Uji et Byôdô-in – I – Histoires de thé à Uji

Voyage de printemps à Kyôto

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Un matin ensoleillé était le bienvenu pour nous accompagner en train de Kyôto jusqu’à la ville d’Uji située à quelques 12 km au sud de l’ancienne capitale

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Sakura à Kyôto – Début avril et les cerisiers en fleurs dans les rues de la ville

De notre appartement situé sur la Karasuma gojô, la 5ème avenue ! jusqu’à la gare centrale de Kyôto, à pied il ne faut compter que 15 minutes de marche le long de la grande avenue Karasuma-dôri pour profiter au printemps de la floraison des cerisiers apportant aux rues de la ville des halos vaporeux de délicates fleurs blanches

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Kyôto – Higashi Honganji – Le grand temple bouddhiste à l’Est de la ville

Notre chemin longe le Higashi Honganji « le temple de l’Est du vœu suprême (du Bouddha) » siège du Jôdo Shinshû, école du bouddhisme Shin qui préconise une dévotion sincère à Amida, le bouddha  « de la Terre pure », courant spirituel réunissant une majorité de croyants au Japon

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Sakura à Kyôto  – Les cerisiers en grand nombre bordent la grande avenue Karasuma-dôri

Le quartier du Higashi Honganji abrite nombre de boutiques consacrées aux articles nécessaires au culte bouddhique comme divers modèles de Butsudan, les autels familiaux où la laque noire nitescente le dispute aux ornements recouverts à profusion de métal doré

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En vitrine, une ancienne tuile du toit du temple (gravée au nom du Higashi Honganji) et les inévitables mascottes dont raffolent les Japonais d’aujourd’hui
Le livre/mascotte est un recueil de Sutra bouddhiques à réciter tous les jours à la maison

Dès le matin, les dévots habituels du temple consacrent une partie de leur journée à des tâches « d’intérêt général » comme nettoyer bénévolement les abords du temple et les rues du quartier

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Kyôto au petit matin
Les adeptes du mouvement Jodô Shinshû partent nettoyer les rues en tabliers avec balais, pelles et brouettes !

Ce quartier près de la gare de Kyôto abrite des Ryokan, les auberges traditionnelles coincées entre de grands immeubles de béton qui poussent chaque année comme des champignons pour remplacer d’autres constructions plus anciennes ayant bien mal vieilli

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Kyôto – Oyado Niwa – Un Ryokan juste en face du grand temple bouddhiste

 

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Noren, le rideau de porte est déployé, le Ryokan Oyado Niwa est donc ouvert !

Devant le Ryokan, un spectaculaire buisson de Tsubaki envahit le trottoir, les fleurs roses de camélia dont la floraison commence fin février ou début mars symbolisent, tout comme les fleurs de cerisiers, la venue du printemps

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Tsubaki ou Camellia japonica
La fleur de camélia fut introduite en Europe au XVIe siècle

Le plaisir du voyage ferroviaire s’accompagne toujours pour nous, du plaisir d’acheter notre Bento à un kiosque de la gare

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La tour de Kyôto, en face de la gare, se devine au travers des branches des cerisiers oscillant sous la brise du matin

Si le matin le choix des Bento est énorme, il se raréfie dans la soirée, aussi mon époux aimant les spécialités proposées par chaque gare, a t-il réservé le bento de son choix pour le retour en fin d’après midi !

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En gare de Kyôto, proposition de Bento, les en-cas à emporter pour agrémenter le voyage ferroviaire !

Uji reste célèbre depuis quelques huit siècles pour les plantations de théiers sur les collines environnant la ville à l’Ouest et donnant, en principe, un thé vert d’excellente qualité

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En gare d’Uji, une réplique d’une jarre à thé plonge déjà les visiteurs dans l’ambiance de la ville !
Ce style de jarre contenant les feuilles de thé vert n’est prosaïquement qu’une boîte aux lettres !

