Rouen – La cathédrale

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Deux jours de flânerie à Rouen sous la première grisaille de l’automne, pas de ciel bleu sur mes photos mais des couleurs douces en harmonie avec les vieilles pierres, les bois et les ardoises bleutées des maisons à colombage du centre historique

La cathédrale, maintes fois incendiée et rebâtie à chaque fois plus grande et plus large, reste un témoin des différents styles de l’architecture médiévale…et des pastiches du XIXe siècle !

La tour saint Romain de la cathédrale vue de la rue du Gros-Horloge

Terriblement mutilée après les bombardements de 1944, elle doit beaucoup aux reconstitutions soignées d’après guerre

En ce début d’automne, les travaux de restauration se poursuivant toujours, la tour-lanterne du transept si caractéristique de l’architecture normande médiévale n’était pas visible

Les arcs boutants de la nef, la tour lanterne et les deux tours du transept nord

La nef de la cathédrale a été reconstruite au XIIIe siècle avec une sorte d’hésitation entre une élévation à trois ou quatre étages, grandes arcades, baies des tribunes (non construites), galerie de circulation ou triforium et fenêtres hautes

Les voûtes du collatéral visibles au niveau des tribunes

Les voûtes des collatéraux s’élèvent jusqu’au niveau qu’aurait eu la voûte des tribunes, mais celles-ci se sont réduites à une baie ouvrant sur la nef, au-dessus des grandes arcades

Le collatéral de la nef et ses voûtes retombant sur des culots coudés, typiques de l’architecture gothique normande

La façade principale, construite aux XVe et XVIe siècles, mais sans cesse remaniée au cours des temps est de style gothique flamboyant qui doit beaucoup au XXe siècle !

Pour avoisiner les 61 mètres de large, la façade est d’une taille unique en France

De chaque côté du grand portail aux profondes voussures, des galeries sont décorées de statues et d’ornements, surmontées d’arcatures ajourées se terminant par des gâbles très décoratifs; l’ensemble surchargé offre des similitudes avec le style des constructions gothiques anglaises contemporaines

Soufflets, mouchettes, choux frisés se multiplient dans cette dentelle de pierre

Le financement des travaux de construction a toujours, pendant tout le Moyen Age, posé problème, les quêtes et dons ne suffisant pas, l’archevêque de Rouen à la fin du XVe siècle, pour financer l’édification d’une deuxième tour…

Dentelle de pierre plus féérique de nuit

… A trouvé la solution en y consacrant les aumônes provenant des dispenses du beurre et de lait pendant le Carême, la tour y gagna son surnom de « Tour du Beurre »

Une chronique relate que malgré la gourmandise des Normands, les sommes ne furent pas suffisantes et qu’il fallut donc rechercher de nouveaux dons !

La Tour du Beurre, aux étages en léger retrait, percée de larges baies s’allège sur un octogone en diadème final

Quelques vestiges sculptés du XIIe siècle sur un portail de la façade gardent le souvenir de la cathédrale des origines

Le festin d’Hérode, la décollation de saint Jean Baptiste et la remise de la tête-récompense à Hérodiade sont narrés dans une scène réaliste pleine de verve

Salomé en danseuse acrobatique n’a pas eu besoin de sept voiles !

Quelques statues anciennes des façades, rescapées des outrages du temps, ont finalement trouvé refuge à l’intérieur de la cathédrale

Saints et apôtres montant la garde devant les baies aveugles du déambulatoire

Vestiges de pierre bien émouvants dans leur dégradation même

Ange au sourire énigmatique portant une couronne

Le bras nord du transept était réservé aux chanoines qui manifestant un goût prononcé pour les livres à la suite de la découverte de l’imprimerie en avaient fait leur bibliothèque

Un escalier monumental fut construit à leur intention à la fin du XVe siècle pour qu’ils puissent accéder commodément à leur « librairie »

Seules les deux premières volées de l’élégant et rare escalier sont de style gothique, le reste est une imitation!

Ce transept nord dénommé « Portail des Libraires » en raison du commerce qui se faisait à cet endroit est contigu au palais de l’archevêché toujours en place

L’officialité ou tribunal ecclésiastique borne le portail sur la gauche

Le style flamboyant y reste discret, la beauté et la pureté des lignes, la justesse des volumes, la simplicité raffinée des détails, tout concourt à rendre justice à ce style de l’architecture gothique habituellement si décrié

Le gâble très décoratif de style flamboyant

Sur ce portail, subsiste un remarquable Jugement dernier sculpté à la fin du XIIIe siècle

La houle de têtes pressées derrière le cortège des damnés est une idée nouvelle à l’époque

Les scènes formant masse rendues avec peu de relief, contrairement à la tendance contemporaine, les attitudes contrastées, les draperies flottantes sont d’une qualité admirable avec des trouvailles iconographiques d’une sensibilité neuve en cette fin de siècle

