuriale, nécessairement entourée d’un grand jardin se trouvait dans la dernière enceinte, au pied du donjon et à l’abri assuré par le dispositif de défense de la citadelle

Larges toits des bâtiments abritant le musée d’Hikone, reconstruits en 1870, au pied du donjon

La ville de Hikone, située sur une rive du lac Biwa, le plus grand lac du Japon, a prospéré grâce notamment au commerce du riz qui était transporté jusqu’aux ports lacustres

Vue du donjon, Biwa-ko, le lac Biwa par beau temps

Recherchant un semblant de fraîcheur, nous avons beaucoup apprécié le dispositif mis à la disposition des touristes accablés par la chaleur

Sur le terre-plein du donjon, sous un léger auvent de roseaux, un ingénieux système de brumisation  !

Par 35° à l’ombre, fraîcheur bienvenue !

Une petite halte tout en haut de la colline, et en l’absence de vent coulis, nous avons savouré quand même une ombre bienfaisante…

Avec le lac Biwa comme toile de fond !

…A l’abri des grands et beaux arbres

Beaucoup de grands pins sur le site du château

Dans l’enceinte du château, un pavillon de thé nous a irrésistiblement attiré…

Pavillon de thé au joli nom « Pavillon du son de la cloche »

…pour un instant de repos et de sérénité

Les dalles de pierres plates mènent à l’entrée

Construite de façon naturelle sans ostentation à la manière des « cabane au toit d’herbes » avec des matériaux simples, bois et bambous rappelant la campagne

Une tasse de thé vert et un petit gâteau pour 500 yens (environ 4,50 €)

La décoration très dépouillée, habituelle des pavillons de thé permet de se libérer des pensées frivoles et facilite la contemplation

Kakemono et Ikebana appropriés pour la chambre de thé

Juste à côté du pavillon de thé, une grosse cloche laisse entendre cinq fois par jour un son sourd et pénétrant, une institution chère au cœur des habitants d’Hikone

La cloche de bronze toquée par un long bâton

La descente sur l’autre versant de la colline se parcourt au travers d’un sous-bois assez sec et caillouteux

Admirable vitalité de la nature !

La ville d’Hikone s’est constituée autour de son château et s’est peu à peu agrandie, elle en garde des quartiers anciens bien restaurés

Encore une belle plaque d’égout dans la ville !

Mais la ville construite autour de la citadelle ne s’est pas étendue de façon anarchique, une disposition hiérarchique stricte décidée par le Daimyô a décidé de l’aménagement de l’ensemble

Belle et grande maison ancienne

Ainsi les maisons de Samurai se situaient aux abords immédiats du château, puis au-delà les citadins et les artisans se regroupaient par profession

Une des vieilles maisons tout en bois le long du canal

Les douves extérieures du château ont été comblées au fil du temps mais la ville est en train de les réaménager, l’eau circule de nouveau comme dans un petit canal qui va se jeter dans le lac Biwa tout proche

Les nénuphars comme un chemin vert à perte de vue

La promenade en suivant le fil de l’eau, avec les vieilles maisons le bordant et les barques pour naviguer sur le lac nous a agréablement fait oublier pour un moment le béton et le macadam des rues surchauffées

Quittant Hikone, nous embarquâmes sur le lac Biwa pour une autre aventure…

Un autre château dans le nord du Japon : Hirosaki

15 réflexions sur « Le château d’Hikone – II – »

  1. De mieux en mieux! Et le charpentier franco-japonais ne dépare pas le décor.Il est bien beau votre fils, Marie Claude!
    Je suis particulièrement contente de la visite d’aujourd’hui car, petite fille d’artisan, je me suis toujours intéressée aux maisons, aux techniques de construction et en particulier au travail du bois.
    Merci de nous montrer tout cela.Grâce à vos images, aux commentaires qui les accompagnent, j’ai voyagé sans quitter ma chambre…

    • Merci Françoise, le sens artistique des Japonais s’est révélé, entre autres, dans le travail du bois avec tellement de sensibilité… Les bois ont une odeur et un toucher invraisemblables…Cela m’émerveille toujours…Même dans les grandes villes où règnent pourtant le béton et le métal, on trouve toujours des ilots de beauté à vous couper le souffle

  2. Je suis en extase devant les photos des charpentes et des toits (même si je ne suis ni charpentier, ni couvreur)! Qui m’inspireront peut-être un quilt contemporain avec la permission de l’auteur ! Et même la plaque d’é-goût qui prouve qu’on n’en manque pas ! Même dans les détails du quotidien, ce que j’apprécie hautement.
    Et j’aime à avoir l’impression de me promener dans une atmosphère (même si je ne suis pas Arletty!).

