Exposition « Les séductions du palais » – Cuisiner et manger en Chine – II –

Paris – Musée du Quai Branly 2012

La suite de l’exposition introduisait les mœurs culinaires de la période dite classique sous les dynasties des Song et des Ming avec de merveilleuses porcelaines

La mezzanine du musée, ses grands panneaux vitrés, ses fenêtres grillagées, ses montants tubulaires pour mettre en scène de précieuses et délicates porcelaines !

Au milieu du XIe siècle, l’émergence de grandes villes au nord et au sud de la Chine se substitue à la culture aristocratique de la dynastie Tang…

« Dazun » – Grand vase à décors moulés en grès à couverte – Dynasties du Nord et du Sud (380-581)

…et se tourne vers d’autres arts décoratifs, abandonnant le style extravagant des vases inspirés par les urnes du monde antique occidental  !

« Dazun » – Grand vase à décors moulés en grès à couverte – Dynasties du Nord et du Sud (380-581)

Les cités florissantes regroupent une population pleine de diversité dans des quartiers dédiées aux loisirs, avec ses rues commerçantes, ses fêtes et ses divertissements

« Yuhu Chun Ping » – Bouteille en grès à revêtement crème et brun avec la calligraphie « Le vent » – Dynastie Song (960-1279)

Le développement des classes moyennes urbaines à la recherche d’expériences culinaires nouvelles favorise l’essor des marchés, des auberges, des maisons de thé et de plaisirs et d’innombrables restaurants …

« Guan » – Jarre en grès à revêtement crème et brun avec la calligraphie « Longue vie » – Dynastie Ming (1368-1644)

…qui organisent des banquets composés de toutes les cuisines et spécialités régionales élaborées dans le vaste empire

« Hua Kou Pan » – Plat en grès à couverte céladon – Dynastie des Song (960-1279)

Loin de cette agitation populaire, la classe des lettrés choisit un mode de vie simple à la campagne ou dans la montagne en s’adonnant au plaisir de la poésie et à la dégustation du thé devenu une boisson à la mode

La plantation à grande échelle de théiers à cette époque permit à chacun son luxe quotidien !

Femme préparant le thé – Brique estampée – Dynastie Song (960-1219) – Galette de feuilles de thé compressées et broyées « Pu’er » venant d’un arbre multicentenaire

La pratique du thé par les lettrés devient une approche poétique et sa consommation s’élève au rang de cérémonie esthétique dans lesquelles les céramiques prennent une place déterminante

« Houa Kou Wan » – Bol en porcelaine blanc-bleuté – Dynastie Song (960-1279)

L’univers qui entoure le thé inspire une multitude de céramiques d’une diversité remarquable, les pièces ont en commun la recherche du dépouillement, formes simples et linéaires, glaçures unicolores, rares effets chromatiques se produisant spontanément en cours de cuisson

Les porcelaines d’un blanc teinté de bleu pâle fabriquées dans le sud de la Chine, très fines et résistantes, sont fréquemment ornées de petits décors incisés comme des brindilles, des fleurs ou des vagues

« Wan » – Bol en grès porcelaineux – Dynastie Yuan (1271-1368)

D’autres sont revêtues d’une épaisse couverte à la tonalité douce bleue ou grise mouchetée ou éclaboussée de pourpre ou de violet avec de fines craquelures pour tout décor

Merveilleux petit « Chawan » (Tasse à thé en japonais) dénommé « Clair de lune » que j’élirais bien pour boire mon thé !

Détail du « Clair de lune »

Les céramiques Song à couverte noire appelées « Temmoku » (dénomination japonaise) étaient préférées par les tenants du bouddhisme « Chan »

Elles furent importées au Japon par les moines bouddhistes Zen et devinrent très appréciées lors de la cérémonie du thé car la glaçure noire faisait ressortir la couleur verte du thé battu

« Kien » – Bol en grès à couverte noire – Dynastie Song (960-1279) Paris – Musée des arts asiatiques-Guimet

Ces petits bols coniques en grès, recouvert d’une épaisse couverte brun sombre tirant sur le noir sont connues sous le nom de « fourrure de lièvre » ou « plumes de perdrix » effets que donnent les striures aux multiples nuances couleur d’ambre

« Wan » – Bol en porcelaine – Dynastie Ming- Règne de Hongwu (1368-1398)

Le bon usage du thé, comme toutes choses en Chine, est très tôt codifié, si après avoir été consommé bouilli et aromatisé antérieurement, le thé sous les Song est réduit en poudre, c’est un « thé battu », il deviendra quelques deux siècles plus tard sous la dynastie Ming, un thé infusé tel qu’il est préparé encore actuellement

« Gaiguan » – Jarre à couvercle en porcelaine à décor floral – Dynastie Qing- Règne de Kianlong (1736-1796)

