Le Mont Saint Michel – III – La Merveille

Voyage aux confins de la Bretagne

« La Merveille » rassemble sous ce nom différents bâtiments, le chœur gothique de l’église et le cloître ainsi que les constructions basses appuyées sur la pente du rocher qui soutiennent l’église : la crypte dite des Gros piliers, le Réfectoire, le Scriptorium et la Salle des Hôtes

Quand le chœur roman s’effondra en 1421, il fut décidé de le reconstruire selon le style gothique flamboyant qui prévalait à l’époque mais en restant fidèle aux anciens principes de construction, sobres et élégants dans les proportions, des débuts de l’art ogival du XIIIe siècle

La nef romane couverte d’une charpente lambrissée et le chœur gothique flamboyant à la voûte d’ogives
La verticalité du chœur et la lumière qui en jaillit saisissent dès l’entrée dans le sanctuaire

Les temps de construction du chœur et de la crypte qui le soutient furent très courts, et le chantier s’acheva en 1521 soit juste un siècle après le début des travaux

Le maître d’œuvre défia les lois de la pesanteur par une prouesse architecturale arc-boutée sur la face nord du rocher, elle s’appuie sur 16 énormes piles, la crypte des Gros Piliers qui, 40 mètres plus bas, soutient la structure du chœur

Élévation du chœur – Vu depuis le bas-côté nord

L’idéal de l’architecture gothique fut une aspiration à la lumière, manifestation du divin présent dans les sanctuaires

Pour faire rentrer dans le vaisseau davantage de clarté, les maîtres d’œuvre cherchèrent à alléger toujours plus la structure des édifices et à rendre, au profit des baies démesurées, les murs immatériels

Cette quête de la lumière ne fut possible qu’avec l’invention des arcs-boutants venus contrebuter les voûtes de plus en plus élevées et les murs percés de hautes fenêtres

Une abondante lumière pénètre par les grandes arcades, le triforium et les baies vitrées

Le chœur, fidèle à la vocation trinitaire des espaces, s’élève sur trois niveaux superposés, de hautes arcades, un triforium et des verrières très élevées qui inondent le vaisseau de lumière

Les arcs des voûtes d’ogives viennent se perdre dans les longues moulures qui strient les piliers sans l’obstacle de chapiteaux, de fines colonnettes jaillissent d’un seul élan du sol jusqu’à la voûte à 25 mètres de hauteur

Vue depuis le déambulatoire du chœur

 

Le chœur s’entoure d’un déambulatoire rythmé par des chapelles rayonnantes dont les hautes fenêtres apportent une lumière subsidiaire

L’image de la forêt, décrite par les anciens chroniqueurs, ne fut jamais plus justifiée qu’en ce chœur de l’abbaye du Mont Saint-Michel

Le déambulatoire du chœur avec ses chapelles rayonnantes

La crypte dite des Gros Piliers, construite au XVe siècle, impressionne par la puissance d’énormes piles cylindriques qui surgissent d’une quasi pénombre

Les énormes piles de la crypte

Chaque fût de pierre de la crypte a pour fonction de supporter le pilier correspondant du chœur de l’église au-dessus

Les 36 piliers suivent l’architecture rayonnante du chœur

Le sens esthétique de l’architecture gothique se révèle dans cette crypte dont la fonction, seulement conçue comme construction de soutènement, n’est pas dénuée d’élégance et de beauté avec une lumière glissante sur les pierres dans une atmosphère un rien fantasmagorique !

Un labyrinthe avec plus de maçonnerie que de vide !

Les piles d’une force saisissante, très proches les unes des autres, sont reliées entre elles par les nervures des voûtes qui viennent se fondre dans la masse des pierres

Les nervures des voûtes relient les piliers entre eux et jouent avec l’ombre et la lumière

Il est impossible pour une personne seule d’embrasser ces piliers énormes de 6 mètres de circonférence, il faut être deux pour les ceinturer !

Nous avons essayé !

Des portes s’ouvrent sur tous les côtés de la crypte, lieu de circulation entre les différents espaces du monastère, une d’elles donnait aussi accès à la salle du tribunal ecclésiastique dont les prévenus attendaient assis sur les bancs de pierre situés dans les embrasures des fenêtres, avec l’inquiétude que l’on peut imaginer !