La ville a construit sa réputation sur cette production de thé et tout au long des vieux quartiers commerçants très touristiques, il est quasi impossible d’échapper à la manne des précieuses feuilles vertes !

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Uji – Antique demeure du principal négociant en thé de la ville d’Uji, fournisseur exclusif de 1633 à 1866 du Bakufu, le gouvernement shôgunal d’Edo

Le thé, en provenance de Chine, fut introduit dit-on, au Japon au XIIIe siècle par le moine Eisai, fondateur de l’école Rinzai du bouddhisme zen, puis un de ses disciples, Myôe moine à Kyôto, choisit la région d’Uji pour y planter les premières graines rapportées du continent

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Uji – Ancien magasin de thé aux portes de bois coulissantes comme clôture

Au début du XIVe siècle, à l’époque Muromachi, le troisième shôgun Ashikaga Yoshimitsu, celui qui fit édifier le Pavillon d’or à Kyôto, encouragea les plantations de théiers qui prirent le nom des « Sept jardins d’Uji »

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Uji – Ochaman – Nom de la pâtisserie vendant les gâteaux traditionnels pour accompagner le thé
Le Noren s’orne du blason de l’établissement : des moineaux comme Mon

La pratique du thé dans les monastères de l’obédience zen, privilégiant l’étude de la culture chinoise, s’organisait autour de cérémonies esthétiques auxquelles prenaient part les lettrés, les aristocrates de Cour et les classes guerrières dirigeantes du pays

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Uji au printemps –  Terashimaya- Une boutique bien achalandée en diverses sortes de thé
Le panonceau orné d’un phénix doré affiché partout dans la ville célèbre la réouverture de Byôdo-in

Le thé à cette époque se consomme réduit en poudre, c’est un « thé vert battu » qui ne deviendra un thé infusé, comme on le connaît de nos jours, que quelques siècles plus tard, à la fin de l’époque Edo

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Uji – Les jarres anciennes contenant les feuilles de thé ont été remplacées par de grandes caisses carrées en bois
Les caractères Uji cha ou thé d’Uji, s’affichent sur les boîtes

Les producteurs de thé à Uji devinrent les principaux fournisseurs de la Cour du Shôgun à Edo (ancien nom de Tôkyô) en réservant à cet illustre client la première cueillette de chaque année, le reste de la production ne pouvant être commercialisée qu’après la livraison de ce Tencha, un thé vert en petites feuilles délicates, renommé pour son incomparable qualité

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Uji – Terashimaya – Magasin de thé proposant des dégustations dans un salon attenant à la boutique
Le magasin affiche en devanture les 4 critères à retenir dans le choix d’un thé : le goût, l’arôme, la couleur et la forme des feuilles, gages d’un excellent thé !

La procession qui pendant 240 ans amena ce thé nouveau à Edo est restée dans les mémoires par le biais d’une chanson Zui Zui Zukkoro bashi, connue de tous les enfants japonais !

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Hôjicha – Torréfaction d’un thé vert aux grandes feuilles, issu des dernières cueillettes
Thé « ordinaire » le plus souvent consommé à la fin des repas

Le cortège du « Thé pour le Shôgun » qui pouvait être composé de 1000 personnes empruntait le Tokaido, la route de l’Est de Kyôto à Edo, afin d’escorter les palanquins abritant les nombreuses et précieuses jarres de thé sur des chemins soigneusement balayés sur le passage afin de préserver de la poussière du voyage l’inestimable contenu destiné à arriver sans impureté dans les appartements du plus important personnage de l’état !

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Uji – Tranquille espace exigu aménagé derrière une échoppe de thé
Petits bancs pour s’asseoir commodément afin de déguster un bon thé Matcha accompagné d’un petit gâteau très sucré

Lors de la procession, nul ne devait observer un si important convoi, les paysans étaient interdits de travail aux champs, les villageois jusqu’aux enfants ne devaient plus sortir des maisons, les Daimyô, les nobles provinciaux même cédaient le passage au « thé du Shôgun » !