L’écrivain Wu Zimu au XIIIe siècle, dans un ouvrage traitant de la vie quotidienne sous les Song du sud à Hangzhou faisait cette relation :

– « Il y a huit  denrées nécessaires pour la vie d’une famille, le bois de chauffage, le riz, l’huile, le sel, le vin, la sauce de soja, le vinaigre …et le thé » ce qui prouve assez que cette boisson était devenue indispensable

« Gaiwan » – Bol en porcelaine imitant la laque – Dynastie Qing- Règne de Kianlong (1736-1796)

Sous la dynastie mandchou des Qing, la démesure au palais impérial dans la Cité interdite, devient la norme lors des fêtes saisonnières ou les réceptions d’état …

« Chahu » – Théière en porcelaine verte émaillée ornée de pétales de chrysanthème – Dynastie Qing – Règne de Yongzheng (1723-1735)

…qui peuvent réunir plusieurs milliers de convives !

« Chahu » – Théière en étain en forme de canard – Dynastie Qing (1644-1912)

Quatre cent officiants secondés par cent cinquante eunuques assurent, au milieu du XVIIIe siècle, environ douze mille repas par jour !

« Wan » – Bol impérial en porcelaine à décor floral en émaux polychromes sur couverte – Dynastie Qing – Règne de Kangxi (1662-1722) Paris – Musée des arts asiatiques-Guimet

L’idéal gastronomique mandchou est plutôt orienté vers les collations, avec thé et gâteaux plutôt que vers les repas traditionnels

« Wan » – Bol impérial en porcelaine à décor floral en émaux polychromes sur couverte – Dynastie Qing – Règne de Kangxi (1662-1722) Paris – Musée des arts asiatiques-Guimet

Hormis les fêtes familiales, les repas quotidiens se prennent traditionnellement dans la solitude

« Wan » – Bol impérial en porcelaine à décor floral en émaux polychromes sur couverte – Dynastie Qing – Règne de Kangxi (1662-1722) Paris – Musée des arts asiatiques-Guimet

Le couvert impérial est dressé sur une table…

« Wan » – Bol impérial en porcelaine à décor floral en émaux polychromes sur couverte – Dynastie Qing – Règne de Kangxi (1662-1722) Paris – Musée des arts asiatiques-Guimet

…et les plats arrivent des cuisines dans un ordre rigoureux

« Wan » – Bol impérial en porcelaine à décor floral en émaux polychromes sur couverte – Dynastie Qing – Règne de Kangxi (1662-1722) Paris – Musée des arts asiatiques-Guimet

Auparavant, un intendant vérifie le contenu des plats…

« Wan » – Bol impérial en porcelaine à décor floral en émaux polychromes sur couverte – Dynastie Qing – Règne de Kangxi (1662-1722) Paris – Musée des arts asiatiques-Guimet

…l’empereur se contentant d’en goûter quelques uns, les autres servant de décor !

« Wan » – Bol impérial en porcelaine à décor floral en émaux polychromes sur couverte – Dynastie Qing – Règne de Kangxi (1662-1722) Paris – Musée des arts asiatiques-Guimet

La desserte est ensuite offerte aux concubines et aux princes impériaux

« Wan » – Bol impérial en porcelaine à décor floral en émaux polychromes sur couverte – Dynastie Qing – Règne de Kangxi (1662-1722) Paris – Musée des arts asiatiques-Guimet

Ces bols utilisant des émaux de couleurs vives importés d’Europe, sont décorés de motifs symbolisant les caractères attribués aux fleurs comme la pivoine évocation de la noblesse, de l’opulence et de l’amour, céramiques fréquemment offertes en cadeau de mariage ou le chrysanthème allégorie d’une vie longue et paisible remplie de persévérance

« Gaiwan » – Bol à couvercle en porcelaine « famille rose » au décor de litchis – Dynastie Qing – Règne de Baoguang (1820-1850)

La figure de Zong Kui, personnage très populaire du panthéon taoïste, valeureux exorciste de démons, représenté dans un état d’ivresse courant chez les Immortels chargé de traduire l’union idéale avec le Tao, libérer son esprit pour se laisser aller au flux de la vie avec spontanéité, sans juger ni forcer les évènements pour s’insérer dans l’harmonie universelle en perpétuel changement

Statuette de Zong Kui en porcelaine à rehauts d’or sur fond d’émail rouge-corail – Dynastie Qing – Règne de Kangxi (1662-1722) Paris – Musée des arts asiatiques-Guimet

Un état d’esprit qui aurait pu inspirer les nombreux critiques détracteurs de cette exposition, dont le thème a été jugé trop ardu, et les objets pas assez spectaculaires

J’espère que mon article arrivera à démontrer le contraire !