Paris – Musée du Quai Branly
Exposition Samurai – autres articles : I | II |III
Au cours du XIXe siècle, un grand nombre d’Européens férus d’histoire militaire étaient fascinés par les armures japonaises extraordinairement différentes de l’armement connu en Occident
Les collectionneurs privilégiaient parmi les éléments singuliers des armures, les pièces les plus déconcertantes pour les esprits occidentaux
La riche collection Barbier-Mueller comprend beaucoup de casques et de masques de guerre très surprenants
Aux austères et primitifs Hoshi kabuto, casques à étoiles…
…en fait des casques en dôme aux lamelles triangulaires fixées par des rivets saillants…
…succédèrent les Suji kabuto, casques aussi en dôme faits de lames sans rivets jointes par leurs arêtes se chevauchant en formant des côtes
Comme ce casque aux 120 lamelles de fer rivetées pour une symétrie parfaite
Les Maedate, ornement frontaux des casques sont déjà d’une grande diversité, le Karasu tengu, esprit de corbeau, est toujours privilégié même si la figure est unie à des oreilles de lièvre !
Typique de l’époque Muromachi au XVe siècle, les casques Akoda, en forme de melon, en fer souvent laqué, avec des oreillons plus ou moins développés et ornementés …
.. sont prolongés par un Shikoro, protège-nuque en plaques articulées qui se chevauchent, destiné à parer les coups de sabre, la décapitation étant un moyen radical de remporter la victoire sur son adversaire !
Au XVIe siècle, à l’époque des guerres civiles la demande pressante en armures et en casques amena des perfectionnements fonctionnels reflétant l’influence des casques européens…
…les casques Akodanari, deviennent arrondis avec un arrière surélevé mais toujours formés de nombreuses lamelles de fer
A l’instar des armures, les casques ont donc aussi évolué dans leur ornementation…
… avec une grande liberté doublée d’une créativité manifestant un goût certain pour l’ostentation et l’excentricité
Les samurai empruntaient les traits habituellement prêtés aux animaux en ajoutant à leur armement de vrais éléments animaliers mais le plus souvent des représentations symboliques d’animaux fantastiques ou légendaires
Les ornements en bois recouverts de laque, de feuilles d’or ou d’argent figuraient des bois de cerf, des cornes de buffles, des oreilles de lièvre, etc…
A l’époque Momoyama, à la fin du XVIe siècle, les Kawari kabuto, casques d’apparat aux formes étranges prirent une multitude de formes hautes, loin des canons esthétiques habituels…
…Comme les casques en forme de vague, faits de cuir laqué superposé sur une coiffe en métal…
…ou bien utilisant une structure en papier laqué montée sur une coiffe de fer pour représenter une coquille Saint-Jacques ou les nageoires d’un poisson à la queue déployée
La nature, source habituelle d’inspiration dans l’art japonais est ici non dénuée d’humour
Les formes des casques et leurs ornements aussi extravagants qu’ils puissent paraître, leur taille étant un insigne de pouvoir…
…étaient un bon moyen de se faire reconnaître sur le champ de bataille
Le Maedate, ornement frontal qui représente le roi-gardien de la loi bouddhique Fudô Myôô, figurine à son effigie ou sa traduction en sanskrit est subtilement employé…
…Les samurai s’identifiant à Fudô Myôô, sensé être le protecteur des guerriers
Les flammes qui l’entourent figurant l’éradication du mal
Un autre symbole de la doctrine bouddhique est utilisé sur ce casque aux arêtes de fer découpées en forme de flammes assemblées les unes aux autres au sommet du casque où elles forment une flamme plus large, démontrant une grande maitrise dans le travail du fer
Les Tengu sont des créatures mythiques, apparentés aux Kami, des dieux ou encore des sortes de génies omniscients, vivant dans les montagnes et censés avoir un corps humain, un bec d’oiseau et des ailes, très populaires dans le folklore japonais
Un long nez rouge est aussi un attribut de certains Tengu, réputés être experts en l’art militaire, en techniques de combat et en stratégie, ils ne pouvaient que plaire aux guerriers !
Ces casques sont à l’image des Oni considérés comme des démons esprits vagabonds de forme humaine dotés de force surnaturelle, souvent symbolisant les passions humaines
Ils ont une apparence d’ogre caractérisée par des cornes, des dents pointus et des cheveux hirsutes, leur réputation d’invincibilité justifiait leur intégration dans la décoration des casques
Des casques très surprenants comme celui composé de deux parties attachées par des anneaux, la partie supérieure s’enlevant pour réduire le poids du casque en fer sur la tête et ainsi faciliter la circulation de l’air
Beaucoup d’ornements présentent des formes originales qui témoignent de la grande imagination de ceux qui les portaient !
Des types de casques s’adaptant à la forme de la tête sont d’un réalisme inattendu…
..en simulant un Hachimaki sur le front, linge entourant la tête habituellement chargé d’absorber la sueur
A l’époque Muromachi, les Jingasa étaient les couvre-chef de piètre qualité des fantassins mais améliorés à l’époque Edo, ils devinrent les chapeaux habituels des samurai
Les influences étrangères se font sentir dans les casques ronds à larges bords comme ceux que portaient les émissaires coréens venus au Japon au début de l’époque Edo
Le plus raffiné des casques qui résume à lui seul la technique savante des artisans a été fabriqué au XVIIIe siècle dans le goût des anciens modèles…
…dans une sophistication à la limite du maniérisme
Les masques constituaient un élément essentiel de l’armure du samurai en fournissant une protection du visage et de la gorge
Mais ils permettaient de faire valoir la créativité des artistes comme sur ce masque signé par Myôchin Muneakira, prétendu être le meilleur armurier du Japon à son époque, son talent visible dans cette technique du métal embouti tendrait à le prouver !
Les masques comme les casques sont le plus souvent signés de ceux qui les fabriquaient
Les faces grimaçantes étaient rendues encore plus terrifiantes par le rendu des traits énergiques et des expressions exagérées
Les masques se divisaient en trois catégories en fonction de l’étendu de la protection qu’ils offraient, un gorgerin était habituellement ajouté à chaque type de masque
En terminant sur une note caractéristique de l’humour japonais, un masque au nez exagérément long faisant référence aux nez allongés des Occidentaux
Les Occidentaux au Japon, de nos jours encore, sont dénommés Gaijin ce qui veut dire les longs nez !
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Paris – Exposition Samurai – Musée du Quai Branly – autres articles :
I – Les armures
II – Les casques et les masques de guerre
III – Les textiles
Encore plus époustouflant! Nos armures occidentales font bien petite figure à comparer avec ces chefs- d’oeuvre d’inventivité et de savoir faire.On essaie d’imaginer ce que ces casques et masques pouvaient donner sur un champ de bataille…de l’effroi sans doute, puisque en sortaient des cris sauvages ! Maintenant, dans une vitrine de musée, ils prêtent plutôt à sourire: l’humour en effet n’est pas loin.
Merci Marie Claude pour cette visite que sans vous je n’aurais pas faite.
Je me demande si l’effroi était bien réel puisque tous les chefs de guerre portaient ce genre d’attributs et que les samurai se battaient entre gens de même classe et donc de mêmes habitudes
La plupart de ces casques délirants et masques en cuir laqué n’ont jamais vu un champ de bataille, objets fantasques pour temps de paix
Exposition guerrière mais qui nous aura ménagé bien des fou-rire quand même !