Les attitudes tout en souplesse des élus

Les quatre-feuilles du soubassement présentent tout un monde d’inventions les plus fantaisistes allant de la caricature au grotesque

Des figures parodiques…

Répertoire de motifs propres aux ateliers de sculpteurs dont les modèles servaient librement aux artistes chargés de décorer les chapiteaux, les modillons ou les éléments des stalles par exemple

…Où traitées avec un humour extraordinaire

Des représentations allégoriques côtoient ce monde de fantaisie, l’histoire de la Création, Adam et Ève et autres images symboliques

Les soubassements du portail des Libraires

Des vitraux du début du XIIIe siècle, portant la marque des maîtres verriers de Chartres enchantent par leurs couleurs intenses quelques fenêtres hautes des travées de la nef

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Cathédrale – Vitrail de la vie de saint Julien l’Hospitalier

Les scènes de la vie de saint Julien l’Hospitalier suivent à la lettre le récit de Jacques de Voragine dans sa Légende Dorée

Julien, devenu chevalier part à la guerre

Mêmes couleurs éclatantes qu’à Chartres, bleu et rouge ardent…

A la suite d’une méprise, Julien occis ses parents couchés dans son lit

…Les scènes sont placées dans des panneaux quadrilobés entourées de résilles colorées

Pour se mortifier, Julien se fait passeur

Le vitrail a été offert à la cathédrale par la corporation des poissonniers représentés en train d’exercer leur commerce

Les chalands paraissent mettre en doute la fraîcheur de la marchandise !

Des figures historiques sous l’aspect de gisants de marbre, au XIVe siècle, restituent la lignée des premiers ducs de Normandie, depuis Rollon le barbare, comprenant sous l’impulsion du roi de France (France bien petite à l’époque !) qu’il valait mieux mettre en valeur la riche Normandie plutôt que de la dévaster, jusqu’à Richard Ier arborant sceptre et couronne d’Angleterre

Ricardi Anglorum regis qui Cor Leonis dictus

Couchés dans le déambulatoire du chœur, ces glorieux ancêtres profitent quelquefois, en l’absence de visiteurs trop curieux, d’un faisceau de lumière pour démentir leur paisible éternité

Rollo quiescit a se vastatae conditae Normanniae pater

D’orgueilleux tombeaux se cachent immodestement dans une chapelle fermée habituellement en dehors des grosses visites touristiques

Heureusement, en bavardant courtoisement avec la gardienne des bénitiers, nous avons eu le privilège d’admirer ces chefs-d’œuvre pendant un moment, en regrettant une chiche lumière pas très favorable aux prises de vue

L’imposant tombeau des cardinaux d’Amboise où la gloire éclatante de l’oncle profite au neveu successeur

Adossé contre le mur d’une profonde  chapelle du déambulatoire du chœur, le grandiose tombeau des cardinaux d’Amboise, Georges Ier, archevêque de Rouen et ministre du roi Louis XII et de son neveu et successeur à l’évêché Georges II fut réalisé dans les vingt premières années du XVIe siècle

Le mausolée fut commandé, de son vivant, par le cardinal-neveu à la mémoire de son oncle, et en observant la place des deux personnages, je pense que celui-ci escomptait bien profiter de la gloire posthume du brillant homme d’état !

Le cardinal Georges d’Amboise agenouillé sur une dalle de marbre noir et sous une voute à caissons précède de 30 années son neveu dans l’éternité

Les grands tombeaux de couples de gisants du siècle précédent finissant par prendre trop de place dans les édifices religieux, les sculpteurs durent alors élaborer des solutions « gain de place »

A la fin du XVe siècle, l’adoption de statues priantes représentées côte à côte fut privilégiée et devint une solution largement employée

L’alignement des priants devint une constante, et en décalant les personnages, les sculpteurs permirent de mieux en appréhender la vision

Saint Georges, patron des cardinaux combat éternellement en arrière plan

Le cardinal Georges d’Amboise ayant participé activement aux guerres d’Italie et à la conquête du duché de Milan aux côtés du roi de France, fut l’un des premiers mécènes à introduire l’art de la Renaissance italienne dans ce vieux pays de France

Nouveauté adoptée avec enthousiasme par les artistes, tels Roulland le Roux, architecte et sculpteur de la cathédrale qui maria dans cette œuvre magistrale les apports stylistiques de l’Italie au style gothique français encore bien vivace à cette époque charnière, dans une profusion de détails, rinceaux, masques, puttis brouillant quelque peu la belle ordonnance du mausolée

La Tempérance et la Prudence encore proches du style gothique à la française dans des niches à l’italienne

Sur le soubassement, les statues des Vertus témoignant de la vie exemplaire du cardinal d’Amboise se souviennent de celles du tombeau de Nantes

111005_038 Voyage à Rouen - La cathédrale

Cathédrale – Portail des libraires