Les coussièges aménagés dans les ébrasements des fenêtres de la crypte

La superbe Salle des Hôtes témoigne de la maîtrise des maîtres d’œuvre du XIIIe siècle

La salle est séparée en deux nefs par une rangée de fines colonnes dont l’espacement offre une circulation fluide, tandis que des contreforts à chaque travée intérieure rythment les murs latéraux

Deux cheminées monumentales dans le mur Ouest constituent la partie cuisine

La multitude des lignes verticales formées par les colonnes amincies à l’extrême, les fenêtres en lancettes effilées, les colonnettes sur les contreforts aspirent le regard vers les voûtes d’ogives d’une idéale légèreté

Extrême élégance et légèreté de la voûte sur croisée d’ogives

Ce vaste espace si dégagé fut conçu de manière fonctionnelle en raison de son usage, réservé aux hôtes de marque, nobles pèlerins venus ici se reposer et se restaurer, cette salle possède deux énormes cheminées chargées d’assurer la cuisine et le chauffage

Les arcs de décharge des voûtes viennent reposer sur les contreforts intérieurs

Les nervures des voûtes retombent sur les colonnes où d’étroits chapiteaux dont le décor sculpté, assez succinct, se compose de feuilles stylisées plaquées à la surface de la corbeille ronde, sont typiques de l’art gothique normand

Chapiteau rond de la Salle des Hôtes

La sobriété de la pierre apparente des édifices médiévaux si appréciée maintenant n’est qu’une illusion de notre époque !

Quelques vestiges retrouvés permettent d’imaginer la décoration de cette salle, des peintures vives recouvraient les murs, des carrelages de petites briques émaillées tapissaient les sols, les fenêtres aux vitraux resplendissants devaient magnifier cette salle réservée aux hôtes de marque

Le XIXe siècle a doté les fenêtres de la Salle des Hôtes d’un maillage faussement médiéval qui joue plaisamment avec la vue sur la baie

Les murs de pierres brutes reçurent même un décor de pierres…en trompe-l’œil coloré !

L’ilot de Tombelaine au loin

Sous les badigeons postérieurs, l’abbaye ayant servi de prison pendant une grande partie du XIXe siècle, resurgissent quelques traces des décors médiévaux comme cette fresque rescapée de l’ancienne infirmerie du XIIIe siècle

Fresque illustrant « Le conte des trois morts » fable morale chargée d’édifier les pèlerins

Le Réfectoire est un bâtiment spectaculaire, gigantesque volume situé au troisième étage de l’abbaye, au-dessus de la Salle des Hôtes

Le Réfectoire vu vers l’Ouest
Les côtés sont percés de 57 fenêtres diffusant une douce lumière

Le maître d’œuvre ouvrit dans l’épaisseur des murs, sans affaiblir la paroi, un grand nombre de fenêtres permettant de déverser dans la salle une lumière abondante et harmonieuse

Chaque longue et étroite fenêtre mesure 27 cm alors que leur ébrasement s’ouvre sur 90 cm de large

Les fenêtres sont découpées dans des ébrasements aux côtés en biais, ces voussures s’esquivent derrière des arcatures et la succession des colonnes masquent les fenêtres en retrait

Dès l’entrée, seule la vibration de la lumière qui glisse sur le jeu d’arcatures est visible, les fenêtres n’apparaissent qu’au fur et à mesure du cheminement et semblent se refermer aussitôt le passage franchi

Le Réfectoire vu vers l’Est

Ce jeu de lumière, s’il prouve l’habileté de l’architecte, témoigne surtout de la spiritualité bénédictine transcrite dans la pierre, la clôture symbolique des moines transfigurée par la lumière divine

Les fines colonnettes, de la base au tailloir, s’élèvent à 3m 80 de hauteur

De très fines colonnettes étirées se coiffent de chapiteaux aux abaques circulaires, autres exemples typiques de l’architecture gothique normande

Le poids de la voûte en berceau lambrissé repose sur la multitude de ces petites colonnes, ce parti-pris de construction permit un grand espace de circulation exempt de piliers de soutènement au centre

Le Réfectoire vu vers l’Est, ouvert sur le cloître

 

Les repas pris en silence dans le Réfectoire, s’accompagnent de textes pieux, la chaire du moine lecteur se situe dans un renfoncement du mur, ne déparant pas la belle ordonnance de la colonnade

La chaire du lecteur
Le muret est une reconstruction moderne

Le cloître ouvert sur le ciel refermera cette série d’articles…A suivre…

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