    • Merci Jacqueline, l’atmosphère, c’est ce qu’il y a de plus difficile à faire passer !
      Au Japon, les objets du quotidien peuvent être si beaux et si harmonieux…Ils cohabitent partout, en entente souvent cocasse, avec toutes sortes de gadgets, absurdes témoins de la société de consommation

  3. oui voyage voyage merci
    c’est l’année internationale de l’arbre, je crois
    le charpentier a-t-il fait quelque chose de particulier ?
    Bon Soir

    • Mais oui, Marie–Hélène, mon charpentier de fils a construit entre autres les charpentes de quelques restaurants « Buffalo grill » en Alsace, près de Dax ou encore à Rodez, mais il travaille surtout dans la restauration d’églises ou bâtiments anciens
      Mais il ne faut pas idéaliser le métier de menuisier-charpentier, comme il le dit si bien – « C’est un travail d’assemblages de légo » tout est conçu et préparé en usine avant la pose et l’installation
      Le métier a bien perdu de sa noblesse, il lui reste la pénibilité et le manque de gratification, hélas !

  4. Cette petite ville au bord du lac semble choisir les bonnes options d’aménagement… Quant aux infos sur les techniques spécifiques de construction, c’est réellement passionnant. Quelles belles charpentes ! Et tout ce bois à l’intérieur, même s’il assombrit considérablement, conserve tant d’authencité.
    Cela me rappelle notre bataille pour obtenir un bois sec afin de construire notre propre charpente, c’est quasiment impossible de nos jours car personne ne veut « perdre » de temps à laisser du bois sécher quelques années avant de l’utiliser… Têtu comme un Breton, mon mari a fini par l’acheter en Savoie chez un menuisier certifiant le bois bien sec. Notre charpentier en a été bien heureux,le bois sec étant bien plus léger !

    • Mais oui, Katell, face à la demande en bois, plus le temps de les laisser sécher : il faut trop de place mobilisée qui ne rapporte rien pendant ce temps et les faire sécher en usine revient trop cher après à la vente
      Toutes les charpentes actuelles sont en pin ou sapin, en lamellé-collé, le chêne trop lourd s’affaisse trop vite et coûte trop cher
      J’ai des dizaines de photos des belles charpentes du Japon, mais ce serait trop spécialisé pour mon blog d’amateur !

  5. A propos de charpente:
    je passe ce matin au pied d’un immeuble voisin où des charpentiers restaurent la toiture.Je les salue,leur adresse la parole et eux: »Pas Français, Slovaques! »
    No comment…

    • Savez-vous, Françoise, que mon fils est souvent le seul français sur un chantier ? Les entreprises du bâtiment estiment que les gens de l’Est travaillent mieux et sont plus sérieux que….et acceptent les conditions de travail souvent dangereuses et peu rémunérées…Quant aux vieux charpentiers (d’environ 50 ans, c’est vieux pour le métier) ont hâte de prendre leur retraite, le dos cassé et le moral en berne, vraiment pas de quoi idéaliser les métiers du bois !

  6. Hélas je crains bien que vous n’ayez raison.Là aussi j’ai rencontré beaucoup de gens déçus,pour quelques rares personnes passionnées qui arrivent à se contenter d’un revenu plus que modeste.Encore ne faut-il pas avoir de famille à sa charge.Quel gâchis de compétences et d’amour du métier…il semblerait tout de même qu’il soit un peu plus possible d’exercer ces métiers en province,en particulier dans notre région où l’on construit beaucoup en bois.
    En tout cas, le « dumping social  » fonctionne à plein dans les métiers du bâtiment, entre autres.

    • Les compétences et le travail bien fait demandent du temps, hors le temps nécessaire à un travail de qualité ne fait pas bon ménage avec la rentabilité poussée toujours plus loin vers les extrêmes que ce soit dans le bâtiment ou dans les services –  » Vite, vite, pas la peine de fignoler ! De toutes façons ça ne se verra pas ! « – antienne maintes fois répétée sur les chantiers
      Chère Françoise, vous me rassurez sur l’état d’esprit des entreprises en province, pourvu que cela aussi ne soit pas sacrifié sur l’autel de l’argent-roi !

  7. Merci Marie-Claude pour cette visite très instructive. Sans être compétente en la matière, je suis toujours admirative devant (ou sous, en l’occurrence)de beaux assemblages de bois.

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