Aux commandements de Shita niiiii !!! « Baissez ! Baissez ! » toutes les personnes se trouvant par mégarde sur le chemin courbaient la tête jusqu’au sol, le silence absolu imposé permettait d’entendre dit-on, les rats grignoter les réserves de riz !

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Uji – Treillis de bois d’une façade d’une boutique de thé
Élégante façon d’inviter dans un salon de thé !

La ville d’Uji fut le théâtre pendant les guerres de Genpei à la fin du XIIe siècle des affrontements entre les Minamoto et les Taira, les deux clans guerriers les plus importants de l’époque afin de conquérir le pouvoir

Ujigawa no Tatakai, la bataille sur le pont d’Uji en 1183 vit la défaite de Minamoto Yoshinaka, battu par son cousin Minamoto Yoshitsune, épisode fameux narré dans les récits héroïques médiévaux

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Uji Bashi san no ma – Maquette du célèbre pont dans la vitrine d’une boutique de thé
L’eau puisée était celle passant sous la troisième arche du pont !

Mais le grand pont d’Uji est aussi célèbre pour une raison plus pacifique !

Du haut du pont enjambant l’Ujigawa, la rivière d’Uji, on puisait, deux heures avant le coucher du soleil, dans le courant descendant des montagnes, de l’eau pure afin de l’acheminer vers le château de Fushimi, près de Kyôto, pour préparer le thé du Shôgun Hideyoshi !

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Uji – Plaque d’égout de la ville avec son célèbre pont et ses érables à l’automne

Pendant la balade de printemps dans les vieux quartiers, une curiosité horticole m’a beaucoup intriguée !

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Uji – Cerisier aux fleurs blanches et roses

Dans la cour d’une maison particulière, un cerisier comportait sur le même arbre des branches fleuries de blanc et de rose !

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Uji – Genpei zakura – Cerisiers aux deux couleurs dans un jardin de l’antique cité

La singularité de ce genre de cultivars est renouvelée à chaque printemps, car l’arbre ne peut donner que des fleurs blanches ou une floraison entièrement rose ou encore ménager la surprise de marier ces deux couleurs sur un même tronc

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Uji – Fragiles pétales blancs d’un cerisier aux fleurs roses majoritaires

A Uji, ce genre de floraison est nommée avec malice Genpei zakura en référence aux couleurs arborées par les deux clans ennemis de la guerre de Genpei, le blanc pour les Minamoto – Genji et le rouge des Taira – Heike, noms désignant les mêmes personnages selon les caractères lus à la chinoise ou à la japonaise

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Uji – Terashimaya – Petit magasin touristique doublant la maison de thé principale placé sous la protection d’un Oni, ici en si gentil diable !
Les grands contenants pour le thé sont des incontournables de la ville !
Le caractère Cha ou thé étant partout le plus représenté !

Mais le voyage à Uji se fit principalement pour visiter Byôdô-in, le temple bouddhiste reflétant l’architecture de la période de Heian qui venait en ce début de printemps de ré-ouvrir après une restauration de quelques années

A suivre donc…

4 réflexions sur « Uji et Byôdô-in – I – Histoires de thé à Uji »

  1. Quel merveilleux reportage !
    Il me laisse une grande tristesse, tristesse de ne pas pouvoir accéder à des visites comme vous les faites, accompagnée de votre mari, grand connaisseur de ce beau pays.
    Pour nous autres, il reste les voyages en groupe, les congrès (une fois j’ai eu l’occasion d’y participer, avec une partie dédiée aux épouses, vraiment intéressante) mais cela n’aura jamais le même intérêt.
    Restent les beaux films, les expositions, votre blog !
    Merci, merci !

    • Il est vrai que mon mari m’apporte une aide très précieuse pour la documentation avant la rédaction de mes articles
      Je n’aime rien tant que les histoires passées de son enfance dans un Japon en train de disparaître peu à peu…
      Merci Manuela, j’espère que la suite, où il sera question de religion et d’architecture ne vous rebutera pas trop !

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