Nantes – Exposition « Éloge de la sensibilité » – IV –

La nature morte au XVIIIe siècle

Je n’aime pas le terme français de « nature morte » et je lui préfère de beaucoup le vocable « Still Life » emprunté à la langue anglaise… la vie silencieuse

Dans la hiérarchie des arts, la peinture de nature morte était placé au plus bas de l’échelle, et pourtant c’est un genre qui dans sa variété et sa vitalité révèle une grande liberté d’expression

Chardin – « Comme l’air circule autour de ces objets » Diderot

Largillière, célèbre portraitiste en son temps s’est, tout au long de sa vie, adonné au genre de la nature morte en agrémentant ses tableaux de motifs de fleurs ou de fruits

Nicolas de Largillière – Nature morte avec instruments de musique
1695-1700

Rompant avec le genre des « Vanités », tradition du XVIIe siècle chargée de symboliques sur la prétention et les richesses matérielles, mais fortement attaché à la manière flamande de Rubens, Largillières restitue les objets dans une palette de coloris étincelants et un rendu palpable des matières

Le réalisme virtuose du peintre joue sur la sensation mais aussi sur la sensibilité cultivée du spectateur !

Détail de la partition et du rendu du mouvement du papier froissé

La chasse, principale activité de la royauté et de l’aristocratie, est à l’origine des tableaux « retour de chasse » dont la noblesse ornait volontiers ses salons

Cette nature morte de Desportes, très influencée par les sujets animaliers et les coloris de l’école flamande, était destiné au pavillon de chasse du château de Marly

François Desportes – Gibier sur une table de marbre
1708-1709

Le peintre Oudry, (fils de Jean-Baptiste son illustre père) spécialisé dans les natures mortes de gibier, les traite dans des compositions dépouillées où domine une certaine austérité

La virtuosité avec laquelle il rend les détails et les matières à partir d’une palette assez restreinte est remarquable

Ce genre de nature morte passera vite de mode au milieu du siècle et le peintre, sans plus de commandes, finira sa vie dans la misère

Jacques Charles Oudry – Gibier
1759

Les deux panneaux en trompe-l’œil du peintre Valette-Penot, dont il s’était fait une spécialité, ont été commandés par le président de Robien magistrat au Parlement de Bretagne, collectionneur passionné possédant un remarquable cabinet de curiosités dont la mode était toujours vivace au XVIIIe siècle

Jean Valette-Penot – Trompe l’œil à la statuette d’Hercule
Vers 1748

Accumulation dans un désordre savamment maîtrisé de divers objets précieux, le rendu des matières et l’illusion naturaliste représente les centres d’intérêt du commanditaire

Détail d’une coupe en cristal ouvragée et d’une statuette évocation du raffinement de la toute récente manufacture royale de porcelaine

Trois classifications sont retenues dans le monde des cabinets de curiosités, les Artificiala avec les objets manufacturés et les instruments de mesure scientifiques, puis les Antiquitas avec la présence de petits objets antiques enfin les Naturalia avec les collections d’objets d’histoire naturelle

Jean Valette-Penot – Trompe l’œil à la gravure de Sarrabat
Vers 1748

Les objets de l’autre panneau représentent les diverses aptitudes qu’une jeune fille (Melle de Robien) de bonne famille se devait de posséder et illustrent les occupations quotidiennes d’une personne de la haute bourgeoisie

Détail d’un nécessaire à couture !

Détachés d’un contenu allégorique ou symbolique, les sujets les plus humbles peints par Chardin n’existent que pour l’équilibre de leur forme et de leurs couleurs

L’admirable qualité de la lumière et la sobriété de la touche picturale rattache le peintre à la tradition française des natures mortes, sujets paisibles et discrets du XVIIe siècle

Jean Siméon Chardin – Panier de prunes

L’œuvre, espace clos et silencieux, fait appel à notre ressenti pour nous rendre sensible à l’impalpable état des choses

« On se sert des couleurs mais on peint avec le sentiment  » répliquait Chardin aux incompréhensions critiques de son temps

Jean Siméon Chardin – Pêches et raisin

Ces articles sur l’exposition au Musée des Beaux-Arts de Nantes se termineront pas quelques œuvres parmi mes préférées dans les collections permanentes du musée

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